« Le jeu de rôle, pour moi, c’est du théâtre d’impro » décrit Geoffrey Rufo, président de l’association CG prod à Pontarlier qui a imaginé le scénario
la Lance brisée à suivre en actual play (
voir article). Soit un jeu de société, mais dans lequel le mot jeu s’entend dans les deux sens du terme : on joue à un jeu dans lequel on joue un personnage.
Il est régi par des règles dans un univers prédéfini, mais avec une certaine liberté d’action. En réalité, le jeu de rôle ajoute imaginaire, pouvoirs et côté récréatif à ce que l’on rencontre dans la réalité : une combinaison de déterminisme, de hasard et de choix. Le premier est assuré par le maître du jeu, le second par les dés, le troisième par les joueurs. Geoffrey Rufo résume :
« la façon la plus commune du jeu de rôle, c’est 5 personnes qui se retrouvent à un endroit. L’une, le maître du jeu, connaît l’histoire du début à la fin. Il est là en tant que narrateur et arbitre et n’intervient pas sur ce que font les 4 joueurs. Il doit s’adapter pour que l’histoire avance en fonction des réactions des joueurs. Ces derniers décident de ce qu’ils veulent faire, mais toutes les actions se réalisent au lancé de dés ». La préparation a autant d’importance que le jeu, certains peaufinant leur personnage, les décors, les figurines…
« On peut alterner, mais il y a beaucoup plus de joueurs que de maîtres du jeu car ces derniers font le plus gros du travail en amont. Tout est possible. Certains élaborent des histoires de 20 pages alors que certains scénarios peuvent tenir sur 5 lignes. Moi j’adore laisser beaucoup de liberté aux joueurs ». Les initiateurs de
la Lance brisée passent beaucoup de temps à préparer et jouer, mais ils précisent que l’image de jeu interminable n’est pas une obligation.
« On aime détailler, faire des illustrations, créer des figurines, mais certains jouent avec une feuille et peu de matériel. Certains font des « campagnes » qui durent 1 an, mais il est possible de faire des parties en one shot de 4 h ».
Regain de popularité
Ce résumé est la base du jeu de rôle telle qu’elle a été élaborée il y a 50 ans par les Américains Gary Gygax et Dave Arneson avec
Donjons & Dragons.
« Au départ, ils faisaient du wargame et ont voulu faire évoluer la pratique en se disant « et si on interprétait les personnages ? » ».
Donjons & Dragons est toujours le plus connu des jeux de rôles, mais depuis son succès immédiat, il a été décliné et d’autres types de jeux ont vu le jour.
« Aujourd’hui, il y en a beaucoup de différents décrit Claudine Wahl, secrétaire de CG prod et maîtresse de jeu.
Il y en a dans des univers fantastiques, d’autres qui s’inspirent de la réalité, d’autres des films d’horreur, certains prennent la forme d’enquête ». Des variantes sont arrivées en jeu vidéo ou sur internet. Certains s’adressent aux enfants, à l’instar de
My little pony ou
Donjons & Chatons !
Une évolution qui a permis de maintenir le succès. A l’association Lud’haut-Doubs, Claudine et Geoffroy voient venir des personnes de tous âges, étudiants comme quadragénaires.
« Je pense que l’arrivée des MMORPG (jeux de rôle en ligne)
puis tout ce qui est actual play ont ramené du monde dit Geoffrey.
Et plus récemment, il y a eu la pandémie Covid, avec des gens qui s’y sont mis pendant le confinement, puis la série Stranger Things où l’on voit les héros jouer à Donjons & Dragons. Le succès de la série a entraîné un regain d’intérêt pour le jeu. »
Culture geek
Cyril Nourry, l’un des fondateurs de l’association De cartes et de dés à Nevers (
voir article) confirme cette démocratisation.
« Ce ne sont plus des jeux réservés à des geeks entre eux, avec parfois un manque d’ouverture, comme au début. Le jeu de rôle est devenu varié et surtout accessible. Aujourd’hui, ce n’est plus la peine d’apprendre des bouquins de 50 pages. Même quand j’ai commencé, à la fin des années 2000, c’était encore assez complexe, avec beaucoup de règles. Les univers se sont adaptés, Donjons & Dragons doit en être à la version 5 ou 6 par exemple. Le monde du jeu de rôle est aussi devenu plus inclusif. Il y avait une certaine culture de commentaires sexistes, mais c’est de moins en moins vrai. D’ailleurs, on voit arriver de plus en plus de femmes et dans les jeux eux-mêmes, des hommes jouent des femmes et vice-versa. Dans notre association, des mères viennent avec leurs enfants. Il y a des jeux de rôle pour tous les goûts et tous les âges ».
Pour lui, la principale cause du succès actuel vient d’un changement de mentalité, d’un monde moins fermé sur lui-même.
« Depuis plusieurs années, il y a un regain évident pour la pop culture, la culture geek. Il y a une quinzaine d’années, ce mot était presque une insulte. Aujourd’hui, il y a énormément de jeunes qui le revendiquent ».
S.P.
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