Il revient en mémoire un souvenir de slogan familier claironnant que la France compensait le manque de pétrole par les idées. A l'époque du choc pétrolier il s'agissait surtout d'inciter particuliers et entreprises aux économies d'énergie et de développer le nucléaire producteur d'électricité. Les circonstances ont changé mais voilà qu'aujourd'hui on se remet à parler d'idées en matière d'énergie. Un sujet revenu peu à peu à l'ordre du jour jusqu'à ce que le gouvernement lance en décembre dernier un programme national d'amélioration de l'efficacité énergétique. Même si les problèmes du prix du pétrole, de l'épuisement des énergies fossiles, de l'indépendance énergétique sont encore d'actualité, la raison principale est à chercher du côté du sommet de Rio en 1992 et du protocole de Kyoto en 1997 : deux réunions internationales entérinant la prise de conscience de rejets trop importants de gaz à effet de serre dans l'atmosphère (en particulier le gaz carbonique - CO2), responsables d'un réchauffement de la planète. Comme d'autres pays, la France s'est engagée à réduire ses émissions - ou plutôt à les maintenir à leur niveau de 1992.
Des sources d'énergies «propres»
Dans cette perspective, les principaux axes du programme national prévoient de mieux informer les ménages et les entreprises, d'agir dans les domaines des transports et de l'habitat, de favoriser le développement des énergies renouvelables et les investissements en matière de maîtrise de l'énergie et d'augmenter les moyens d'intervention de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie. Parmi les «ruptures historiques» que présentent ces dispositions, Pierre Radanne, le président de l'Ademe évoque « un coup d'accélérateur sur le développement des énergies renouvelables ».
Quelles sont-elles ? La biomasse, dont font partie le bois-énergie et le biogaz, l'électricité et le chauffage solaires, l'éolien, le petit hydraulique, la géothermie. L'un de leurs principaux avantages est donc de ne pas rejeter ces fameux gaz à effet de serre dans l'atmosphère. Un domaine dans lequel, s'agissant de production énergétique, la France fait pourtant figure de bon élève en Europe : « 95 % de la production française d'électricité provient du nucléaire et du grand hydraulique, qui sont sans rejet dans l'atmosphère » précise Damien Notin, responsable environnement à la délégation régionale d'EDF. Parenthèse : le nucléaire - qui ne fait pas partie des énergies renouvelables - a ses détracteurs, essentiellement en rai-son des déchets et des risques liés, mais il assure en partie l'indépendance énergétique de la France. « Depuis plusieurs années, EDF s'est lancé dans les énergies renouvelables. Mais il faut savoir qu'elles ne peuvent pas suffire à combler l'augmentation de la consommation d'électricité en France. Alors en imaginant que l'on abandonne le nucléaire, comme c'est le cas en Allemagne, il faudrait compenser le manque par des centrales thermiques au charbon qui elles polluent et rejettent des gaz à effets de serre ! ».
Des technologies qui profitent aux particuliers
Qualifiées de «douces» ou «propres», les énergies renouv lables ne sont paradoxalement pas toujours louées par les défenseurs purs et durs de l'environnement : la présence d'éoliennes dans un paysage, la perturbation des rivières que peut susciter l'énergie hydraulique n'est pas tout à fait de leur goût... Pourtant, « l'importance grandissante des préoccupations liées à l'environnement dans l'opinion publique est une des principales explications du retour au goût du jour des énergies renouvelables estime Simon-Pierre Mosse, chargé de communication de la délégation franc-comtoise de l'Ademe. Au même titre que l'augmentation du prix des énergies fossiles ».
Utiliser le bois, l'eau ou le vent comme sources d'énergie ne date pas d'hier, mais de récents développements technologiques expliquent qu'on les qualifie parfois de «nouvelles». Au moment où l'on commence à voir approcher l'épuisement des énergies fossiles, les «renouvelables» offrent l'avantage essentiel de constituer une ressource beaucoup moins épuisable. Surtout, s'agissant d'eau, de vent ou de soleil : cette énergie se diffuse même si on ne l'exploite pas, donc autant s'en servir. Même le bois-énergie ou le biogaz peuvent être utilisés sans exploitation supplémentaire, leur matière première étant constituée de déchets. L'objectif annoncé en France est de faire passer la production d'électricité par ces biais de 15 à 21 % du total. Associé à la maîtrise des consommations d'énergie, notamment dans le domaine des transports, le «décollage» espéré des énergies renouvelables devrait éviter d'ici 2010 le rejet de 16 millions de tonnes de carbone par an, ce qui correspond aux engagements de réduction de la France.
Grâce au grand hydraulique, la France est déjà de loin le premier producteur européen en matières d'énergies renouvelables (la production est trois fois plus importante que l'Allemagne et dix fois plus que le Royaume-Uni). Mais comme il n'est plus question de construire de nouveaux grands barrages, l'effort revient à développer les autres ressources. « La France est dépassée par ses voisins dans certains domaines cadre Simon-Pierre Mosse : l'Allemagne, la Suisse mais aussi l'Espagne qui a fait d'énormes progrès, la Belgique qui a lancé un programme de promotion des chauffe-eau solaires, les Pays-Bas... En France, l'électricité et le chauffage solaire ne sont par exemple pas développés non pas par manque de soleil mais parce qu'on n'a jamais mis de réels moyens pour le faire ». Aujourd'hui, la recherche profite aussi aux particuliers : désormais, celui qui veut faire fonctionner son habitat en partie à partir d'énergies renouvelables peut trouver des matériaux et des installateurs performants. Les prix sont encore élevés, parce que ces techniques sont encore peu diffusées, mais des programmes d'aides financières sont mis en place pour aider les volontaires. Parmi les ruptures avec le passé évoquées par Pierre Radanne, il est d'ailleurs à signaler que l'Ademe informe désormais le grand public alors qu'elle était jusqu'à présent tournée vers les collectivités locales, les entreprises ou des organismes spécialisés. Diffuser largement ces techniques est un enjeu pour l'avenir.
Stéphane Paris
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