Dans la liste proposée par le Conseil régional, ils ont déjà choisi les films sur lesquels ils travailleront l'an prochain : Blade runner de Ridley Scott, Journal intime de Nanni Moretti et Le Vent de Souleymane Cissé. Trois films très différents, tant par le genre que par l'origine, trois films aux qualités propres. Christophe Pacaud et Véronique Lonchampt, documentalistes du lycée Ledoux (Besançon), se sont lancé d'emblée, il y a deux ans, dans l'opération «Lycéens au cinéma» du Conseil régio-nal de Franche-Comté. Ils ont de nouveau participé cette année, et leur enthousiasme n'a pas faibli. « Il vient déjà d'un intérêt personnel pour le cinéma. Et il aurait été dommage de passer à côté d'un moyen de donner le goût du cinéma aux lycéens » note Christophe Pacaud. « Cette initiative permet une certaine ouverture culturelle, elle donne aux élèves l'occasion d'appréhender d'autres cinémas que celui qu'ils ont l'habitude de voir » ajoute Véronique Lonchampt. Outre les trois films cités plus haut, les lycées qui participeront l'an prochain pourront également choisir Contes de la lune vague après la pluie de Mizoguchi, A nos amours de Pialat ou Roger et moi, documentaire de Michael Moore : une diversité d'auteurs et de regards loin de l'uniformité qui caractérise la plupart des productions courantes, et d'où comme chacun sait naît l'ennui. L'approche est d'autant profitable pour les élèves qu'elle ne se limite pas à une séance en salle : visionnage et analyse de séquences, rencontres avec des intervenants extérieurs, utilisation des sujets des films par les professeurs... Certains élèves, ceux des lycées Cuvier et Viette à Montbéliard, ont même eu la chance de participer au tournage du film de Jacques Maillot Nos vies heureuses. D'autres ont participé à la semaine de la presse (lycée Bérard et Nodier à Dole). A part ces expériences particulières, la base de «Lycéens au cinéma» est, pour chaque classe participante, une projection des films suivie d'une analyse approfondie. « Après le visionnage d'une oeuvre, raconte Christophe Pacaud, nous organisons des séances d'analyses de séquences au CDI, à l'aide des fascicules du CNC fournis à chaque élève et professeur par le Conseil régional. Nous avons également eu des interventions, comme celle de Frédéric Strauss, critique aux Cahiers du cinéma. Les élèves ont apprécié, c'était une autre approche des films. Ils se sont rendu compte que l'on pouvait avoir une analyse, une lecture des images très riches, qu'un film n'est pas construit sans raison, que les auteurs mettent de nombreuses références dans ce qu'ils filment, qu'il y a des rapprochements à effectuer avec les arts plastiques ou la littérature ».
Dans son bilan de l'opération, Pierre Richard, professeur d'art appliqué et d'histoire de l'art au lycée Ledoux, confirme cette réaction : « la venue de Frédéric Strauss permettait de compléter magistralement le travail mené. Si les réactions des élèves ont été à chaud : «mais jamais on ne peut voir tout ça pendant une projection», ils ont été unanimes pour trouver son intervention époustouflante et subtile. Ils ont reconnu qu'ils ne regarderaient plus un film avec la même passivité. Ils ont compris que tout s'accorde, son, prise de vue, éclairage, etc pour étoffer le sens générale d'une oeuvre cinématographique ».
Au lycée Ledoux, plusieurs professeurs se sont impliqués dans l'opération en reliant leurs cours aux films étudiés : ainsi, pour Les Roseaux sauvages, de Téchiné, une prof d'histoire-géo a abordé l'environnement historique, celui de la guerre d'Algérie, alors qu'une professeure de français s'est plutôt attardé sur les personnages, les sentiments, la psychologie. En art appliqué, c'est du décor qu'il a été question, tandis qu'une professeur d'anglais a préparé une discussion dans cette langue sur le film. « Et, d'après Christophe Pacaud, des élèves qui d'habitude parlent peu en cours d'anglais n'ont pas hésité à s'exprimer ». Au total, cette année, plus de 250 élèves de seconde, première et terminale du lycée Ledoux ont participé à l'opération.
Pour rassurer les parents qui craindraient une dispersion par rapport à l'emploi du temps «régulier», l'ensemble représente trois séances de projections, le reste des interventions ayant lieu hors du temps de cours, notamment lors des modules, plages horaires qui permettent aux professeurs de travailler différemment avec les élèves. Un cadre adéquat puisque ces modules ont été créés en 1989 en particulier pour favoriser des ouvertures hors programmes. « Le fait que des professeurs de différentes disciplines abordent le film sous divers angles créé une sorte de synergie, en rapport avec ce qu'il est de plus en plus demandé de faire dans les nouveaux programmes » ajoutent les documentalistes. Eux-mêmes indiquent tirer bénéfice de l'opération dans leur travail : « Il entre par exemple dans nos missions des faire des lectures critiques sur la presse, de prendre du recul, chose que l'on a abordé par le biais d'un travail sur les critiques de film. D'autre part, l'un des apports des analyses des films est de montrer aux élèves que le cinéma permet de diriger le regard du spectateur, que rien n'est gratuit. Enfin, nous-mêmes pouvons organiser, actualiser le fonds documentaire du CDI en fonction des films. Par exemple, à l'occasion de Blade runner, on peut imaginer diverses actions autour de la science-fiction». Et puisqu'il est quand même question d'école, n'oublions pas un bénéfice pédagogique de l'opération rappelé par Véronique Lonchampt : « Les élèves se rendent compte qu'on peut être actif devant un film, et non pas rester un simple consommateur d'images ».
S.P.
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