Curriculum vitae, lettre de motivation (ou d’accompagnement, c’est la même chose), entretien d’embauche : cette trilogie de la candidature d’emploi semble être inscrite dans le marbre. Or il ne s’agit pas d’une loi, rien n’oblige un employeur à passer par ces étapes pour opérer son tri sélectif. Pourtant tout le monde l’utilise. Même si chacun reconnaît ce parcours assez approximatif et aléatoire. S'il était si efficace pour recruter, la période d’essai qui entame toute embauche n’aurait pas vraiment raison d’exister. Cela dit, comme il s’agit d’un passage inévitable, autant aborder ce parcours le mieux possible. Et pour cela, le préalable est de savoir ce qu’en attendent vraiment les recruteurs. Question posée à quelques-uns d’entre eux dans la région. En gardant en tête qu'une candidature non concluante tient parfois à peu de choses et qu'elle ne doit pas être une raison de se décourager.
1- Qu’attendez-vous d’un CV ?
Christelle Chavard, DRH (Diager, Poligny) : «Qu’il soit concis et très clair par rapport aux dates des expériences, missions ou périodes sans emploi. La lisibilité est un facteur prépondérant. Les infos contenues doivent être justes, ce n’est pas la peine de raconter des mensonges. Idéalement, il doit faire une page».
Antoine La Rocca, responsable administratif et financier (Cristel, Fesches-le-Châtel) : «Il doit être clair, succinct, pas plus d’une page. Ce qui m’intéresse, c’est le contenu. La forme passe après, même s’il faut qu’il soit agréable à la lecture».
Nadège Morel, DRH (Alstom transport, Ornans) : «Des informations objectives, complètes et exhaustives sur la formation, les compétences, la carrière professionnelle. Il doit être limite standard, l’originalité n’apporte rien. La personnalité, c’est pendant l’entretien qu’on la mesure. Le CV doit être synthétique avec des informations clés. Que la personne fasse du volley-ball ne m’intéresse pas beaucoup».
Aadil Bezza, responsable RH (Nestlé, Pontarlier) : «J’attends de voir une cohérence de parcours et un aperçu de ce que l’on pourra aborder dans l’entretien. Le CV permet de valider un parcours en fonction d’un besoin de l’entreprise. Son attractivité va dépendre de mots, de description d’expériences qui permettent de faire le rapprochement avec le poste proposé. Je préfère les CV d’une page. C’est un exercice délicat, il ne faut pas trop en dire pour laisser l’opportunité d’échanger pendant l’entretien».
Ghislaine Belleney, responsable recrutement (Assad 25) : «le CV retrace le parcours du candidat sur le plan des formations et expériences professionnelles. Il doit aussi faire ressortir les expériences en rapport avec le poste visé, ce qui est particulièrement vrai dans notre branche de l’aide à la personne. Le CV doit être simple à lire. On en voit énormément donc s’il est trop compliqué, on ne le regarde pas. C’est mieux sur une seule page. Il faut impérativement les coordonnées du candidat. La photo n’est pas une obligation».
Mélanie Gauss, responsable RH (Plastigray, Gray) : «Une partie diplômes, une partie expériences, avec la mise en avant de compétences et de savoir-faire. Comme il y a des intitulés de fonction qui recouvrent des réalités différentes selon les entreprises, il faut expliquer un minimum les missions effectuées. D’ailleurs, il y a une manière de faire que l’on voit de plus en plus : une partie compétences et savoir-faire qui permet de résumer ce que l’on est capable de faire. En ce qui concerne la forme, le CV doit surtout être lisible. Je n’accorde pas trop d’importance à la longueur même si c’est bien de pouvoir visualiser le CV d’un seul coup d’œil. C’est vrai que le faire tenir en une page est idéal. Mais il peut arriver de dépasser s’il y a beaucoup de choses à dire. Soigner un CV lisible, intéressant est important : lorsque je reçois une candidature spontanée, je jette un coup d’œil et je suis susceptible de la garder 3 à 6 mois au cas où un poste correspondant se libère».
2- Qu’attendez-vous d’une lettre de motivation ?
Christelle Chavard : «Elle doit mettre en avant les compétences de la personne et les compétences que l’on recherche. Elle doit être lisible, je préfère une lettre tapée à une lettre manuscrite peu lisible. Comme le CV, elle est d’une page maximum, sans pour autant tenir en 3 lignes».
Antoine La Rocca : «La lettre vient confirmer le CV en donnant quelques éclairages sur la motivation du candidat. Elle doit être personnalisée et mettre en valeur les expériences passées. Pour moi, le CV est primordial donc une lettre standard ne m’apporte rien. Cela se repère d’ailleurs très vite : il ne suffit pas d’écrire je suis motivé ; il faut apporter un élément supplémentaire, une référence à une situation similaire au poste visé. Et si le CV est « tangent », une bonne lettre de motivation peut me décider à passer à l’entretien. En fait, c’est un peu comme une option au bac. Elle ne peut pas nuire mais bien réalisée, elle peut apporter un plus. J’ajoute qu’elle doit faire une page. Honnêtement, avec les impératifs qu’on a, on n’a pas de temps pour de la littérature».
