Deux mille m2 de géraniums, chrysanthèmes ou encore de plantes bisannuelles telles que pensées et primevères : le GAEC Amagallis, à Lyoffans, près de Lure, propose toute l'année sa production horticole aux grossistes, aux communes et aux particuliers, qui peuvent acheter sur place toute l'année. A sa tête, deux jeunes femmes, Hélène Mougenet, 33 ans et Sylvie Sibille, 29 ans. Pour créer leur entreprise, en 1998, elles ont repris avec succès une partie de l'exploitation où elles travaillaient toutes les deux avant que leur employeur ne parte en retraite. Et comme envion 50 autres nouveaux exploitants chaque année, elles ont bénéficié du PRI, programme régional installation initié par le Conseil régional de Franche-Comté. Ce dispositif, précurseur à l'époque de son lancement en 1989, a pour objectif principal de lutter contre la baisse du nombre d'agriculteurs dans la région. S'il ne parvient pas à compenser le nombre de départ, le PRI contribue à éviter des trop grandes pertes. « C'est pour conserver une campagne vivante et habitée et ne pas perdre une seule exploitation viable en Franche-Comté que la Région aide les jeunes agriculteurs à s'installer » résume la plaquette de présentation. La même raison est à l'origine d'une autre aide plus récente favorisant « la création de groupements d'employeurs agricoles destinée à développer l'emploi salarié », ce qui permet de générer par exemple des emplois à temps partagé entre plusieurs exploitants.
D'abord destinée à ceux qui s'installent hors du cadre familial, l'aide du PRI peut aussi bénéficier aux enfants d'exploitants dans certaines conditions. Preuve de son effet, plusieurs étrangers, Italiens, Allemands, Hollandais, Suisses ou Marocains sont choisi de s'installer en Franche-Comté pour faire vivre une exploitation. Le programme lui-même a été repris par d'autres régions. Avec l'ambition d'aider des structures agricoles solides, la principale condition d'accès est de présenter les garanties d'une bonne compétence technique et la capacité professionnelle agricole. « Au départ, je me suis formée sur le tas raconte Hélène Mougenet mais pour pouvoir reprendre l'entreprise, j'ai passé un BPA floriculture à Valdoie, en formation pour adultes ». De son côté, Sylvie Sibille a suivi un BTA en production horticole dans l'entreprise. Ce n'est pas tout. Si le PRI octroie d'abord des aides financières non négligeables (montant moyen, environ 70000 F) et peut orienter les candidats vers diverses aides de l'Etat, il prévoit également un stage Proforea (programme de formation à la reprise d'entreprises agricoles et artisanales en milieu rural) qui allie pratique et formation théorique assurée par le centre régional de formation agricole. Le but : compléter les formations et assurer les candidats des connaissances en gestion requises. « Pour nous, l'avantage était surtout financier, signalent les deux jeunes femmes qui évaluent leur investissement total à 1 million pour 5 ans. On a suivi un stage de six mois à la maison des jeunes agriculteurs, mais comme ils parlaient surtout de vaches, de lait, de quotas, l'utilité n'était pas évidente pour nous. On a quand même fait une étude prévisionnelle d'installation pour évaluer la viabilité de l'entreprise ».
« Le stage a pour rôle de mettre la personne en situation professionnelle, de lui montrer tous les aspects de ce qu'elle va connaître ensuite, précise Etienne Rougeaux, coordinateur régional du dispositif. Elle doit savoir de quoi il retrourne de s'installer en agriculture et le cas échéant, peut s'arrêter avant de commencer. Le stage contient une partie commune et une partie individualisée dans laquelle la formation peut prendre diverses formes. Par exemple certains étrangers ont suivi des cours de français ». De ce point de vue, le stage entre pleinement dans l'ambition du PRI, assurer le maintien des exploitations économi-quement viables. Depuis le lancement du programme, 10 % des bénéficiaires ont créé une nouvelle structure démarrant une activité, toutes les autres étant des reprises, avec 45 % de reprises individuelles et 45 % d'installations en société.
Pour une raison semblable, le lait est majoritaire. Produit de vocation régional, il garantit une certaine sécurité à l'exploitant. Significativement, sur les 48 dossiers présentés en 2000, 67 % avaient pour activité principale le lait. « Sans exclure personne, le profil type des bénéficiaires du PRI est quelqu'un originaire de Franche-Comté ou d'une région proche, qui a une expérience en agriculture non négligeable, par exemple dans le salariat, qui a une formation qui tient la route et qui sait très bien ce qu'il veut. Le profil de l'urbain qui revient à la terre, on le voit peu. Dans ces cas-là, ce sont souvent des projets de diversification agricole, et il n'est pas rare qu'ils soient utopiques, basés sur une image de l'agriculture un peu irréaliste. Ceux qui réussissent à s'organiser et à se moderniser s'en sortent, mais avec des journées de travail à rallonge. Donc, rêver oui, mais de manière réaliste ».
En plus de 10 ans et avec 485 exploitations aidées, le PRI se félicite d'un taux d'échecs de moins de 5 %. Lequel est dû beaucoup plus à des volonté de changement personnel qu'à des raisons économiques. « S'installer en agriculture est un véritable choix de vie dans sa globalité note à ce propos Etienne Rougeaux. La plupart des autres métiers permettent de séparer vie professionnel et vie personnelle. Là, ce n'est pas le cas. Famille et exploitation sont souvent mêlées. Temps libre et temps de travail sont mélangés et sans parler de vacances, les week-ends sont rares. Mais ceux qui en font le choix le savent et cherchent autre chose, le contact avec la nature, une certaine autonomie, la vie à la campagne...»
Pour leur part, déjà dans le bain auparavant, Hélène Mougenet et Sylvie Sibille n'ont pas trouvé le passage à l'exploitation si difficile. « Ça se passe plutôt bien. Une fois qu'on est lancé, il n'y a pas trop de problèmes. Et puis nous n'avons pas une entreprise de 50 salariés donc ce n'est pas très lourd à gérer. C'est sûr qu'il faut quand même suivre, mais ce n'est pas insurmontable. Il faut toujours être présent sur l'exploitation mais comme nous sommes deux, nous avons la possibilité de nous relayer de prendre un week-end ou une journée à tour de rôle ».
Stéphane Paris
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