Créé il y a 9 ans, le concours Talents des cités est là pour soutenir et mettre en valeur les entrepreneurs issus de quartiers dits difficiles. Chaque année, des lauréats sont récompensés aux niveaux local, régional et national, dans deux catégories : émergence pour ceux qui ont un projet, création pour ceux qui ont lancé leur entreprise récemment. Des prix, mais surtout une reconnaissance pour des activités qui s’installent «dans un quartier prioritaire de la politique de la ville et/ou en zone franche urbaine». Et qui ont moins de 40 ans, autre condition pour postuler. Les jurys prennent en compte le parcours du créateur, la viabilité du projet, son impact dans son quartier et la volonté d’être un «ambassadeur des quartiers». Comme Alboury, Dejan et Marouane, ceux qui veulent postuler cette année doivent s’inscrire et remplir le formulaire en ligne avant le 31 mai.
Les prix régionaux vont de 1500 à 3000 euros, les lauréats nationaux reçoivent 7 000 à 12 000 euros.
Dejan Barisic rénove les façades
Avec son père, il a créé une entreprise (en 2008), pour laquelle il est lauréat local et régional de Talents des cités. Dejan Barisic (en photo ci-dessus) n’hésite pas : pour lui, la récompense décernée par Talents des cités a d’abord la valeur «d’une reconnaissance personnelle et professionnelle. Je suis arrivé ici en 95 à cause de la guerre en ex-Yougoslavie. Avec mon père, on est partis de rien alors c’est très valorisant d’avoir un prix comme celui-là». Agé de 26 ans aujourd’hui, Dejan est visiblement fier de l’entreprise familiale «qui marche de mieux en mieux. On est 3, on va sûrement prendre prochainement 2 autres personnes». C’est après avoir obtenu un brevet de technico-commercial en informatique qu’il a créé "Façades bisontines" avec son père qui, de son côté, a accumulé 15 ans d’expérience dans le métier. A savoir, la rénovation et le lavage de façades, les enduits projetés, les peintures, l’isolation thermique par l’extérieur, «de plus en plus demandée». L’entreprise intervient dans tout le département du Doubs, aussi bien à Besançon qu’à Pontarlier, pour des particuliers comme des professionnels.«On progresse en termes de marché comme de compétences. Par exemple on vient tous de suivre une formation bardage». Récompensée dans la catégorie Création, l’entreprise symbolise l’un des buts de Talents des cités : mettre en valeur les exemples d’intégration et de réussite.
Alboury N’Diaye veut desserrer les freins à l’emploi
Lauréat national de Talents des cités, il ouvre à Besançon Mosaïque, un cabinet de conseil et de placement en ressources humaines en faveur des résidents des quartiers sensibles. Sa trajectoire brillante l’a également mené à une thèse de sociologie qu’il doit soutenir prochainement. Son thème : les inégalités et la fracture sociale. Originaire du Sénégal, il est arrivé à Besançon en 2000, diplômé d’un bac qui lui a permis d’obtenir une bourse pour étudier à l’Université de Franche-Comté, comme, avant lui, «le président Wade qui a gardé des attaches ici». Depuis 2005, il travaille également comme médiateur social dans les quartiers de Besançon, notamment à Planoise, où il crée Mosaïque emploi. Autant dire qu’il connaît les problématiques d’insertion. «Je suis diplômé, j’ai rencontré des freins à l’emploi en rapport avec mes origines ou mon patronyme. Dans les quartiers, on rencontre souvent des diplômés du CAP à bac+5 qui n’arrivent pas à trouver du travail». Les réflexions autour de ces thématiques l’ont mené à créer Mosaïque. Objectif : aider, accompagner, orienter des personnes en situation de rupture professionnelle, sociale ou scolaire mais aussi aller à la rencontre des entreprises pour les convaincre de recruter des salariés issus des quartiers. «La raison d’être de Mosaïque est de faire coïncider les besoins de l’entreprise et l’envie des gens qui viennent me voir de trouver un emploi, un stage, une formation. Le cabinet s’inscrit dans l’économie sociale, précise-t-il. Il répond à ma conviction que l’entreprise a une responsabilité sociale. Il est évident que donner du travail à un jeune contribue au lien social. Il ne faut pas se cacher qu’il y a une méconnaissance culturelle des deux côtés et j’espère servir d’intermédiaire pour déconstruire les préjugés». Du côté des demandeurs, il propose des conseils gratuits : «faire découvrir l’entreprise et ses attentes, travailler la posture professionnelle, la présentation, le profil». Public prioritaire : toute personne qui subit un frein à l’emploi en raison de l'origine, l'âge, le sexe ou un handicap.
Marouane El Gharib, le transport citoyen
Depuis plusieurs années, les services de transports adaptés aux personnes à mobilité réduite se développent. Lauréat du prix Talent des Cités dans la catégorie Emergence, le Dolois Marouane El Gharib vient de lancer sa société : depuis six mois, les Dolois et Doloises qui rencontrent des difficultés pour se déplacer bénéficient d’un nouveau service, le transport à la demande sur tout le territoire. Marouane El Gharib, Jurassien de 27 ans, vient de créer sa société AIT Transport (pour Agence idéale pour le transport). Sur un simple appel, il se déplace chez les particuliers, associations ou maisons de retraites pour assurer les déplacements des seniors ou handicapés. Il transporte ses passagers pour toutes les tâches de la vie quotidienne : loisirs, courses… Originaire du quartier des Mesnils Pasteur, Marouane El Gharib montre que l’esprit entrepreneurial est bien présent dans les cités. Après avoir décroché une maîtrise en gestion des opérations logistiques, il a travaillé deux années chez PSA comme responsable qualité de la chaîne logistique. «Je revenais régulièrement voir ma famille à Dole, raconte le Jurassien. J’avais entendu parler du projet de rénovation des Mesnils Pasteur, et j’ai voulu montrer que notre quartier a un potentiel professionnel. J’ai souhaité aider à son développement, tout en montrant qu’il existe une cohésion entre les seniors et les jeunes». Directement concerné puisqu’un membre de sa famille est touché par un problème de mobilité, Marouane El Gharib se positionne ainsi à la fois comme un chef d’entreprise et un citoyen, dans un secteur où d’autres n’y voient qu’un potentiel marché. Primé au concours talent des Cités en 2010 dans la catégorie émergence au niveau régional, il fut également lauréat du concours Cré’acc pour la Bourgogne Franche-Comté.
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