C’est un château qui fait rêver tous les footballeurs en herbe. A Seloncourt, le château Bonnot est le siège du centre de formation du FC Sochaux-Montbéliard. Il représente la voie la plus directe vers le foot de haut niveau, hier suivie par Anziani et Genghini, Paille et Sauzée, Frau et Pédretti, aujourd’hui par Erding et quelques jeunes joueurs victorieux de la coupe Gambardella en 2007 (1). Le lieu est l’un des plus prestigieux en France dans sa catégorie, avec des installations et un encadrement qui ne laissent rien de côté pour permettre aux jeunes de s’épanouir dans leur formation. L’enceinte du centre possède même un lycée où des professeurs viennent donner les cours aux élèves.
Mais la route est longue et truffée d’obstacles. Peu de jeunes joueurs sont sélectionnés pour venir, vers l’âge de 13 ans, effectuer un stage d’essai. Parmi eux, peu d’appelés et parmi ces appelés peu d’élus à devenir professionnels. La sélection est drastique d’entrée et encore rude une fois le cursus entamé. “On a une grosse responsabilité car on est allé chercher un enfant, on l’a sorti de son environnement déclare Bernard Maraval, coordinateur du recrutement (photo 3). Alors il y a de la fierté quand on voit réussir un Mevlut Erding, mais de la déception et de la tristesse pour les autres. Peu arrivent au but. Au départ, la probabilité est assez faible. Si on prend un jeune, c’est que l’on croit à son potentiel, mais sans aucune garantie car il n’y a jamais de vérité dans le foot. Donc notre objectif premier est d’en faire des hommes. Après, s’ils peuvent devenir pro, tant mieux”. Avis aux amateurs. Même si le potentiel sportif demeure primordial, d’autres paramètres sont pris en compte pour retenir un jeune. “On est attentif au comportement à l’école et on émettra des réserves si un enfant est perturbateur. A chaque fois on essaie de vérifier la qualité de l’état d’esprit, de l’entourage, de la scolarité. On veut des hommes corrects, pas des voyous. Le maître mot ici, c’est le respect des règles, des personnes, des installations”.
Le visiteur s’en aperçoit rapidement : chaque jeune croisé lui tend une main polie. Symbolique, mais tous les lieux de formation ne peuvent en dire autant. Ces notions sont rappelées tout au long du cursus. Elles servent aussi bien pour ceux qui réussissent que pour les autres. “Je ne parle pas d’échec car une école de football est très difficile commente Jean-Luc Ruty, directeur du centre de formation (photo 4). On ne fabrique pas que des joueurs de foot et on ne casse pas les jeunes, au contraire. Certains de ceux que l’on va chercher auraient pu devenir dealers. Avec ce qu’ils ont appris ici, ils peuvent aussi trouver du travail ailleurs, par exemple dans un club amateur qui leur trouvera du boulot. C’est vrai qu’on est assez sélectifs mais c’est aussi dans leur intérêt. Si un jeune n’a pas le potentiel, plus l’arrêt a lieu tôt, plus il est facile de rebondir, de reprendre des études”.
L’encadrement est d’autant plus attentif que “dans le foot d’aujourd’hui, on parle de sommes astronomiques. On essaie d’inculquer aux enfants des valeurs pour qu’ils gardent les pieds sur terre. Malheureusement, il y a des entourages qui ne vont pas dans le même sens que nous. On voit de plus en plus d’intermédiaires, d’agents ou de pseudo agents qui le deviennent sous prétexte qu’ils connaissent un jeune d’un quartier” regrette Bernard Maraval. Jean-Luc Ruty regrette lui aussi une évolution de son sport néfaste pour les jeunes. "La grande différence avec le passé est de pouvoir conserver les meilleurs jeunes. Auparavant, la durée de présence dans un club était plus longue. Aujourd'hui, certains partent à 18, 1µ9 ou 20 ans. A mon avis, c'est trop tôt mais c'est l'évolution du football. On le voit bien ici, les jeunes sont de plus en plus sollicités".
“Ce ne sont pas forcément
les plus doués qui réussissent”
Au centre, celui qui cumule les incidents peut être exclu. Mais le cas se présente rarement. Les jeunes qui intègrent la formation comprennent leur chance. Ils savent que le plus dur reste à faire et que s’ils veulent franchir les obstacles, ils doivent mettre tous les atouts de leur côté.
“Tout est plus compliqué précise Jean-Luc Ruty. Ils passent du cours au vestiaire puis vont manger puis de nouveau les cours et l’entraînement. Cela fait des journées lourdes que tous les jeunes ne peuvent pas vivre. Ceux qui sont là font même inconsciemment des choix et souvent c’est la scolarité qui pâtit. On essaie d’y faire attention”. Evidemment, plus on monte dans les catégories, plus c’est difficile, plus nombreuses apparaissent les limites mentales et physiques. “Et ce ne sont pas forcément les plus doués qui y parviennent” précise Jean-Luc Ruty.
Associer sport et études en maintenant le premier au plus haut niveau de performance possible sans laisser de côté les secondes n’est pas simple. Le centre laisse aux collégiens au moins une semaine de libre à chaque période de vacances. Entre le 31 juillet et le 10 juin, les 18 ans jouent 26 matches de championnat, la coupe Gambardella et des rencontres amicales. Lorsqu’ils sont en terminale, avec le bac, cela ne laisse pas beaucoup de temps pour les loisirs ou les week-ends en famille. Et comme ils sont d’abord des sportifs, les sorties en boîte ne sont pas trop conseillées. “Pour faire réussir un jeune, beaucoup de choses interviennent, y compris le bien-être psychologique. De ce point de vue, il doit y avoir des retours en famille, des rapprochements parfois organisés par le club” dit Jean-Luc Ruty. “Pour eux ce n’est pas tellement une vie facile, il y a beaucoup de sacrifices” résume Bernard Maraval.
Une ambiance familiale
Pour les lycéens, les cours ont lieu sur place et les classes sont forcément réduites, comptant parfois un seul élément. Mais l’allégement des horaires ne rend pas le passage des diplômes aisés. Avec la fatigue physique des entraînements, il n’est pas toujours évident de se mettre aux devoirs le soir. Mais les jeunes ne se plaignent pas. Ils savent qu’ils sont enviés. Actuellement, ils sont une soixantaine, de 13 à 18 ans. 45 internes, 3 en familles d’accueil et des joueurs locaux. Ils viennent de toute la France voire de l’étranger (“mais pour eux, l’adaptation n’est pas facile et c’est plus délicat quand il y a échec”). “On se satisferait d’avoir une plus grosse proportion de joueurs locaux mais on est dans l’une des plus faibles régions de France démographiquement, où il n’y a pas un vivier important de licenciés. Mais on repère facilement un bon joueur d’ici, parce qu’on entretient de bonnes relations avec les clubs locaux importants comme Besançon, Vesoul, Belfort, Pontarlier ou Jura Sud. Mais sachant qu’on essaie de tirer vers l’élite, il va de soi qu’on essaie d’aller chercher des jeunes à l’extérieur de la région” indique Bernard Maraval. Pour les convaincre de choisir Sochaux, c’est encore sur des valeurs humaines que s’appuie Jean-Luc Ruty. “On met en avant notre culture de la formation. Le club doit être rassurant par ce côté historique et familial. Je pense que les parents ressentent assez vite de la confiance quand ils arrivent ici”.
Stéphane Paris
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