Peut-on dire que la Franche-Comté est une région d’escalade ?
TD : Oui, c’est une belle région avec pas mal de falaises. Historiquement, l’escalade est plutôt centrée dans les zones de montagne, dans le sud ou encore en région parisienne qui compte beaucoup de structures artificielles. L’intérêt de la Franche-Comté est de présenter une concentration de sites. Les grimpeurs cherchent soit des lieux avec un grand site offrant un très grand nombre de voies, soit un endroit où l’on peut trouver une multitude de petits sites proches. La Franche-Comté est dans cette configuration. Mais on n’y trouve pas de falaise de 300 m ! En second lieu, il n’y a pas beaucoup de développement du nombre de participants.
LP : On a une région propice à l’activité, notamment autour de la vallée de la Loue ou à Baume-les-Dames ou encore autour de Maîche. Il existe de nombreux sites pour pratiquer en extérieur et une certaine culture de l’escalade puisque certains sites sont ouverts depuis 20 ou 30 ans. On peut voir souvent du monde en falaises. Avec ce bémol qu’il s’agit d’une activité qui se fait principalement par temps sec. Si les falaises sont trop humides, c’est vraiment limité à des gens confirmés. En termes de licenciés, Entre-temps est la plus grosse structure avec environ 300 personnes. Au total, il doit y avoir 800 licenciés dans la région. En ce qui concerne les salles, Entre-temps est la seule spécifiquement consacrée à l’escalade, avec une possibilité d’accès libre, mais il y a d’autres clubs qui utilisent des structures de gymnase. Les clubs qui "bougent" le plus sont ceux de Baume-les-Dames et de Morez.
La région est-elle connue ?
TD : Pas vraiment. Les grimpeurs ont tendance à aller vers le sud ou à Fontainebleau qui possède un site de blocs (1) unique au monde. La Franche-Comté n’est pas très reconnue, mais je pense que ça peut venir prochainement, car on en parle plus ; il y a des inaugurations de falaises conventionnées par la fédération (2), comme celle de Rurey équipée en 2010. Ce n’est pas évident : très souvent, lorsqu’on veut faire homologuer une falaise, on se heurte à des refus, parce que l’escalade est une pratique associée à des risques, parce qu’elle n’a pas de « lobby », parce qu’il y a de nombreuses contraintes, notamment environnementales.
LP : On voit souvent en falaises des Suisses ou des Allemands. Les grimpeurs de la partie nord viennent chez nous, mais ceux du sud ne "remontent" pas trop.
Personnellement, avez-vous des sites favoris ?
TD : Depuis que je suis arrivé, je suis très attiré par la vallée de la Loue. Baume-les-Dames également, un site historique, peut-être le plus connu mais qui est au bout de son développement. Les grands sites se trouvent dans le Doubs et dans le Jura. Depuis 2005, il y a un développement important avec des voies à Rurey, Ornans (falaise du Barmaud), Mouthier (Syratu et Hautepierre), sur le plateau maîchois des deux côtés de la frontière. On peut aussi citer Pont-de-Roide, la vallée du Lison, Montfaucon ou encore la Fauconnière à Pontarlier.
LP : Rurey, un site encore neuf où l’on va régulièrement. Baume-les-Dames, qui reste une référence, avec un panel de voies varié.
C’est une pratique associée au risque. Le confirmez-vous ?
TD : Elle a cette image, mais les accidents sont rares. Il y en a moins que dans le foot, mais évidemment ils sont moins bénins. Quand on évolue à 30 m du sol, une erreur de manipulation ne pardonne pas. Il y a donc un énorme travail de formation à faire au départ. S’il est bien fait, si les pratiquants sont formés à toujours vérifier l’état de leur équipement et celui de la falaise et à évoluer dans les règles, il n’y a pas de risque. Une majorité des accidents vient d’erreurs humaines : nœud pas terminé, grimpeur mal assuré… La manipulation en haut de voie est un moment propice aux erreurs d’inattention. Aujourd’hui, le matériel est très performant. Je n’ai souvenir que d’un accident dû au matériel et c’était en via ferrata.
De l’extérieur, on peut penser qu’il faut du temps avant d’avoir une pratique de loisir en autonomie.
TD : En réalité, cela peut être rapide. L’autonomie, c’est la sécurité. Il faut apprendre à s’accorder, à assurer quelqu’un, à équiper et déséquiper une voie, y compris en fin de voie pour récupérer le matériel. Cela peut s’apprendre en quelques jours. Ensuite, il faut être capable d’évaluer ses capacités. La nature nous propose des lieux suffisamment diversifiés pour que l’on trouve des sites adaptés à sa pratique. On peut démarrer en falaise à un niveau facile. Et sur place, la communauté des grimpeurs est là pour s’entraider.
