juin 1998

Peut-on encore faire l'économie du bio ?

L'agriculture «bio», comme on l'appelle, est encore minoritaire. Mais offre et demande croissent.

  • commentercommenter
  • envoyerenvoyer
  • imprimerimprimer
  • caractèrePLUSMOINS
Jardin de grand-maman pour les uns, idéal peu réaliste de quelques rêveurs pour d'autres, quand elle n'est pas décrite comme l'activité de marginaux farouchement à l'écart : le bio a du mal à se défaire d'images tenaces à peine dépassées. Pourtant, il revient au devant de la scène, en contrecoup de quelques problèmes plus ou moins récents mais aussi irrésolus que grandissants. Il y avait déjà les interogations sur la surproduction, le développement durable ou le respect de l'environnement, il s'y ajoute désormais les inquiétudes face à l'alimentation, vache folle et maïs transgénique dans les assiettes. Un ensemble de difficultés auxquelles, le bio peut, selon ses défenseurs, en partie remédier. Jacques Lançon est l'un d'eux : technicien en agriculture biologique pendant 15 ans, il a ouvert en 83 la SARL «Pour le bio», qui vend des produits agricoles à Montmorot, près de Lons-le-Saunier. « L'agrobiologiste moderne cherche aussi à être rentable insiste-t-il. Mais il le fait en obéissant aux lois de la fertilité des sols et à l'impératif qualitatif pour le consommateur, en gardant le respect de l'écosystème. C'est d'abord une question de volonté et de conviction... Mais il est difficile de comprendre qu'il faille attendre que les faits soient avérés pour dire halte. On se doutait bien que les pesticides, par exemple, auraient des effets néfastes ! »
Remise en cause de l'agriculture intensive et productiviste, le bio possède aussi ses inconvénients, dont celui d'être plus exposé aux aléas de la nature. Guy Le Hénaff, ingénieur du service régional de protection des végétaux, ne tranche pas : « Il y a la place pour les deux types d'agriculture. Certains agriculteurs travaillent très bien en bio, connaissent leur métier mais on n'est jamais à l'abri d'impondérables, du climat, des maladies. Mettez un mois de juin pluvieux sur un champ de pommes de terre et le mildiou va arriver. Faire du tout bio, c'est s'exposer certaines années à l'absence de récolte. Donc, à l'échelle nationale c'est problématique. Et il y a des idées préconçues sur le laissez-faire naturel. Avec le phytosanitaire par exemple, on s'affranchit des aléas de la nature ». Mais il l'admet, « on sent que la société va demander de plus en plus des comptes par rapport aux productions. Il y aura une nécessité de transparence, on essaye d'y sensibiliser les agriculteurs ».

La production intensive répondait à une demande

Productivistes, pollueurs, répandeurs de nitrates et désherbants, désormais empoisonneurs, ces derniers ne sont, de l'avis général, pas seuls responsables. Que l'on sache, tous les produits qu'ils utilisent sont légaux ! Pascal Bérion, de l'Université de Franche-Comté, résume un avis partagé : « Les lois d'orientation agricole de 62, qui ont permis la modernisation de l'agriculture, ont fait en sorte de rendre l'agriculture française très productive, très moderne, l'une des plus performantes au monde. Le message qu'on lui a donné était de produire beaucoup et pas cher, il ne faut pas l'oublier. Si aujourd'hui l'on regrette un certain nombre d'erreurs, d'atteintes au milieu naturel, c'est aussi l'une des conséquences de notree politique agricole ».
Les agriculteurs insistent sur cette réalité, à l'image de Sylvain Marinier, président du CDJA dans le Doubs : « C'était un choix de société et une mission qu'on nous a donnée. Et effectivement, on a été débordé par la technologie, mais tout le monde, les scientifiques et les politiques, aussi. Aujourd'hui que l'on a atteint l'autosuffisance, il est clair qu'il faut mettre un terme à ça, arrêter de mettre des porcs en Bretagne, de répandre toujours plus d'azote, de faire du transgénique de manière non raisonnée. En tous cas, dans la région, nous sommes clairs là-dessus. En Franche-Comté, on peut mettre sans problème sur la table nos chiffres, nos pratiques en terme d'utilisation d'engrais, de mise aux normes des bâtiments d'élevage ou de gestion de l'eau...»
Le 12 décembre 1997, un plan quinquennal de soutien à l'agriculture bio a été présenté par le ministre de l'Agriculture et de la Pêche. Cette année, le projet de loi d'orientation agricole prend le contrepied de la logique productiviste. En parlant du bio, il est évoqué un pacte économique et écologique à la base d'une nouvelle révolution agricole. Sans aller jusque là, on peut simplement parler d'une mutation, qui permettrait à l'agriculture de sortir des années... 60. « L'agriculture biologique n'est reconnue officiellement que depuis 7 - 8 ans, avec une prise de conscience des dangers de l'alimentation et de l'agriculture industrielles indique Jacques Lançon. Mais si des pays comme l'Autriche, la Hollande ou l'Allemagne ont sauté à pieds joints dès 75 dans les propositions européennes de financement d'une agriculture plus naturelle, la France n'a rien fait pour encourager le mouvement bio. Dans les années 70, c'était un pays pilote à la suite d'initiatives privées, à l'heure actuelle, elle se retrouve en queue de peloton.» Effectivement, en 1985, la France se présentait encore comme le principal producteur biologique européen, fournissant près de 50 % des denrées de ce type. En 1997, ce chiffre est tombé à 7 %, la France au 14e rang. Elle parvient si peu à répondre à la demande intérieure, grandissante, que les importations de produits bio ont été multipliées par 20 entre 1993 et 1996 !
« Plus on a avancé dans la transfor mation du monde rural et plus il est difficile de revenir à des systèmes non coincés dans cette logique productiviste se désole Jacques Lançon Aujourd'hui, les jeunes qui s'installent sont formés à cette logique et n'ont plus le savoir-faire lié au cycle naturel. On en fait des chefs d'entreprise sans notion sur les problèmes de gestion des ressources situées à quelques mètres sous la terre cultivée ».

