avril 2003

Les mots des sourds : communiquer avec le corps et l'espace

La langue des signes : un monde silencieux qui privilégie la sincérité pour se faire comprendre.
Dessin Christian Maucler

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C'est dans le silence qu'ils évoluent et communiquent. Avec des gestes, avec le corps et avec l'espace. Même sans les sons pour s'exprimer, la réalité des sourds n'est pas pour autant vide de sens. Au contraire, c'est avec une sincérité et une très grande sensibilité que ceux qui utilisent la langue des signes se font comprendre et réussissent à se faire «entendre». Au même titre que les «entendants» avec leur langue orale, les personnes atteintes de surdité ont leur propre syntaxe, leur propre monde rempli de mots avec la langue des signes et leur façon de faire passer les intonations de la parole... Communiquer avec la langue des signes, c'est traduire l'idée et le ressenti. C'est tout d'abord une question de perception des nuances. C'est exprimer avec des gestes la pensée humaine. «Une langue très visuelle que la langue des signes, qui s'organise dans l'espace. Contrairement à une langue orale, communiquer avec la langue des signes nécessite obligatoirement de passer du général au particulier», explique Carole Zika-Cloatre, interface de communication à l'URAPEDA (1).

La sincérité : primordial

«Par exemple, pour nous, "entendants", la phrase "un chat sur une table" est immé-diatement compréhensible. Mais pour une personne sourde, ça n'a aucun sens. Avant de lui parler du chat, il faut tout d'abord la situer dans l'espace, lui expliquer l'ambiance, et l'environnement aussi. Le fait qu'il y a une table en premier, et après mentionner la présence d'un chat», poursuit-elle. «Avec la langue des signes, il importe de dire les choses telles qu'elles sont pour être compris. Ce qu'on appelle le langage au premier degré. C'est une langue plus directe, plus sincère dans laquelle on évite d'utiliser des expressions abstraites type "poser un lapin". On privilégie plutôt des mots concrets : "tu ne t'es pas pré-senté à notre rendrez-vous". Et cette sincérité rend la notion de communication encore plus forte», souligne Carole Zika-Cloatre. «Tout le corps, l'expression du visage aussi, sont porteurs de sens pour s'exprimer. Il faut être attentif à toutes les subtilités de ce moyen de communication pour comprendre», poursuit-elle. Ramener aux choses simples, une notion parfois mise de côté avec la langue orale qui peut être la cause de malentendus. Les sourds, dans leur monde sans bruit, réussissent peut-être encore mieux que les "entendants" à communiquer...

Quelques précisions sur la surdité

Savez-vous que...
... il existe quatre degrés de surdité : légère, moyenne, sévère et profonde. Il est impossible, pour une personne atteinte de surdité légère, de percevoir le bruit d'une chambre à coucher, ce qui équivaut à une perte auditive de 25 à 40 décibels. Une surdité moyenne correspond à une perte auditive de 40 à 70 décibels. Bruits non perçus : les voix faibles et moyennes. Pour ce qui est de la surdité dite sévère, les voix fortes ne peuvent être perçues. Quant à une personne atteinte d'un degré de surdité profonde, elle ne peut entendre les bruits d'une motocyclette ou un réacteur d'avion (90 décibels et au-delà). En France, 4 à 5 millions de personnes sont atteintes de déficience auditive, à un degré plus ou moins élevé.
... les sourds ne sont pas muets. Une personne atteinte de surdité, même profonde, n'est pas pour autant incapable de faire usage de la parole. Il est important de savoir que les capacités phonatoires du sourd sont intactes. Impossible toutefois pour lui de s'approprier naturellement cette forme de communication, faute de l'entendre. Il n'a pas de retour des sons qu'il émet. Pour cela, il doit bénéficier de soutiens spécifiques (orthophonistes, prothèse, soutien familial, éducatif...). ... pour qu'un sourd puisse lire sur les lèvres, son interlocuteur doit se mettre face à lui. Toutefois, les sourds qui maîtrisent la lecture labiale, même très bien, ne peuvent comprendre, au mieux, que 30 % de ce que dit leur interlocuteur. Impossible donc, pour une personne sourde, de saisir la totalité du message, et ce pour différentes raisons : débit trop rapide, manque de concentration, sosies labiaux, environnement.
... la surdité ne survient pas uniquement à la naissance. Autres causes principales : maladies infantiles, otites à répétition, méningite.
... la langue des signes n'est pas universelle. Chaque pays a sa propre langue des signes. En France : LSF, langue des signes française. A noter qu'il existe une langue dite «internationale» des signes. Celle-ci ne comprend toutefois que des signes de base. Il existe également plusieurs signes pour désigner le même mot, lesquels varient selon les régions.

Elenka A. Todorov 
(1) L'Urapeda
L'Union régionale des associations de parents d'enfants déficients auditifs, qui couvre les territoires de Bourgogne et Franche-Comté, existe depuis une vingtaine d'années. Sa mission : favoriser l'intégration des personnes déficientes auditives dans le dispositif de droit commun. Elle travaille en partenariat avec des services d'insertion professionnelle. Les employés de l'Urapeda doivent impérativement connaître la langue des signes. La personne atteinte de surdité peut faire appel aux services offerts par l'Urapeda afin d'être
accompagnée par un interface de communication professionnel. L'Urapeda facilite ainsi l'insertion sociale des personnes atteintes de surdité en les aidant lors d'entretiens d'embauches en entreprise ou encore en centre de formation. De cette façon, le dialogue se fait avec le mode de communication privilégié des sourds. Cette association ne dispense pas des cours de langue des signes.

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