Le temps d’une journée d’été, Nicolas se glisse dans la peau d’un forgeron. Venu de Brans, dans le Jura, il s’initie aux gestes et postures d’un métier qui utilise des méthodes anciennes de plusieurs siècles. Après quelques conseils de Victorien Meuriot, créateur de l’entreprise Ô feu forgé à Vielverge, et des indications sur la température, la forge, la manière d’attaquer le métal, la position devant l’enclume, Nicolas se lance dans la fabrication d’un couteau. Comme le dit le proverbe, c’est vraiment un métier qu’on apprend en forgeant. « On m’a offert ce stage raconte Nicolas. Ça faisait longtemps que j’avais envie d’essayer. Les premières sensations, l’apprentissage de la technique me plaisent. Ce n’est pas juste taper sur un bout de ferraille ! »
« J’ai créé l’entreprise il y a un an dit Victorien Meuriot. L’accueil de stages permet de compléter l’activité, mais je le fais également pour le contact humain et parce que j’adore transmettre ». Le forgeron de 34 ans aime visiblement faire partager la passion pour son métier. Un cuisinier se présente avec une batterie de couteux qui le satisfait moyennement. En quelque minutes, Victorien réalise un diagnostic, soumet un devis pour refaire le fil de certains ustensiles et donne des conseils à son client pour d’éventuels futurs achats de matériel.
Huit forgerons dans un rayon de 40 km
On peut parler de vocation. « Ça remonte à l’école et à l’histoire médiévale. Je voulais être chevalier, fabriquer des armures et des épées. J’ai rencontré une troupe médiévale à Morez et j’ai fait des stages de découverte en 4e-3e à Armédia avec Stéphane Crotti. Pendant mes vacances, je partais avec eux en spectacles et tournées ». Lors de sa scolarité en ferronnerie à Ferdinand Fillod à St-Amour, on lui conseille les Compagnons. Il passe un CAP serrurier métallier avec les Compagnons du devoir de Dijon et enchaîne avec 4 ans de Tour de France. « Ensuite, j’ai travaillé comme menuisier dans l’événementiel sur des congrès et des salons dans toute l’Europe. Mais la forge, la relation avec la feu, la création, la matière me manquaient alors je suis revenu à la source. J’ai passé un CAP coutelier à la forge dans l’idée de me mettre à mon compte, pour me prouver que je pouvais faire quelque chose ». Malgré les félicitations du jury, il avoue avoir un peu hésité, « par manque de confiance », à se lancer dans la création d’activité, mais a finalement franchi le pas à Vielverge, à côté d’Auxonne. « C’est un choix par rapport aux enfants, au cadre de vie. Dès que j’ai vu la façade, j’ai su que c’était ça. Ici, il y a des forgerons, on est 8 dans un rayon de 40 km, mais chacun a ses spécialités, sa clientèle. Moi, je n’ai pas à me plaindre. On parle de moi, j’ai des commandes, beaucoup de stages avec des gens qui viennent créer leur objet ». Il a laissé tomber épées et armures pour se consacrer plus spécifiquement aux couteaux, ainsi qu’à des objets « ésotériques » (sigils, pendules, pendentifs, athamés…).
Il explique son attirance pour ce métier par la fascination du feu. « Ça m’a toujours épaté, et puis c’est un des seuls métiers où l’on modèle la matière ». Il décrit des gestes, des techniques, des outils qui ont peu changé depuis des siècles et précise que « ce n’est pas si physique, ni violent, même si chacun a sa manière de travailler. Moi, j’essaie de forger d’une manière souple. » Le travail nécessite plutôt, selon lui, des qualités d’observation et de sensibilité à la matière. « Et il faut être amoureux du métier parce qu’à côté de ça, c’est le bruit, la chaleur, les ouvrages lourds, le travail généralement seul. Il faut savoir respecter son corps et sa fatigue. »
S.P.
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