La
deuxième consultation des jeunes menée à l’initiative de la Région Franche-Comté portait sur l’orientation et la formation. Elle a été réalisée par questionnaire sur internet (1003 jeunes ont répondu) et lors d’ateliers de discussion dans les principales villes franc-comtoises. Voici quelques-unes des principales remarques issues de son analyse.
L’orientation
D’après Pierre Moisset, le sociologue qui a analysé les deux consultations jeunesse (
voir TOPO n°249 pour la première autour de «l’accès au sport et à la culture»), la principale remarque commune des jeunes à propos de leurs expériences d’orientation est
«le poids de l’institution scolaire». Une remarque pas anormale étant donné son rôle. S’il est
«difficile d’imaginer son changement ou son évolution», cela n’empêche pas les jeunes de faire part de défauts et de préconisations. Ces dernières insistent sur 5 thématiques principales, un ressenti des jeunes qui ne reflète pas forcément ce qui est réellement mis en place par l’Education nationale :
- Un réel accompagnement, plus constant que ce qui existe actuellement. L’un des participants aux ateliers pense même que
«ça devrait presque être une matière» à l’école.
-
La personnalisation et l’ouverture plus grande (de l’école) sur l’extérieur, par des rencontres concrètes, avec des professionnels ou avec des professeurs de cursus voire des étudiants pour mieux connaître les formations.
- La possibilité
d’ «expérimenter» les métiers, c’est-à-dire de faire des stages avant d’être en études supérieures.
- Une
information plus précise sur l’orientation, mais aussi une meilleure connaissance des organismes susceptibles d’aider à l’orientation.
- Un appel à
ne plus privilégier autant les filières prestigieuses et à valoriser les filières professionnelles.
Dans la pratique,
«la principale modalité de choix d’orientation est la documentation directe (sites, brochures, documents), loin devant les conseils des professeurs puis les conseils de parents et les exemples de proches». A noter que globalement, 66 % des jeunes sont satisfaits de leur orientation (tout à fait ou en partie). Sur ce point, il faut remarquer que les études prolongées ne sont pas forcément celles qui engendrent le plus de satisfaction. Et parmi les répondants encore en études, un quart disent poursuivre sans idée de métier précise. Un chiffre qui situe l’ampleur de
«l’égarement dans les études».
La recherche d’emploi
Pour Pierre Moisset,
«ce qui ressort premièrement c’est le fait en même temps banal et peu remarqué que l’accès à l’emploi est une transaction identitaire : un moment où un jeune construit son identité d’actif qui ne naît pas d’une conviction personnelle ni même de la valeur d’un diplôme mais d’un ensemble de regards qui disent aux jeunes comment jouer le jeu de l’emploi, comment se présenter, de quoi «ils ont l’air» en tant qu’actifs. Si l’on prend bien conscience de cette nature délicate de la présentation de soi sur le marché de l’emploi, alors on comprend que l’accompagnement des jeunes est un élément primordial».
Le sociologue fait le constat d’un fossé entre les jeunes et le monde de l’emploi. Il l’explique par le recul des bassins d’emploi de proximité (conséquence :
«les réseaux de proches sont de moins en moins une ressource face au monde de l’emploi»), l’augmentation des études longues dont la contrepartie
«est une moindre socialisation familiale au monde professionnel» et
«un monopole scolaire plus affirmé sur l’orientation».
Des thèmes plus connus s’ajoutent à ce passage difficile de la recherche d’emploi : difficulté de se forger une expérience professionnelle, manque de connaissances pour se repérer dans le monde professionnel, discrimination raciale (un constat massif pour les jeunes d’origine africaine, que ce soit du Maghreb ou du sud du continent), absence de préparation aux entretiens d’embauche.
Le thème de la capacité à se présenter sur le marché de l’emploi était un enjeu sous-jacent du sujet de cette concertation :
«c’est d’autant plus compliqué lorsque l’Education nationale d’une part n’indique pas aux jeunes comment convertir facilement des diplômes en compétences ; d’autre part trouble voire brise l’estime de soi de certains jeunes. Une estime de soi hautement nécessaire pour savoir se présenter à un employeur».
L’un des jeunes le résume :
«L’objectif des filières générales c’est le diplôme, donc il n’y a pas de préparation à l’employabilité et au monde du travail.»
Apparemment, la
demande de préparation aux entretiens est forte.
A tout cela s’ajoute
«un manque de contacts et d’introduction dans le monde du travail», même si les jeunes admettent qu’il peut être comblé par le réseau des proches et les rencontres avec des employeurs. Le service civique est lui aussi admis comme une passerelle possible, mais il s’accompagne de
«précarité» aux yeux des jeunes interrogés.
Pour remédier à ces problèmes, outre les préparations spécifiques aux entretiens, les jeunes souhaitent bénéficier de
travail sur la confiance en soi et la gestion des émotions.
Certains rejettent les traditionnelles étapes de l’embauche (CV, lettre, entretien) par des démarches directes vers les employeurs
«en comptant sur leur détermination».
Conclusion peu optimiste :
«l’école fonctionne encore suivant une logique élitiste qui l’amène à négliger et les filières professionnelles et l’accompagnement personnalisé des jeunes dans l’orientation et vers l’emploi. Face à cela, on peut faire l’hypothèse qu’avec la crise mais aussi du fait d’une mutation sociale plus générale, le monde de l’emploi fait preuve d’une frilosité et d’une défiance accrue à l’égard des jeunes. Ces derniers se retrouvent coincés entre l’école et l’emploi avec moins de ressources pour faire le pont entre les deux».
L’industrie
Pourquoi ce thème spécifiquement abordé ? Sans doute parce qu’il offre des débouchés, est un point fort de la région et reste majoritairement ignoré des jeunes. Effectivement :
«quand ils ont parlé de l’industrie, c’est avec une grande distance voire une grande ignorance. Le constat est clair : l’industrie est massivement ignorée. Elle n’est pas attractive, ni spécialement intéressante a priori.»
Outre des représentations archaïques, l’industrie véhicule des contre-vérités : elle ne recruterait pas plus que les autres, elle ne serait pas ouverte selon les jeunes. Certains demandent cependant à être mieux informés. Pierre Moisset pense que
«des contacts concrets avec les employeurs industriels pourraient faciliter les choses». Encore un problème de méconnaissance. Décidément, accompagnement et rapprochement semblent s'imposer.
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