Stéphane Paris
Retour

Commentaires

Afin de poster un commentaire, identifiez-vous.

Se connecter S'inscrire

articles

express

Concours Amnesty


novembre 2024
Amnesty international Besançon organise 2 concours pour les droits humains :
- un concours d'illustrations ouvert aux collégiens, lycéens et étudiants : il s'agit de créer une couverture de BD à partir d'une nouvelle primée l'an dernier (accessibles sur plumesrebelles.fr) avant le 24 janvier.
- un concours de nouevlles ouverts aux collégiens, lycéens, étudiants et apprentis, avant le 17 janvier. Thèmes d'écriture : les discrimnations : sources de violence ? / droits acquis : la vigilance s'impose pour les préserver / la nature a-t-elle des droits ? / l'IA : un risque pour les libertés individuelles et collectives ?
Infos sur plumesrebelles.fr

Elections européennes


mars 2024
Les élections approchent : 9 juin. Pour voter, il faut avoir 18 ans au plus tard la veille du scrutin et être inscrit sur les listes électorales d’une commune. Normalement, les moins de 26 ans sont déjà inscrits, notamment s'ils ont effectué le recensement citoyen à 16 ans. Mais si ce n'est pas le cas ou s'il y a eu déménagement depuis, il faut se réinscrire. Cette opération peut s'effectuer en ligne jusqu’au 1er mai (suivre ce lien) et jusqu’au 3 mai pour les inscriptions en mairie ou par courrier.

Prix de l'Homme debout


mars 2024
Le prix de l'Homme debout est un concours d'expression destiné aux jeunes de 12 à 15 ans organisé par le festival Livres dans la Boucle à Besançon. Il s'agit de défendre une idée en vidéo pendant 2 minutes sur le thème justice/injustice. Pour concourir, il faut participer à 2 ateliers gratuits puis envoyer son intervention via Whatsapp avant le 30 juin. 4 prix seront décernés en septembre (places de spectacles et de cinéma, carte Avantages Jeunes, rdv exclusif à Détonation). En savoir +

39-45, mémoires d'une jeunesse en guerre


janvier 2024
Radio Campus Besançon a recueilli quatre témoignages inédits de personnes ayant vécu la Seconde Guerre mondiale. Ils avaient entre 9 et 18 ans et vivaient à Besançon, Ris-Orangis ou encore Coutances. Plongez au cœur de leur histoire ! Tous les épisodes sont en ligne sur le site campusbesancon.fr.

Harcèlement


septembre 2023
De plus en plus préoccupant, le harcèlement scolaire concernerait 2,6 % des élèves de CM1-CM2, 5,6 % des collégiens et 1,3 % des lycéens selon l'Education nationale. Pour y faire face, le ministère généralise le programme Phare (Prévenir le harcèlement et agir avec respect) et insiste sur l'utilisation des numéros d'urgence 3018 (cyberharcèlement) et 3020 (harcèlement scolaire). Un plan interministériel de lutte est en préparation.
Voir tout