La création des associations intermédiaires en 1987, et surtout les dispositions adoptées en 1994 leur permettant d'embaucher et de placer des chômeurs éprouvant des difficultés particulières d'insertion dans des entreprises avec un smic exonéré des charges patronales, avaient suscité inquiétudes et protestations quant à leur rôle. Les agences d'intérim y voyaient par exemple l'émergence d'une concurrence avantagée sur leur créneau, d'autres parlaient d'institutionnalisation du sous-emploi. Pour les premières, c'était supposer que la pratique allait dépasser la théorie, selon laquelle les associations intermédiaires ne sont ni entreprises d'insertion, ni agences d'intérim, n'ont pas les mêmes droits, ni le même rôle. Il est vrai que la séparation est floue, notamment en ce qui concerne les travaux que peuvent réaliser les associations, impression renforcée par le fait que tous ces organismes s'adressent peu ou prou au même public : des personnes en difficultés d'insertion, en situation d'exclusion professionnelle et souvent sociale. Comme les associations se targuent de travailler avec le même sérieux qu'une entreprise, qu'une entreprise d'insertion peut possèder un statut associatif et que certaines associations intermédiaires font elles-mêmes parties d'entreprises d'insertion, il y a matière à confusion. Ce qui ne devrait pas être le cas, d'après Christian Jacquot, président de l'Union régionale des entreprises d'insertion : « S'il y a problème, il vient d'une mauvaise définition des choses car associations et entreprises sont deux outils qui devraient se compléter ».
La loi prévoit que l'association intermédiaire peut s'engager dans une activité « qui n'est pas déjà assurée, dans les conditions économiques locales, par l'initiative privée ou par l'action des collectivités publiques ou des organismes bénéficiant de ressources publiques. » Si l'on considère que l'objectif des uns et des autres est aussi de replâtrer le déficit social - avec un souci de rentabilité pour les entreprises -, on ne peut pas dire non plus qu'il n'existe pas une réelle nécessité de ce côté à l'heure actuelle. L'ensemble des organismes qui agissent ne sont pas trop nombreux et plus qu'une dénomination, seule l'action de terrain est effective. Une association telle que la Compagnie des Bains-douches, à Montbéliard, n'a pas la dénomination d'intermédiaire, ce qui ne l'empêche pas de porter une attention essentielle aux exclus.
Des garde-fous contre les dérives
Ce rôle n'est pas dévolu aux entreprises de travail temporaire, ou intérimaires, et dans les cas de dépassement de rôle des associations, elles ou la direction du Travail se chargent de tirer la sonette d'alarme. Une réponse de la direction du Doubs à une question sur ce sujet cadre le problème : « la situation de concurrence ne devrait pas exister : les associations intermédiaires emploient nécessairement et exclusivement des personnes en difficulté d'insertion alors que, par définition, les entreprises de travail temporaire mettent à la disposition des entreprises utilisatrices des travailleurs opérationnels ». Cette réponse pré-cise qu'il est également de la res-ponsabilité de l'association d'orienter les personnes « ayant les capacités pour être immédiatement opérationnelles vers une entreprise de droit commun ». Parmi les garde-fous, là demande d'agrément préfectoral, obligatoire, donne également l'occasion aux pouvoirs publics d'éviter les risques de concurrence anormale aux activités existantes. Lorsque ce cas se produit, l'Etat demande à l'association de se transformer en entreprise d'insertion. Certes l'organisation de l'insertion par l'économique ne va pas sans effets néfastes (exemples de «dérégulations» : des organismes d'insertion qui se multiplient tandis que les entreprises disparaissent, une association intermédiaire qui devient deuxième employeur d'une ville, comme à Aubusson, dans la Creuse) mais il faut se garder de placer la conséquence avant la cause. Si les associations intermédiaires voient leur activité augmenter, c'est aussi lié à l'accroissement de l'exclusion.
Un rôle fondamental
A Vesoul, l'association Coup de main a fourni 16500 heures de travail l'an dernier, contre 2000 il y a huit ans. Pourtant elle se garde d'outrepasser son rôle ou de chercher à se développer, comme le souligne son président, Maurice Marsot : « Nous ne sommes pas dangereux en termes de concurrence, puisque nous n'avons pas le droit d'avoir de matériel, nous n'employons pas de spécialistes mais des gens sous-qualifiés. Les travaux que nous effectuons sont des bricoles, nous évitons de prendre un appartement complet à refaire par exemple. Dans ces cas-là, nous renvoyons ceux qui le demandent à des entreprises ». Sur le terrain les associations intermédiaires rendent des services, occupent des espaces inusités, comblent des besoins, notamment dans le domaine des services de proximité et de l'aide aux particuliers et dans l'ensemble jouent un rôle de plus en plus reconnu. Meilleure pleuve ? L'avis de l'Unett (Union nationale entreprises temporaires) qui, après s'être élevée contre les prérogatives des associations intermédiaires en 1994, déclare aujourd'hui que « les associations intermédiaires jouent un rôle fondamental. Le public auquel elle s'adresse est bien déterminé par la loi et pour lui, le suivi social qu'elles assurrent est essentiel. Quand chacun est à sa place nos rôles sont complémentaires.»
Stéphane Paris
Commentaires
Afin de poster un commentaire, identifiez-vous.