Nadège Morel : «Elle peut apporter des éléments supplémentaires : disponibilité de la personne, pourquoi elle est en recherche d’emploi, pourquoi elle s’intéresse à notre entreprise. Le tout de façon synthétique».
Aadil Bezza : «Les lettres, je les regarde surtout pour les demandes de stages ou d’apprentissage car elles viennent de jeunes qui n’ont forcément pas d’expérience professionnelle. On recrute sur des savoir-être, donc c’est un exercice de présentation intéressant. Il y a donc deux cas de figure : quand on est jeune, il faut travailler la lettre car on est en concurrence avec des jeunes qui ont fait les mêmes études et c’est une façon de se différencier. Mais quand on cherche un emploi et qu’on a de l’expérience, ce qu’il y a dans la lettre est souvent redondant avec le CV. On en demande quand même, mais j’y attache peu d’importance. A CV équivalent, c’est plutôt l’entretien qui fera la différence».
Ghislaine Belleney : «Elle est surtout importante pour quelqu’un qui n’a pas d’expérience. S’il s’est bien «vendu», cela peut faire la différence».
Mélanie Gauss : «Je ne les lis pas. Elles sont toutes identiques. Tous les candidats sont “très sérieux, motivés pour travailler dans une équipe comme la nôtre“. C’est bateau. S’ils postulent, c’est qu’ils sont motivés».
3- Y a-t-il des aspects rédhibitoires aux candidatures que vous recevez?
Christelle Chavard : «Les candidatures manuscrites que je n’arrive pas à lire vont directement à la poubelle. Les CV aux mises en page affreuses ne sont pas très recommandés non plus».
Antoine La Rocca : «Un CV de 2 pages, c’est déjà un peu compliqué, au-delà c’est éliminatoire. Même chose pour un CV qui ne correspond pas au poste ciblé. J’attache une très grande importance à l’orthographe et à la grammaire. Aujourd’hui, chez les jeunes de tous niveaux, on voit des fautes que l’on ne voyait pas avant. C’est sans doute la génération SMS, mais il faut faire très attention lorsqu’on rédige une demande d’emploi».
Nadège Morel : «Lorsqu’il s’agit d’une réponse à une offre d’emploi, si le CV ne correspond pas, je le mets de côté. Pour la grammaire et l’orthographe, tout dépend du poste visé. Pour un poste d’ouvrier, je n’en tiens pas rigueur par exemple».
Ghislaine Belleney : «Lorsqu’il y a vraiment trop de fautes. Il faut faire attention à l’orthographe. On ne demande pas de la littérature, mais un minimum d’attention à ce que l’on écrit».
Mélanie Gauss : «Les fautes d’orthographe donnent tout de suite l’image d’un candidat moyen».
4- Préférez-vous les candidatures numériques aux postales ?
Christelle Chavard : «Non, nous les traitons de la même manière».
Antoine La Rocca : «Aucune importance».
Nadège Morel : «Cela n’a pas d’importance, même si l’on est très informatiques. A Alstom nous avons d’ailleurs une procédure de candidature en ligne».
Ghislaine Belleney : «On aime bien les lettres manuscrites, mais on regarde aussi les candidatures numériques, ce n’est pas éliminatoire».
5- Qu’attendez-vous de l’entretien ?
Christelle Chavard : «Il permet de détailler le CV. En général, il est organisé en 3 parties : d’abord que la personne puisse expliquer en détail ses expériences et ses formations. Ensuite, il porte sur l’entreprise et le poste. Enfin il y a un moment de questions/réponses. Il est important pour nous de voir que la personne a préparé l’entretien, qu’elle s’est renseignée sur l’entreprise. Il ne faut pas arriver les mains dans les poches mais avoir de quoi noter des infos et poser des questions, s’intéresser à l’entreprise».
Antoine La Rocca : «On va tester la qualification professionnelle. Au-delà, il faut qu’il y ait un feeling, sinon c’est un peu compliqué. J’ai aussi besoin de me rendre compte que le candidat va adhérer à l’entreprise. Mais ce n’est pas une science exacte, c’est une sorte de jeu de séduction où tout ne s’explique pas».
Nadège Morel : «J’attends que la personne se présente, présente son CV, dise pourquoi elle veut venir chez nous. On évalue sa motivation et sa personnalité. C’est aussi le moyen de vérifier l’exactitude du CV. C’est simple, les mensonges se voient très vite».
Aadil Bezza : «Il permet de valider ce qui a été mis en avant dans le CV. On se rend d’ailleurs très vit compte de ce qui a été exagéré sur le CV, d’où l’importance d’être honnête sur le curriculum. L’entretien est aussi l’occasion d’une discussion sur la personne, les responsabilités antérieures et sur l’entreprise et le contexte du poste».
Ghislaine Belleney : «Il permet de savoir quelle est la motivation du candidat à postuler. Il lui donne l’occasion de présenter son parcours, ses expériences et de démontrer ses qualités personnelles et professionnelles».
