Mercredi 20 novembre 2002, Stade de France, 80e minute du match de foot international amical France-Yougoslavie : Benoît Pedretti s'apprête à entrer en lieu et place de Lilian Thuram. Un moment exceptionnel pour ce joueur né à Audincourt il y a 22 ans. Mais aussi pour le FC Sochaux-Montbéliard puisqu'aucun joueur n'avait eu les honneurs de la sélection A depuis 10 ans. Un symbole : Benoît Pedretti succède dans cette série interrompue à Franck Silvestre, issu comme lui du centre de formation sochalien. Symbole parce que le FCSM renoue avec une époque où il possédait l'un des meilleurs centres du pays. Et où la majeure partie de l'équipe première en était issu. Aujourd'hui, avec Pedretti, des joueurs tels que Frau, Daf, Monsoreau, Mathieu, tous arrivés plus ou moins jeunes au club, font partie de l'équipe première. Sans oublier que Diouf, Ljuboja et Meriem, dans la même tranche d'âge, sont déjà partis dans d'autres clubs.
Une concurrence très rude entre les centres de formation
Comme tous ces jeunes connaissent les honneurs de différentes sélections nationales ou de jeunes, on recommence à parler du label formation sochalienne. « Il y a eu un «trou» de plusieurs années qui correspondait à un choix politique des dirigeant d'alors reconnaît Jean-Luc Ruty, ancien joueur du club et actuel directeur du centre de formation. La formation n'était plus le vecteur important du club. Ils ont pensé qu'elle n'avait pas besoin d'être améliorée, mais quand on n'avance pas, on régresse et le résultat ne s'est pas fait attendre. Pendant que les autres se structuraient, Sochaux a végété ».
Aujourd'hui le club mise à nouveau sur la formation. En témoignent les infrastructures de qualité inaugurées en juin 2000 à Seloncourt et financées par le club, le Conseil régional de Franche-Comté et la communauté d'agglomération du Pays de Montbéliard. « Nous avons 3 gros projets à mettre en oeuvre et nous zerons alors hyper performants au niveau des jeunes » annonce Jean-Luc Ruty. De son propre aveu, la concurrence est cependant devenue extrêmement rude. Dans la hiérarchie des centres de formation, l'ancien défenseur central situe Auxerre et Nantes devant et Sochaux parmi les outsiders. « Il y a une étiquette Sochaux formation qui revient. En plus des installations, notre atout est la locomotive que représente l'équipe première quand elle a de bons résultats. Mais il est évident que la sélection de Pedretti en équipe de France est la meilleure publicité possible pour notre centre » se réjouit -il.
Former est une nécessité pour le club. Même s'il sait que c'est à double tranchant : les réussites de Pedretti ou Frau ne manquent pas d'attirer les convoitises d'autres clubs. Le club est loin d'être le seul à utiliser ses forces vives internes. Certains des plus grands clubs européens, tels Manchester United ou le Real Madrid alignent régulièrement dans leur équipe type 4 ou 5 joueurs issus de leur centre de formation. Mais la différence, c'est qu'à l'exemple d'un Ryan Giggs ou d'un Raul, ils ont la possibilité de les garder durant la majeure partie de leur carrière. Sochaux est moins assuré de ce côté.
Pedretti et Frau ne cachent pas qu'un jour ou l'autre, leurs ambitions les amèneront sans doute à aller voir ailleurs.
Former est donc une nécessité pour le FCSM. Ils sont actuellement 65, âgés de 15 à 20 ans et 12 plus jeunes en préformation, à espérer suivre les traces d'un Jérémy Mathieu, plus récent appelé du centre de formation à évoluer avec l'équipe première - et récemment convoqué en équipe de France espoirs. Ils ont été repérés lors d'une détection organisée par la fédération française. Ou simplement remarqués par le réseau du FC Sochaux-Montbéliard qui comprend 6 personnes mais aussi l'encadrement du centre de formation et des relations du club.
Un jeune qui intéresse le club est invité à un stage de quelques jours au centre, qui détermine l'encadrement à le prendre ou non. A l'instar des autres centres de formation, la zone de détection est de plus en plus large, mais la politique du club est d'abord de ne pas laisser échapper les meilleurs joueurs de la région quitte à compléter les effectifs avec des joueurs plus forts de l'extérieur. Et s'il y a des arrivées à tous âges, certains jeunes pouvant se révéler plus tardivement que d'autres, le système mis en place table plutôt sur une entrée au centre à 14 ans.
Mais celui qui intègre le centre n'est pas sûr de suivre tout le cursus. « Chaque d'année donne lieu à un bilan, Il peut arriver que l'on prenne un engagement de 2 ou 3 ans mais de dire aux parents avant le terme qu'on va vers l'échec indique Jean-Luc Ruty. S'ils veulent laisser leur fils au centre, ils peuvent car le contrat est signé. Mais les enjeux sont trop importants pour qu'on laisse les jeunes et leurs parents se bercer d'illusions ».
Critères sportifs, comportementaux et scolaires
Comme dans tous les autres entres de formation de football, il y a de toute façon peu d'appelés à devenir professionnels. « Dix à 20 % suivant les années estime le directeur. Ce qui est peu, mais beaucoup si l'on considère le petit nombre de joueurs professionnels ». Dans cette situation, autant dire que si le critère purement sportif est primordial, les aspects scolaires et éducatifs ont aussi une importance considérable. Ce qui vaut d'entendre ce type de remarque d'un dirigeant de l'école de football (avant l'entrée au centre de formation proprement dit) à un jeune : « Si tu continues, tu vas vers le double échec. L'échec sportif, je m'en fous, c'est ton problème. Mais l'échec scolaire, je n'en veux pas ! ».
« Il nous est arrivé de dire non à un joueur parce qu'on pressentait qu'il aurait des problèmes scolaires à venir trop lourd et que l'on n'était pas certains du point de vue sportif concède Jean-Luc Ruty. Avant de prendre un jeune, nous regardons d'abord le sportif puis le comportemental et la scolarité. Mais c'est surtout la capacité à encaisser des charges d'entraînement et de scolarité qui est déterminante ».
Les jeunes qui sont au centre sont de toute façon doués pour le football. Mais ce ne sont pas forcément ces qualités qui font la différence. Sans sérieux, discipline, sens de l'effort, les meilleurs échouent. Le centre insiste également beaucoup sur le comportement, ce qui vaut également au visiteur la suprise de voir tous les adolescents du centre qui passent à proximité venir lui serrer la main. « Mais il ne faut pas se leurrer, recadre Jean-Luc Ruty. Leur comportement est copie conforme des autres jeunes de leur âge. Ce sont les portables, la télé, les jeux vidéo... C'est aussi moins de respect, moins de valeurs qu'avant. Je note par exemple que les jeunes ne sont plus impressionnés par les pros qui sont démythifiés. A mon époque, on en avait un peu peur ».
Stéphane Paris
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