Bernard Bolze (fondateur de l'Observatoire international des prisons) : « Je pense que la prison est utile à certains moments, notamment pour tous les gens qui sont dangereux physiquement, qui menacent l'intégrité physique de quelqu'un - encore faut-il voir dans quelles conditions. Effectivement, il faut s'en prémunir. Une société se doit d'être très vigilante là-dessus, sans cela on aboutit à des formes d'autodéfense, de lynchage... Maintenant, il est évident que beaucoup de gens n'ont rien à faire en prison. Il y a trop de places de prison en France. C'est une sorte de régulateur où on envoit les plus pauvres. Des gens sont de plus en plus exclus des accès aux biens et comme tout miroite autour de nos yeux, certains se laissent aller à les prendre eux-mêmes. Ça pose une question à l'ensemble de notre organisation sociale ».
Jean Cachot (aumônier) : « Je ne vois pas comment, on peut s'en passer. Comment une société de droit peut ne pas mettre à l'extérieur d'elle-même des gens qui ont transgressé les règles et les protéger à l'égard de la vengeance publique ? Le problème à poser est celui de qui va en prison. C'est devenu le réservoir des laissés pour compte d'une société qui ne veut pas les gérer. Des gens en situation irrégulière, des toxicomanes, des gens qui n'arrivent pas à entrer dans le monde du travail vont en prison ! On demande à celle-ci de gérer ce qui est ingérable et on lui demande ensuite de faire de la réinsertion. Ça n'a aucun sens.»
Claude Giraud (directeur de la maison d'arrêt de Besançon) : « Un lieu de récidive ? Ce n'est pas complètement vrai. C'est sûr que c'est un lieu de rencontres, où les gens se côtoient. Que ces rencontres générent la récidive, c'est un phénomène de groupe qu'on rencontre aussi à l'extérieur. Il n'y a pas besoin de venir en prison pour commettre un délit. J'ai vu des jeunes mineurs détenus, qui sont dans la rue depuis longtemps, qui en apprendraient aux adultes en la matière. Et comment faire pour qu'à l'intérieur les gens ne se rencontrent pas ? Le problème revient surtout aux incarcérations qui pourraient être évitées. Tout le monde est d'accord là-dessus, tout le monde s'y attache. Depuis le précédent Garde des Sceaux, on pousse de ce côté-là, tout le monde est favorable aux alternatives à la détention. J'ai vu aussi des cas contraires : des types paumés rencontrent en prison des gens qui les aident, surveillants ou codétenus.»
Patrick Marest (section française de l'OIP) : « Depuis que la prison existe comme peine principale, c'est-à-dire depuis un peu plus de deux siècles, il s'y colle un discours dénonçant la prison, disant ça ne sert à rien, c'est un échec, c'est l'école du crime. C'est une solution unique à tellement de problèmes différents que ce ne peut pas être la bonne réponse. Depuis deux siècles, la prison varie entre 50 et 70 % d'échec puisque 50 à 70 % de récidive, c'est 50 à 70 % d'échec. Mais on n'a pas trouvé autre chose. Ça joue une fonction sym-bolique dans l'inconscient collectif. Aujourd'hui, la durée moyenne des séjours est de 7 mois. Ça veut dire que la plupart des gens y vont pour moins. Dans ce cas, ça sert à quoi ? A rien. C'est pour ça que l'OIP fait actuellement passer un insert dans la presse qui dit "pour passer du vol au crime, il suffit parfois de passer en prison". »
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