Julien Perrot, c'est l'incarnation d'un rêve que sans doute beaucoup caressent, l'histoire d'une passion devenue profession de manière très naturelle, presque par inadvertance. Celle d'une revue, «La Salamandre», qu'il a créée à l'âge de 11 ans et qui compte aujourd'hui 16000 abonnés en Suisse et 5000 en France. Entre-temps, son fondateur, 32 ans aujourd'hui, n'a rien perdu de son amour de la nature qui a été à la base de l'aventure. Il continue à parcourir bois et clairières, à observer lacs et torrents. Et à écrire à leurs sujets.
«C'est vraiment ce qui m'a fait commencer : mes parents n'étaient pas particulièrement attirés par la nature mais je vivais à la campagne, j'étais tout le temps dans la forêt, au bord des rivières à regarder les oiseaux et les petites fleurs. Mais tout seul ce n'est pas très drôle, je me demandais comment faire partager cette passion, alors j'ai fait un journal. Ce serait aujourd'hui, je me lancerais sûrement dans un site Internet». Le titre s'est imposé lorsque Julien Perrot a assisté à la naissance de petites salamandres dans sa chambre (l'animal fétiche du journal a fait l'objet d'un numéro
spécial pour les 20 ans). En réalité, ce jeune suisse est parvenu à concilier deux passions : «J'ai toujours été fasciné par l'écriture, par la liberté que nous offre le papier, par l'ivresse, et l'angoisse aussi parfois, de la page blanche». S'il a abandonné la photographie et les dessins à des collaborateurs («La Salamandre» compte 8 salariés), il demeure l'une des principales plumes du magazine. «En moyenne, j'assure toujours les 2/3 de l'écriture». L'idée d'en faire une profession est arrivée tard, à la fin de ses études de biologie à Neuchâtel.
Se salarier et rétribuer une secrétaire fut alors peu évident, mais au moment de fêter les 15 ans de «La Salamandre», Julien Perrot a été invité pendant une semaine sur le plateau d'une émission de télé suisse. Un vrai coup de pouce qui valut 1500 nouveaux abonnés à la revue et le passage d'un cap essentiel. Depuis elle maintient son rythme de croisière et son fondateur ne ressent aucune lassitude. «Il peut y avoir des inconvénients à ce qu'une passion devienne un métier, mais ça me plaît toujours autant. Le temps que je consacre à «La Salamandre», c'est toujours du plaisir. Je pense que l'important, c'est de s'entourer des bonnes personnes. Si elles sont motivées, compétentes et autonomes, le côté «métier» reste gérable» dit-il tout sourire. Il insiste sur l'aspect «bande de copains» ou sur «la famille de La Salamandre» et comme fonction s'en tient à celle de rédacteur en chef. «J'ai maintenant des associés qui sont des gens liés émotionnellement à l'histoire de la revue. Ce sont des associés légalement mais surtout des proches. Et on n'a jamais voté, toujours pris des décisions en discutant».
Objet au fil des ans de multiples articles souvent stupéfaits de la précocité de ses divers statuts (jeune rédacteur en chef puis éditeur et patron de presse avant ses 18 ans), créateur autodidacte d'une revue ayant atteint une qualité étonnante et une notoriété certaine en Suisse, Julien Perrot garde les pieds sur terre. Et reste très abordable. Mais sait visiblement ce qu'il veut. Le concept de «La Salamandre» n'a pas beaucoup bougé de-puis ses débuts. Quitte à ne pas rouler sur l'or, Julien Perrot tient par exemple à l'absence de publicité ou à la diffusion uniquement par abonnement. Volontés qui ont leur explication logique. A chaque fois, elle revient à la nature, respectée jusque dans les pages du journal. «L'absence de pub n'est pas une question d'indépendance mais un critère de qualité. Pour moi, c'est une forme de pollution esthétique. J'ai toujours dit qu'on ne ferait jamais fortune avec «La Salamandre» mais qu'on ne ferait pas de pub». Le magazine est imprimé sur papier recyclé. Et s'il n'est pas vendu en kiosque, c'est pour ne pas participer au gaspillage monumental de papier que cela représente. Est-il militant ? Pas exactement répond-il. «On vit dans un monde qui ne va pas fort et dans le domaine de la nature, il y a un impact de l'homme, pas seulement global, mais aussi donné par chacun de nous. Dans ce cadre, on peut avoir un discours de militant politisé, faire signer des pétitions. Nous, nous avons choisi de ne pas le faire. On mise plus sur la transmission. On préfère faire rêver les gens en plantant un décor, leur faire prendre conscience de ce qui les entoure dans l'idée que s'ils l'apprécient, ils le respecteront. C'est une dé-marche complémentaire du militantisme actif, parce qu'on peut toucher des gens qui ne liront jamais un bulletin d'adhésion au WWF».
Stéphane Paris
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