En septembre dernier, tu as lancé ton groupe The Disruptives. Quel est le concept ?
C’est un spectacle musical dans lequel quatre anciens étudiants d’HEC, membres fondateurs du collectif "Les jeunes avec Jean-Pierre Raffarin”, se reforment pour créer le premier groupe de rock macroniste de l’histoire ! Le flow de la start-up nation, to make the rigolade great again !
D’où t’est venue cette idée ?
Pendant l’été 2017, quand j’étais en tournée de mon spectacle (Que demande le peuple ?, ndlr). Au départ, je voulais faire une chanson. Puis, un clip. Un mec nous a dit “venez pour 3 chansons ; pour une chanson, vous allez payer cher”, donc on a fait quatre chansons. On s’est dit que ce serait marrant de faire les premières parties de mon propre spectacle avec ça. Il fallait composer une petite trame narrative quand même, une fois qu’on avait ça, on avait une demi-heure de spectacle. On s’est dit que ça, multiplié par deux, on aurait un spectacle. Ce qui est marrant là c’est de se mettre en danger. Enfin, on n’opère pas à coeur ouvert, mais là je t’avoue que chanter et jouer de la guitare, je n’avais jamais fait. Je le faisais chez moi, tout seul et mal. Je connais peut-être une dizaine d’accords, c’est pas mal, ça me place direct dans le haut du panier (rires). Les autres ont de vrais niveaux.
Tu mets un point d’honneur à te produire en province, pourquoi ?
J’ai grandi au fin fond de la Haute-Saône et j’allais voir des spectacles à Vesoul. En décembre, j’ai terminé ma tournée de "Que demande le peuple ?" à Villefranche-sur-Saône. Un copain m’a demandé : “Mais tu ne préfères pas finir sur une grosse date à Paris ?”. Mais en fait, j’en ai rien à faire ! On a fait la fête jusqu’à 2 h du matin dans un troquet quand tout le monde était couché et on a fini chez des gens qu’on ne connaissait pas. Je préfère ça plutôt que de sortir de la Cigale à 23 h, viré par un vigile parce que la salle avait été réservée jusqu’à cette heure, et me retrouver comme un con en plein milieu de Paris, à aller boire des pintes à 8 euros et mauvaises. Et on rigole mieux !
As-tu toujours voulu faire de l’humour ?
Ado, je ne savais pas trop ce que je voulais faire. J’ai passé un diplôme de gestion à Besançon. En 2002, je suis allé à Paris, où j’ai commencé le théâtre. Je me suis inscrit au cours Florent car je ne connaissais que ça. Je prenais des cours de théâtre le soir et je faisais des petits boulots la journée. Mon premier boulot était "street acteur". Tu vois un peu la start-up nation ? C'était être dans la rue avec un chasuble WWF et dire aux gens "vous voulez sauver les pandas ?". Ensuite, j'ai bossé au Relay de la gare St-Lazare, puis en tant que vendeur dans un magasin d'ameublement. J'ai bossé longtemps dans un centre de réception d'appels pour les coursiers, j'ai fait de la réception d'appels dans un truc de réparation d'appareils photos de garantie...
Comment as-tu commencé à monter sur scène ?
J'ai écrit mon premier spectacle en 2007. Et je faisais des scènes ouvertes à Paris, où tu peux jouer 5-10 minutes. Je faisais des sketches avec des costumes, je faisais la mort, je faisais Marianne en perruque avec une robe bleu blanc rouge. Il y a pas mal d'entraide, c'est un milieu assez cool. Chacun avait son univers, ses obsessions, on ne se marchait pas sur les pieds. L'humour, c'est assez méritocratique. J'en ai pris, des bides, mais je ne l'ai jamais mal vécu, ça t'apprend l'humilité. Puis j’ai commencé sur France Inter en 2012.
Qui te fait rire, toi ?
Beaucoup Monsieur Fraize. J'aime bien Arnaud Aymard, il était dans la matinale, il est de l'équipe d'Edouard Baer. Il a un personnage complètement cinglé qui s'appelle l'Oiseau bleu. En fait, c'est des trucs qui me surprennent. J'aime bien Alexandre Astier aussi.
Où as-tu acquis ta répartie bienveillante ?
