Le grand chef et l'argent sont les deux moteurs d'une secte. Un chef en haut de la pyramide qui, souvent, a changé de nom pour en choisir un qui sonne bien. Ainsi, Sun Myung Moon veut dire soleil brillant lune. Gilbert Bourdin, fondateur des Chevaliers du lotus d'or, présente une carte de visite remplie : sa sainteté le seigneur Hamasah Manarah. Le créateur de la Méditation transcendantale est affublé d'un patronyme qui veut dire grand sage illuminé. Claude Vorillon, fondateur d'un mouvement de quatre mille adeptes français, selon lui, est devenu Raël (celui qui a vu Dieu, en hébreu). Le gourou fondateur se doit d'exercer sur ses disciples un pouvoir permanent. Comme l'explique un avocat, spécialiste des sectes, Jean-Pierre Jougla, «le gourou a reçu la révélation. Ce savoir révélé donne au chef sa légitimé absolue aux yeux de ses disciples. Le gourou incarne le pouvoir totalitaire dans toute sa gloire et ce d'autant plus que les adeptes sont avides de se soumettre totalement.»
Croire aux bobards
Fondateur de l'Élan Vital, le Guru Maharaji n'hésite pas à affirmer à ses fidèles : «Si vous n'obéissez pas à ce que dit Maharaji, à quoi sert-il de vivre dans ce monde ? Mieux vaudrait mourir de honte. Si je vous demande de vous couper la tête pour Guru Maharaji, vous devez le faire et la lui offrir sur un plateau.» Une adepte de Raël a été jusqu'à dire à un journaliste de Libération en décembre dernier : «Si Raël proclamait qu'il n'avait dit que des bobards, je continuerais à y croire.»
Pour l'Union nationale de la famille et de l'individu (Unadfi), qui défend les personnes victimes de sectes, «le leader de secte, présent au milieu de ses disciples ou à travers ses intermédiaires qui deviennent les supérieurs hiérarchiques du mouvement, se dit doué d'une mission (le plus souvent "révélée") qui lui assure sa légitimité absolue». Un maître dominateur mais aussi une structure très hiérarchisée. Dans le mouvement de la Méditation trans-cendentale sous «sa sainteté Maharishi» qui dirige un «gouvernement mondial» on trouve, dans 140 pays, des gouverneurs nommés par le maître.
Une organisation souvent militaire
L'organisation de la secte Moon est également un modèle du genre. Au sommet Moon et sa femme, les «vrais parents». L'autorité va du haut vers la base, en cascade. A chaque palier un chef désigné par le chef supérieur. De plus, aucun pou-voir n'est électif et les discussions ne sont pas tolérées : on obéit. Une terminologie militaire est parfois utilisée, comme dans la Nouvelle Acropole où le fondateur est le «commandant mondial», sous lui viennent les «commandants» puis les «commandants centraux» pour les structures nationales du mouvement et dans les centres locaux de chaque pays les «chefs de filiales». Divers organes complètent la structure : corps de sécurité, service de renseignement, professeurs.
L'organisation peut même être paramilitaire. Exemple, Soka Gakkai, fondée par un Japonais. La famille est l'unité de base. L'escouade comprend quinze familles. La compagnie sept escouades, le régiment dix compagnies et l'armée trente
régiments. Il y aurait en France près de 6000 membres, en majorité des jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans.
40 000 francs le stage d'accès
aux pouvoirs illimités
Deuxième point fort des sectes : l'argent. L'Unadfi souligne le rôle important des finances : «Le groupe devient un objet de marketing. Des sommes considérables circulent à sens unique, venant de dons fortement suggérés, des rapports de travail bénévoles, de formations obligatoires et payantes. Tous les moyens sont utilisés pour extorquer l'argent de l'adepte mais aussi de sa famille, de son entourage sous formes de pressions, chantages, relances... »
Le mouvement raëlien procure à certains de ses adeptes un exemplaire type de testament à compléter avec l'adresse où doit être versée l'argent. Dans ce testament la personne demande aussi que l'on prélève sur son corps «l'os du front, plus précisément la partie située au-dessus du début du nez, à 33 inm au-dessus du milieu de l'axe reliant les deux pupilles. au moins un centimètre carré de cet os.» On peut comprendre que le mouvement raëlien ait besoin d'argent. Le maître a présenté en décembre aux disciples la maquette de l'ambassade des Elohim, habitants d'une planète où a séjourné le fondateur de la secte et où il aurait rencontré, Jésus, Mahomet, Bouddha... pas moins. La construction de cette ambassade, à Jérusalem, est estimée à 20 millions de dollars (116 millions de francs). Pour engranger de l'argent, les mé-thodes sont presque toujours les mêmes, quelle que soit la secte. D'abord, la vente de journaux. brochures, livres ou cassettes. L'abonnement aux bulletins est recommandé. Autre moyen : les conférences, avec droit d'entrée, données par le maître ou ses proches collaborateurs. Les ressources financières proviennent de cours ou stages. Pour un droit à l'initiation dans le mouvement la Méditation transcendentale, il en coûte un quart du salaire mensuel. Inscriptions aux stages et sémi-naires : 40 000 francs pour un cours de Sidhi (un programme censé conférer des pouvoirs «illimités» : connaissance du futur, léviter, traverser l'espace...).
L'Église de Scientologie donne aussi des cours (jusqu'à 70 000 francs). A cela s'ajoutent les dons (des retenues sur salaires jusqu'à la remise de biens immobiliers à la secte). Devant de tels agissements, la commission nationale consulta-tive des droits de l'Homme, instituée auprès du premier ministre, a constaté que certains groupes «utilisent la fragilité d'individus particulièrement vulnérables.» Elle a demandé, en décembre, la mise en place d'une structure de coordination interministérielle.
Mathieu Gotnich
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