LP : Il faut posséder les bases de sécurité : savoir s’encorder, assurer. C’est un apprentissage qui ne prend pas énormément de temps. Le b.a.-ba peut être maîtrisé en quelques séances. Ensuite, on peut commencer en autonomie. Il faut quand même un peu d’expérience pour aller dehors. Au préalable, on peut venir en salle pour progresser. On peut également conseiller de commencer par partir avec des grimpeurs qui connaissent les sites.
Est-ce ouvert à tous ?
TD : Oui, notamment avec l’amélioration du matériel qui permet d’évoluer en sécurité et de dédramatiser les chutes. On peut même pratiquer tard, à l’image de la course à pied ou de la randonnée. On est sur un sport assez doux pour le corps. On entend parler du mental, mais les gens confondent souvent le vertige, qui est assez rare, avec une appréhension de la hauteur, qui est un phénomène normal auquel il suffit de s’habituer. Cette « peur du vide » peut se dompter par une pratique progressive et une prise de conscience du matériel et de l’assurance. Il y a aussi un aspect physique, sur le haut du corps : il faut des bras et des avant-bras pour contrôler la tenue de prise, monter vers le haut, maintenir les moments de blocage. Mais pas besoin de cuisses énormes. Il faut de la souplesse et de l’équilibre, car il y a des positions d’écart, des moments où l’on monte la jambe, où on la ramène sur la hanche. Il y a aussi un aspect cérébral de prise d’information, de mémorisation des mouvements à opérer. Et c’est vraiment ouvert aux filles. Dans la tenue de prise, les petites mains et les doigts fins sont même privilégiés.
LP : Il vaut mieux être un peu sportif. Mais il y a des falaises pour tous les niveaux et chacun peut trouver un défi à sa hauteur. Les cotations vont de 3 à 9 en fonction de la difficulté. Le niveau 3 est accessible à tout le monde. Quelqu’un de sportif peut commencer au niveau 5. Mais plus que les qualités physiques, il faut posséder des notions techniques, la capacité d’appréhension du milieu, l’anticipation qui permet d’«imaginer» la voie et d’optimiser les mouvements. L’escalade est aussi une discipline de gestion de l’esprit.
Qu’en est-il de la pratique en salle ?
TD : L’escalade est une discipline en train de devenir indoor. Les constructions se développent depuis plusieurs années. Pour les grimpeurs, c’est plus pratique. La salle est accessible quel que soit le temps. Il suffit de disposer d’une heure ou deux pour aller s'exercer. En extérieur, c’est beaucoup plus chronophage. Quand on se déplace sur un site, c’est pour y rester une demi voire une journée, un temps dont on ne dispose pas forcément souvent. Une sortie, il faut la prévoir, l’organiser, c’est compliqué…
Même les grimpeurs expérimentés se sont mis à la salle, qui s’est développée parallèlement aux compétitions. Alors on voit plus de gens en indoor et moins à l’extérieur. Certains ne vont même qu’en salle. J’aurais tendance à dire qu’il faut pratiquer les deux en parallèle car ils présentent des aspects différents. En salle, on est plus sur des contraintes physiques, on en prend «plein les bras». Techniquement, c’est moins difficile. Sur le plan de la lecture de la voie, c’est plus facile également car il y a un code couleurs. La falaise est plus irrégulière, on attend plus avant d’opérer un transfert. Ceux qui développent trop leurs capacités indoor auront du mal à passer à la falaise.
Et la via ferrata ?
TD : Ce n’est pas la même chose mais c’est une entrée possible qui permet d’appréhender l’aspect vide, l’effort physique. Il n’y a pas de complexité ni de technique nécessaire, donc c’est totalement séparé de l’escalade. Mais c’est une porte d’entrée, comme l’accrobranche : un loisir ludique et touristique plus qu’une activité sportive.
LP : La via ferrata, c’est vraiment différent. On est dans un milieu similaire mais on ne grimpe pas, il n’y a pas le même matériel, la même technique, le même contact avec le rocher, la même nécessité d’être deux. C’est plus "grand public" et cela permet de profiter du milieu vertical sans technique particulière.
Est-ce un sport qui coûte cher ?
LP : Comme partout, il y a un certain investissement de départ. Mais généralement, sur le long terme, on change peu de matériel, chaussures exceptées. Avec elles, il faut baudriers, cordes, dégaines. Il faut compter environ 300 euros pour avoir le matériel de base permettant de grimper en autonomie à deux.
Recueilli par Stéphane Paris
Pour apprendre l’escalade en Franche-Comté :
jeunes-fc.com
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