Je trainais toujours dans le magasin de mes parents, qui étaient marchands de journaux. C’était un peu l’endroit où tout le monde venait parler. Certains restaient 1 h 30 à discuter. L’avantage comparé au bistrot, c’était qu’il n’y avait pas d’alcool, les gens ne finissaient pas par se taper sur la gueule à la fin de la soirée (rires). Mon père est assez déconneur et taquin ; comme j’étais petit, il fallait se défendre. On n’avait pas de télé, donc à table on discutait tout le temps, on débattait, on parlait société, je posais plein de questions… Je pense que ma répartie vient un peu de là.
Il y a un an, tu as sorti un livre, Cosme, sur un de tes amis qui a découvert le sens caché du poème "Voyelles" de Rimbaud. Ce n’était pas trop stressant de passer à un registre sérieux ?
Je ne suis pas très flippé (rires). On l’a écrit à deux. Notre deal de départ était d’écrire un livre qui nous plaise et qu’on assume. Le reste… Quoi que tu fasses dans la vie, des gens te diront que c’est génial, d’autres pas. Plus t’es exposé, plus c’est volumineux. Je n’ai jamais dit que je ferais un bouquin qui allait révolutionner la littérature. À partir du moment où tu sais que tu n’es ni le nouveau Desproges ni une grosse merde, mais un gars normal qui essaie de faire des micro-trucs qui lui plaisent, ça va.
Ce n’est pas trop compliqué de gérer ton emploi du temps ?
Je ne considère pas ça comme du boulot. Je ne me dis jamais “ohlala merde il faut que je fasse ça”. Evidemment, il y a des matins où quand j’ai bu la veille, c’est plus dur, mais franchement je m’amuse avec des copains à faire des blagues…
Tu es très engagé sur l’écologie. Qu’est-ce que tu penses de l’abandon de la hausse de la taxe carbone ?
Je suis pour faire payer les gros et les riches. Si on se dit que l’écologie est l’affaire de tous et qu’on va commencer par faire payer les gens qui n’arrivent pas à boucler leurs fins de mois, alors ils n’ont pas le sens du symbole. Je me demande à quel point ils n’arrivent pas à comprendre le niveau de cynisme, de déconnexion. Je ne comprends pas non plus la politique énergétique : on a du soleil, du vent, la géothermie, mais on va aller péter des atomes d'uranium ou chercher dans des mines.
Quel est ton idéal social ?
Je pense qu’on doit commencer par la redistribution des richesses. Ce n’est vraiment pas compliqué. Le deuxième truc à faire : arrêter de corréler la santé d’un pays à la croissance. C’est est un non-sens. Je ne vois pas pourquoi l’indicateur de la bonne santé d’un pays c’est le PIB. ça tient sur rien. Les assoces forment un tissu incroyable, il faut s’appuyer dessus. Si les gens qui créent de la richesse gratuitement dans ce pays arrêtent, se mettent en grève, il n’y a plus de pays en 15 jours. Si on enlève ceux qui travaillent aux Restos du coeur, qui emmènent les gamins au foot, qui s’occupent des vieux… Tout ce qui fait que les gens vivent, se rencontrent, discutent ! C’est la principale richesse du pays dont on ne parle jamais car il n’y a pas d’échange pécuniaire. Dans l'idéal, il faudrait arrêter de baser notre société sur la compétition mais sur la coopération.
Quels sont tes projets ?
Avec, Charline (Vanhoenacker) on écrit un cahier de vacances de la macronie pour le Secours populaire. C’est chouette, on travaille avec une dessinatrice. On se dit qu’en écrivant des blagues, on emmènera des gamins en vacances. Je m’amuse bien, je savoure la chance que j’ai. J’ai écrit un escape game avec une copine, sur un scandale d’Etat. Et je voudrais faire un docu sur le Café de la Gare, là où j’ai longtemps joué à Paris. C’est les 50 ans cette année. Ils ont quasiment créé le café-théâtre en France.
Au moment où ressort leur "Graphique de Boscop" en version restaurée, penses-tu que l'humour de Romain Bouteille est toujours d'actualité ? Ressens-tu une "filiation" ?
L’humour de Romain Bouteille est plus que jamais d’actualité vu que la période est à la com’ et au marketing, y compris dans le domaine artistique ! Lui faisait exploser les codes. Je ne sais pas si je sens une filiation mais sa quête de liberté m’inspire !
Recueilli par Chloé Marriault
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