Alboury N’Diaye est tenace. En 2010, il recevait un prix Talents des cités pour la création de Mosaïque, organisme destiné à favoriser l’insertion des jeunes, notamment ceux qui subissent une discrimination liée à l’âge, au sexe, à l’origine, au handicap, etc. Quatre ans après, il se donne toujours les mêmes objectifs, malgré la difficulté de la tâche.
«Nous avons recadré nos activités. A l’origine, c’était la mise en relation des jeunes et des entreprises. Après avoir testé nos outils pendant 4 ans, nous voulons consolider l’activité vers 3 pôles : le développement local, la promotion de la diversité et la formation-conseil».
Entretemps, Alboury a été reçu à Matignon en 2003 pour faire part de son expertise et donner son point de vue sur le développement de l’entrepreneuriat des jeunes des quartiers. Docteur en sociologie, il a travaillé comme médiateur dans les quartiers difficiles et présente donc une double casquette rare. Elles lui permettent d’avoir des idées précises sur la question des discriminations et des politiques publiques menées.
«Je suis contre le CV anonyme, par exemple, car de toute façon, il faudra bien qu’à un moment le postulant se retrouve face au recruteur. Il faudrait également être plus incitatif envers les entreprises, peut-être avec une loi. Il est bien beau d’élaborer des chartes contre la discrimination mais si elles ne sont pas accompagnées d’objectifs quantitatifs et qualitatifs, elles ne servent pas beaucoup. Tout cela n’est pas anodin. Je vois des bac+4 ou 5 faire des ménages. Lorsqu’ils voient leurs grands frères très diplômés au chômage, les jeunes cherchent des modèles ailleurs : dans les séries, dans le banditisme, dans le radicalisme religieux».
Interventions dans toute
la région
Récemment, il a été rejoint par Nicoas Piroley à Besançon et Alboury N’Dao qui veut réaliser un travail semblable à Lille. Depuis ce début d’année, le cabinet associatif Mosaïque a intégré de nouveaux locaux à Besançon, hébergé chez France humanitaire. Etre présent au centre-ville permet aussi de «déghettoiser» comme l'espère Nicolas Piroley. «Nous recevons des jeunes qui ne connaissent pas le centre. Il n’est pas toujours suffisant de créer des structures au bas des tours. Au-delà de la distance géographique, il y a une distance culturelle à combler». De toute façon, bien que bisontine, l’association peut intervenir dans toute la région.
Le leitmotiv de Mosaïque est intact : faire comprendre les demandes réciproques des entreprises et des jeunes, créer une rencontre, aider ces derniers à adapter leur langage, leur comportement, leur CV. Non seulement sortir les jeunes des quartiers pour les inciter à aller vers l’entreprise mais aussi inciter les chefs d’entreprise à aller dans les quartiers. «Nous continuons à accompagner les jeunes diplômés pour qu’ils puissent mieux «se vendre» aux entreprises, en utilisant un réseau de ressources locales, d’entreprises, de collectivités. Il y a une catégorie de jeunes dont personne ne s’occupe signale Alboury. Pôle emploi est généraliste, l’Apec tournée vers les bac+4, +5, la Mission locale s’occupe des 16 – 25 ans sans qualification. Notre but n’est pas de faire ce que font d’autres structures». Mosaïque est plutôt dans la coopération. «Pôle emploi nous a sollicités par rapport aux contrats d’avenir. Dans l’ensemble, les jeunes ne les connaissent pas. Nous avons fait des propositions pour mieux les atteindre sur ce dispositif».
Travailler avec l'entreprise
En tant qu’ancien chef d’entreprise, Nicolas Piroley apporte une expérience et une expertise nouvelles à Mosaïque. «Il y a quand même une image un peu faussée des chefs d’entreprise en France. Ce qui compte d’abord pour eux, ce sont les compétences et que le travail soit fait dans le respect de la culture d’entreprise et des codes sociaux. Nous sommes aussi tournés vers les entreprises. Nous leur proposons d’être un relais. Non seulement pour aider les jeunes à y entrer mais aussi pour accompagner les salariés, à travers du conseil, des séances de coaching ou de team building par l’intermédiaire de séances de théâtre ou de sport».
Alboury N’Diaye reste convaincu que l’entreprise peut avoir une utilité sociale. «Face à la montée des extêmismes, du radicalisme, de la délinquance, j’ai plus que jamais envie de m’investir. Si tout marchait comme il fallait, on ne devrait pas exister».
Stéphane Paris
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