Elles insistent sur un mot : la dextérité. L’une des principales qualités à détenir si l’on veut se lancer dans une formation en bijouterie, selon Sandrine Dodane et Céline Cuenot, enseignantes au lycée Edgar Faure, à Morteau. «C’est également extrêmement exigeant en termes de précision mais aussi de réflexion et de vision dans l’espace. Il faut être manuel, logique, rigoureux, patient, doté d’un esprit créatif et d’une bonne maîtrise du dessin. Il faut être capable de rester 8 h assis à un poste de travail, concentré».
Autant de qualités minimales nécessaires qui expliquent le regret des deux formatrices vis-à-vis des modifications récentes des critères de sélection. Pour intégrer les sections CAP puis BMA (1), il faut un bon dossier scolaire. Mais les qualités décrites sont de l’ordre d’un ressenti que les logiciels informatiques dévolus à la sélection ne détectent pas. «Cela engendre une certaine standardisation qui ne tient pas compte des spécificités inhérentes au métier. Et certains élèves se découragent car ils n’ont pas les qualités adaptées. Ce n’est pas parce qu’on a un bon dossier scolaire que l’on sait gérer ses gestes avec précision. A l’inverse, il y a des élèves en échec qui feraient d’excellents professionnels mais ils ne nous arrivent plus. Or des difficultés en enseignement général peuvent être plus facilement compensées que des problèmes en atelier».
Répéter, répéter, répéter
Leur conseil : avant toute envie de travailler dans les bijoux, vérifier que l’on est apte. La dyspraxie ou la phobie du chalumeau, comme elles les ont déjà rencontrées, sont rédhibitoires. «Avoir 18 de moyenne en arts plastiques au collège ne présage pas forcément la qualité du geste attendu en dessin».
Le joailler conçoit et réalise un bijou. Le sertisseur en vérifie la facture et y fixe les pierres. Deux métiers très spécifiques. «Pour l’apprentissage de ces métiers, on a besoin de répéter, répéter, répéter les gestes. Et dans la pratique, on n’a jamais la même pièce, donc il faut être capable de s’adapter». Les deux sections sont exigeantes mais au bout du compte, «dans l’ensemble, nos élèves travaillent, ont de belles places et s’épanouissent». Quelques précautions cependant : «Nous sommes tributaires de l’ambiance en Suisse, entre autres. En ce moment, il y a de l’embauche en sertissage mais c’est plus difficile en joaillerie. Et comme le bassin d’emploi local ne peut absorber tous les élèves formés, il faut être prêt à bouger».
Des pistes s’ouvrent cependant aux élèves sur des formations et métiers aux techniques proches : la prothèse dentaire, l’anglage et le guillochage dans l’horlogerie, le polissage dans l’industrie.
Après le BMA, il existe une possibilité de poursuite d’études en DMA, proposé dans 8 établissements en France (2). «Si l’on veut travailler à l’établi, en atelier, le BMA suffit précisent les formatrices du lycée Edgar Faure. Le DMA peut servir pour aller vers des postes de responsable d’atelier ou s’orienter vers le design ou la restauration». Quoi qu’il en soit, la formation est une base pour une profession où l’expérience est primordiale. «C’est un métier très riche mais exigeant. Pour s’adapter au monde du travail, il faut une dizaine d’années d’exercice. Mais au final, il est gratifiant de réaliser un bijou de A à Z, ou de finaliser un produit en sertissant des diamants d’exception sur une boîte de montre de luxe».
Stéphane Paris
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