Le capitaine Jean-Charles est un jeune pilote de chasse qui compte déjà 1500 à 2000 h de vol. Il a participé au dispositif de police du ciel de l’Otan dans les Pays baltes, effectué une mission dans la cadre de la présence française à Djibouti, été envoyé en Afrique au moment de la crise du Tigré. Dans ce cursus déjà bien rempli, un seul combat aérien, qu’il n’a pas l’autorisation d’évoquer. Il serait réducteur de ramener le statut de pilote de chasse à ce rôle. « Nos missions sont très diverses relate-t-il. Nous sommes formés pour la dissuasion, l’interception, la reconnaissance, la police du ciel. Nous sommes prêts à intervenir pour porter assistance à n’importe quel avion en difficulté, qu’il soit militaire, civil, de ligne, de tourisme, étranger. Aider des avions de tourisme avec nos instruments de bord, c’est gratifiant comme intervention ». Le reste du temps, le capitaine s’entraîne beaucoup, à raison de sorties quasiment quotidiennes.
Depuis un peu plus de 2 ans, il est l’un des 25 pilotes de la base aérienne 116 de Luxeuil-St-Sauveur. Il fait partie de l’escadron 1/2 Cigognes, unité légendaire de l’armée de l’air française. Elle est héritière de l’escadrille des Cigognes, la première de l’histoire, qui a compté dans ses rangs Georges Guynemer, René Fonck ou Roland Garros. « Je fais ça pour le métier, pas pour le statut social ou pour l’argent. Un pilote de ligne gagne beaucoup plus, mais cela ne m’attire pas, même si on peut se reconvertir facilement. Ici, on pilote le Mirage 2000-5, le plus bel avion du monde, même si le Rafale est plus moderne » dit-il avec fierté. « L'un des intérêts de l'armée est la possibilité d'avoir plusieurs vies. En tant que pilote de chasse, on peut passer aux avions de transport ou à l’hélicoptère - mais la réciproque n’est pas possible. On peut se reconvertir dès 40 ans ».
Formation en 3 ans
C'est d'abord le domaine aérien qui l'a attiré. « J’ai toujours voulu faire un truc un peu cool. Mon père était dans le vol libre, j’ai commencé le parapente et très vite j’ai été attiré par ce domaine. Un jour, j’ai fait un stage de planeur avec un pilote de chasse. Ça volait plus vite… » Avec un Mirage 2000, c’est encore plus vrai. On parle de plus de 1000 km/h. « Ce n’est pas un effort violent, mais constant. Après le décollage, ça pousse fort pendant une heure. A cette vitesse, le cerveau est en retard sur le vol. Même si on a des systèmes pour nous aider, il faut être constamment sur le qui-vive, dans la durée. Il faut être attentif à tout, savoir prioriser, être force de combat et en même temps se relaxer. Même un atterrissage n’est jamais anodin. On se pose à 300 km/h et on peut être chargé… Il faut toujours se remettre en question. C’est l’école de l’humilité ».
A entendre la capitaine Jean-Charles, devenir pilote de chasse n’est pas aussi compliqué que l’on pourrait le croire. « Je pense qu’il faut surtout être ultra motivé. Mais aussi ne pas se dire que c’est un rêve irréalisable qu’on met de côté dans un coin de sa tête. Il faut croire en son projet ».
Il y a 2 voies pour suivre la formation après le bac : passer par une classe prépa ou signer un contrat d’élève officier du personnel navigant juste après le bac. « C’est ce que j’ai fait. J’ai passé un an sur les chantiers pour préparer mon concours d’entrée, faire du sport ». Pendant 4 jours d’évaluation, les candidats sont soumis à des exercices de sport mais aussi de coordination, de connaissances aéronautiques, de personnalité, et à des tests psychotechniques et psychomoteurs. « Il y a aussi de l’anglais. Le niveau requis n’est pas élevé mais c’est hyper important. Une fois à l’école, on a 2 semaines d’anglais intensif parce qu’ensuite, tous les briefings et debriefings seront en anglais. Quand on parle en vol et aux contrôleurs, c’est en anglais ». L’ensemble est complété par plusieurs entretiens et une visite médicale. « Chaque étape est éliminatoire. Et il n’y a qu’une tentative possible, sauf pour l’anglais et le sport qui peuvent faire l’objet d’une reconvocation ». A l’échelle nationale, l’armée de l’air compte environ 800 postulants et en garde un sur 8. « Mais c’est plus rapide que de passer par les classes préparatoires aux grandes écoles. Personnellement, si je n’avais pas été pris, je pense que je serais allé travailler dans le bâtiment ». Une fois le contrat signé (à 27 ans maximum), s’ensuit un cursus d’instructions théoriques, de formation initiale, de spécialisation pendant environ 3 ans. « C’est quand même une formation exigeante ».
Luxeuil est sa deuxième base après Cazaux. Pas forcément évident quand on vient de Nice. « Le climat, ce n’est pas vraiment ça ! Mais il y a d’autres avantages. J’aime la course à pied et je me régale. On peut bien se loger pour pas cher. Il y a un certain confort de vie. De toute façon, ce métier est prenant. On en parle tout le temps, on se met à jour, on est tout le temps dedans. On doit être sérieux, on n’a pas le droit d’arriver au boulot fracassé ».
S.P.
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