Combien sont-ils ? Difficile à dire, quand on sait que les termes utilisés pour les décrire sont « jeunes invisibles » ou « hors radars ». Invisibles car sortis du système scolaire et sans contact avec une autre institution. Pour indice, ils font partie des 80 000 à 95 000 jeunes, selon les sources, qui sortent du système scolaire sans qualification. Plus précisément, 60 000 mineurs ne sont ni en études, ni en formation, ni en emploi. Au total, ceux qu’on appelle aussi « Neets (1) », « ni, ni, ni » (2), étaient évalués à 1,5 million en 2019. Leur statut – ou plutôt son absence – rend le repérage difficile. La Journée défense citoyenneté organisée par l’armée serait un bon moyen d'évaluation puisqu’elle s’impose à tous les jeunes. Au Centre du service national et de la jeunesse de Dijon, une mission de détection a été lancée cette année. Elle vise avant tout à aider ces jeunes
« en leur donnant des informations sur des structures qui pourraient leur convenir. On leur parle des Epide (3) ou du service militaire volontaire, mais ces cadres ne conviennent pas à tous. L’idée est de proposer d’autres solutions plus adaptées selon les cas » explique Théotime Bailliet, qui a été chargé de recenser les possibilités et les dispositifs d’aide existants.
Si le propos n’est pas statistique, cette mission donne un ordre d’idée :
« le nombre de décrocheurs varie d’une session à l’autre, mais on peut atteindre 4 sur un groupe de 20 ou 30 ».
Des chiffres suffisamment préoccupants pour que la lutte contre le décrochage scolaire soit devenue une priorité nationale dans le cadre de la "Stratégie Europe 2020". Elle a donné lieu à des évolutions importantes notamment sur le plan législatif : le droit au retour en formation pour les jeunes sortis du système éducatif sans diplôme ni un niveau suffisant de qualification et l'obligation de formation pour les jeunes âgés de 16 à 18 ans.
Depuis 2016, l’Education nationale a structuré une mission de lutte contre le décrochage scolaire à la fois pour prévenir les ruptures et accompagner les jeunes vers une reprise. D’autres organismes comme les missions locales avec la Garantie jeunes se sont attelés à aider ces « décrocheurs » à trouver des solutions. Cette politique semble porter ses fruits : le taux d’abandon scolaire est passé de 12,6 % en 2010 à 8,2 % en 2019 et le nombre de jeunes qui sortent sans qualification baisse chaque année.
Avec le repérage, les professionnels se heurtent à une autre difficulté : le décrochage scolaire n’est pas un phénomène uniforme.
« Il se matérialise par autant de trajectoires individuelles et d’histoires de vie et s’explique par une combinaison de facteurs de risques internes et externes à l’école. La réponse ne peut donc être univoque » lit-on sur le site de l’Education nationale. Phobie scolaire, harcèlement social, difficultés relationnelles, problèmes familiaux, troubles psychologiques, échec, isolement, précarité sont les principales causes, souvent plurielles et interagissant les unes avec les autres. Des situations que
l’Adna (Association pour le développement de la neuropsychologie appliquée) a découvertes en plus grand nombre que prévu lorsqu’elle a mis en place les dispositifs Boussole et Bivouac. Ce dernier décrit
« une prise en charge singulière, sur-mesure, dans une temporalité particulière, ajustée au rythme du jeune ». Une option prise par chacune des structures d’accompagnement : même si ces jeunes sont parfois réunis en collectif, à l’instar des Promos 16 – 18 de l’Afpa, chaque cas est particulier et demande une aide personnalisée et patiente.
S.P.
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