Céline Sprecher n’en est pas à sa première reconversion professionnelle. Avant de se lancer dans l’agriculture, elle a exercé dans la coiffure et le secrétariat médico-social. «C’est une sécurité. Je sais que je pourrais y revenir, alors je ne prends pas trop de risque. Changer de métier ne me fait pas peur». Mais cette fois, c’est 3 nouveaux métiers qu’elle a appris en un an : éleveuse de chèvre, productrice de fromage, chef d’entreprise. Sans compter la production végétale.
La Ficelle bleue a été créée en mars à Sornay, près de Marnay. Une soixantaine de chèvres venues du Poitou ont emmenagé dans une ancienne ferme en attendant la construction d’une chèvrerie neuve, d'où elles auront une vue imprenable sur la vallée de l'Ognon. La production de fromage de chèvre bio devrait débuter au premier trimestre 2019. «Le mot ficelle, c’est parce que je reprends le fil d’une tradition. Ma famille fait de l’agriculture ici depuis le XVIIIe siècle. Mon grand-père est monté à Paris en 1921 présenter une vache, mes parents ont introduit le cochon. Ils me laissent 12 ha pour nourrir mes chèvres».
Outre l’élevage, elle va ouvrir un magasin de vente directe. «Mon nouveau quotidien, ce sera nourrir, traire, transformer, commercialiser. C’est un retour aux sources. Peut-être que c’est ce que je voulais depuis longtemps sans m’en rendre compte. Quand j’ai commencé à travailler, j’ai pris mes distances avec le monde agricole, mais passée la trentaine, je suis revenue à la nature, à la ferme et ça m’est apparu comme une évidence. Aujourd’hui, c’est dans les bottes que je me sens bien. C’est venu avec l’âge, l’expérience, les enfants qui grandissent. Mais je ne connaissais pas les chèvres, il n’y a pas d’explication à ce choix ! A un moment, je me suis dit, et si ce n’était pas une idée folle ? Et puis on m’a dit : «ce n’est pas possible». Il ne fallait surtout pas me dire ça !».
«On peut être
très bien accompagné»
Même si elle s’est formée en express, elle a pris toutes ses précautions. Elle a visité une cinquantaine de chèvreries. «Je voulais être sûre de ma décision et à chaque fois ça l’a renforcée !». Elle s’est formée en suivant les cours du CFPPA du Pradel en Ardèche assortis de stages en entreprise pour obtenir un brevet professionnel responsable d’exploitation agricole avec l’établissement de Châteaufarine. Elle a participé à la session fermiers fromagers à l'Enilbio de Poligny. Elle a enfin suivi le "parcours installation" recommandé pour s’installer. Dans l’agriculture, on est jeune jusqu’à 40 ans, ce qui lui a permis d’obtenir une dotation. «Dans la région, il y a peu de lait de chèvre. La chambre d’agriculture de Haute-Saône m’a suivie et soutenue dès le départ. J’ai rencontré des personnes à l’écoute qui m’ont encouragée, poussée à réfléchir, aidée à trouver des solutions même s’ils ne connaissaient pas la production caprine. Et surtout, ils m’ont appris à vérifier la viabilité, la faisabilité et la réalisation du projet. On peut être très accompagné. Et comme j’ai été secrétaire, l’administratif ne me fait pas peur». De toute façon, elle le vit comme une sécurité. «On est bien aidé par les collectivités, du Département à l’Europe. Passer par des obligations comme le respect du plan d’exploitation ou le plan de professionnalisation personnalisé servent à pérenniser l’installation». Elle ajoute que si elle a franchi le pas, c’est surtout grâce à l’équilibre familial, à la présence et au soutien de son environnement.
A l’heure actuelle, elle n’a pas encore entamé la partie production de fromage. Mais les premiers pas confirment ses choix. «J’ai grandi là, ce sont des gestes que j’ai vu mes parents faire. Parfois, je n’ai même pas l’impression de travailler. Je savoure». Alors elle n’hésite pas : «J’encouragerais d’autres femmes à le faire. Oui il faut y aller, croire en son projet, surtout si ça coule dans les veines ! Et même si c’est moins évident que pour les hommes. On nous prend moins au sérieux, je le vois bien quand je demande des devis. Alors il faut être rigoureuse, notamment au niveau commercial, se montrer professionnelle, bien cadrer les choses, et après ça passe».
Stéphane Paris
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