Qu'est-ce qui a motivé cette campagne du ministère de la Jeunesse et des Sports ?
La réponse est claire : les jeunes et les jeunes adultes souvent avec des enfants constituent actuellement le principal bataillon, la cible principale des sectes. La protection des mineurs et des jeunes étant du ressort du ministère de la Jeunesse et des Sports, il me revenait de me saisir de ce dossier. Mon ambition au sein de ce ministère est de permettre à chaque jeune de pouvoir trouver sa place au sein de la société, de pouvoir y jouer un rôle actif. Face à cet objectif, le développement des sectes constitue à l'évidence un obstacle de taille : il est un facteur de désintégration de la société car les sectes coupent leurs adeptes du reste du monde, alors que notre objectif est d'aller vers l'intégration, vers la socialisation. Et ce qui constitue un réel danger pour notre société représente souvent, vous le savez, un nombre incalculable de drames personnels et familiaux pour ceux qui sont concernés.
A combien évalue-t-on le nombre de sectes en France ? Et le nombre de personnes touchées ?
L'actualité de ces dernières années a mis en lumière, à l'étranger comme en France, un certain nombre de tragédies : de la secte des Davidsoniens à Waco au mouvement Aoum au Japon, pour finir par l'Ordre du Temple Solaire en Suisse et en France. Mais ces événements tragiques ne sont que la partie éclairée d'une réalité bien plus étendue mais souterraine. Les informations se précisent, bien qu'un culte du secret entoure souvent ces structures. Le remarquable rapport parlementaire réalisé par la commission d'enquêtes sur les sectes, sous la conduite d'Alain Gest et Jacques Guyard, qui a largement inspiré ma démarche, recense en France près de 200 «organisations-mères» auxquelles il faut ajouter environ 800 «filiales». Au total, les estimations faites par les différents observateurs concerneraient un chiffre pouvant aller jusqu'à 300000 per-sonnes touchées par ce phénomène ; parmi lesquelles, malheureusement beaucoup de jeunes.
Quels sont les principaux risques liés aux mouvements sectaires ? Les jeunes y sont-ils particulièrement exposés
Je distinguerai plusieurs risques principaux : pour la santé, pour les enfants, pour la démocratie et la société. Certains groupes préconisent des régimes tellement dangereux qu'ils peuvent entraîner la mort par carence. D'autres groupes prétendent soigner et guérir, même les maladies graves, et contestent, voire interdisent, le recours à la médecine ce qui peut s'assimiler à l'assassinat. A un degré moindre, les adeptes peuvent aussi être amenés à compromettre leur santé par épuisement, exposition à des conditions extrêmes, régime de privations, manque de sommeil, etc. Enfin, il y a de graves dangers psychologiques. D'autre part, il est arrivé que dans certains groupes, des enfants soient brutalisés, soumis au dressage, ou subissent des abus sexuels, ou encore qu'on leur refuse certains soins. Ceci n'est pas général, mais ce qui l'est plus, c'est une conception de l'éducation centrée sur le bénéfice du groupe et ignorant le droit des individus. L'éducation dans le groupe sectaire exclut certaines informations qui permettraient à l'enfant d'avoir accès à la diversité du monde et donc de faire son choix. Elle fabrique des petits robots qui deviendront des serviteurs obéissants. Enfin, quelques rares groupes comme la secte Aoum au Japon ont eu recours au terrorisme, mais dans la plupart des cas, la recherche du pouvoir est plus insidieuse : d'abord par le nombre d'adeptes «convertis», le recrutement étant le premier impératif d'un groupe sectaire. Ensuite, par la qualité du recrutement. Si on arrive à embrigader un haut responsable, celui-ci négligera ses devoirs et sa conscience pour ne plus obéir qu'aux ordres du groupe, et de façon clandestine. S'il est responsable politique, enseignant, médecin ou magistrat, cela peut être très grave. Le groupe sectaire se sert de ces personnes d'influence pour se développer.
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