Mélanie Gauss : «C’est très subjectif. Je reçois en entretien avec le responsable hiérarchique du poste vacant pour la validation technique. De mon côté, je valide au feeling. C’est du relationnel, c’est la façon dont on ressent la personne. C’est aussi vrai de la part du candidat qui peut avoir un bon ou mauvais feeling. Dans cette perspective, nos entretiens sont très libres, en 3 phases : je présente l’entreprise et le poste puis la personne se présente et ensuite on échange».
6- Quelle attention portez-vous à l’apparence ?
Christelle Chavard : «Elle est importante mais différente en fonction du poste à pourvoir. Si c’est un technicien, il ne me pose pas de problème qu’il soit habillé comme tous les jours. Pour un commercial, ça me poserait un souci».
Antoine La Rocca : «C’est une occasion comme beaucoup d’autres dans la vie où il faut s’adapter à la situation. Donc c’est tenue correcte exigée. On se dit que quelqu’un qui ne fait aucun effort au moment de l’entretien, n’en fera pas après. Mais on gradue cet impératif suivant les postes. Pour un cadre, il est normal de venir en costume-cravate».
Nadège Morel : «Cette question dépend de la culture des entreprises. Certaines acceptent des attitudes « cool ». A Alstom, on est plutôt vieille école. De manière générale, je conseille aux jeunes de se renseigner sur l’entreprise et sa culture et de s’y adapter. A défaut, il faut venir simplement, en faisant un effort sans pour autant se déguiser. Rester soi-même sinon on risque de ne pas être à l’aise».
Aadil Bezza : «La première impression est la plus importante, vous ne l’enlèverez pas de l’esprit de pas mal de managers. Il faut qu’elle soit bonne. Je n’attends pas d’un maintenancier qu’il vienne en costume-cravate, mais il y a un minimum. J’ai déjà vu des gens venir en short et baskets !»
Ghislaine Belleney : «Il faut être correct et propre. Ensuite, c’est lié au poste auquel on postule avec des codes vestimentaires particuliers. Dans notre domaine, il y a beaucoup de travail avec les personnes âgées. Il faut être vigilant par rapport à ça, accepter d’enlever un piercing par exemple».
Mélanie Gauss : «On essaie d’écarter l’apparence autant que le sexe ou la couleur de la peau. A partir du moment où on commence à discuter, ces aspects-là tombent. Pour autant, il ne faut pas arriver débraillé. Il faut être propre et correct. Il y a également des codes vestimentaires à respecter pour certains postes. Mais il m’est arrivé de recevoir quelqu’un en baskets et cheveux longs sans que cela soit éliminatoire».
7- Consultez-vous des profils sur les réseaux professionnels du net ?
Antoine La Rocca : «Je ne le fais pas, je suis plutôt classique. Mais je conseille aux jeunes de mettre leur profil sur ces réseaux : tous les moyens sont bons, il faut utiliser toute la palette à disposition pour chercher du travail. De manière générale, il faut oser, ne pas se décourager. Une recherche d’emploi, c’est de la volonté et de l’abnégation».
Nadège Morel : «Un peu sur Viadéo mais lorsqu’on n’arrive pas à trouver un profil, on fait plutôt appel à des recruteurs spécialisés. Cependant, dans l’ensemble, le recrutement fonctionne aujourd’hui beaucoup par réseaux. Internet mais aussi les connaissances personnelles. Ce n’est donc pas à négliger».
Aadil Bezza : «Très rarement. Mais les cabinets de recrutement qui travaillent pour nous ne font que ça. Il est donc conseillé de s’y inscrire. J’ajouterais qu’il faut faire beaucoup de candidatures spontanées et ne pas hésiter à entrer dans l’entreprise par la petite porte : stage, apprentissage, poste temporaire. Une petite expérience est peut-être ce qui va faire la différence avec quelqu’un qui a la même expérience. Toutes les opportunités sont bonnes à saisir».
Ghislaine Belleney : «Très peu. Nous travaillons surtout avec des réseaux de professionnels comme Pôle emploi, les Missions locales, le réseau information jeunesse ou les centres de formation».
8- Conseillez-vous les relances téléphoniques ?
Antoine La Rocca : «Il faut essayer, sans savoir si l’on va tomber au bon moment. Lorsque j’ai un peu de temps, je réponds volontiers. Si je suis trop occupé, non».
Aadil Bezza : «A condition de ne pas appeler toutes les semaines. J’apprécie ceux à qui on a dit non et qui rappellent pour savoir pourquoi. Il m’est déjà arrivé de répondre non à quelqu’un et de la rappeler pour un autre poste qui correspondait mieux».
Mélanie Gauss : «Eventuellement mais sans faire de harcèlement. C’est acceptable s’il y a une raison. Par exemple si l’on n’a pas de nouvelles depuis 2 semaines et que l’on est en attente par rapport à une autre perspective. Mais il ne faut pas rappeler au bout de 3 jours».
Recueilli par Stéphane Paris
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