Julian Starke, 27 ans, est à la fois réalisateur, formé à l’Esec (1), et passionné de musique electro, ce qui l’avait amené à créer le collectif Pain surprises avec des amis. Après des pubs et des courts métrages, il s’est lancé dans l’écriture de son premier long métrage de fiction. Mais jusqu’à présent, il a surtout réuni ces deux casquettes à travers clips et documentaires dont un long métrage sur la musique électronique française : "French waves", au cœur de la tournée du même nom.
En quoi consiste ce projet ?
Il rassemble plusieurs facettes : le documentaire, une web série de 10 épisodes de 5 mn qui racontent chacun un morceau de musique, un site interactif élaboré avec des journalistes pour donner une vision plus exhaustive et moins subjective de l’electro et une tournée avec des dates en France et en Europe. Cette dernière comprend à chaque fois un masterclass et une soirée live et DJ set avec des artistes différents selon le lieu. Au total, une cinquantaine participent. A Belfort, ce sont Busy P. alias Pedro Winter (photo 2), manager de Daft Punk et fondateur du label Ed Banger, Cézaire (photo 3), plus jeune, créateur d’une musique plutôt disco house et le Noizegate Krew local. Cela donne deux points de vue de générations différentes, ce qui est un peu le propos du documentaire.
Que raconte-t-il ?
Il parle de la transmission dans la musique électronique, en particulier la musique électronique française. Celle qui passe des artistes du début, qui ont 40-50 ans maintenant, à la relève de jeunes de 20 ans qui ont une autre vision, souvent décomplexée, non sans s’inspirer des «anciens». Il y a deux générations, mais un aller-retour entre elles.
Comment est née cette envie de faire un documentaire ?
A Paris, avec des amis, on avait monté le collectif Pain suprises avec plein d’activités autour de l’electro. Vers 2012, l’un d’eux a été choisi pour jouer dans le film "Eden" de Mia Hansen-Løve, qui raconte l’histoire d’un DJ de house garage au début de la vague french touch. J’ai compris qu’il y avait eu une effervescence créative, collective, joyeuse à cette époque et cela m’a donné l’idée d’explorer quels liens avec la génération actuelle pouvaient exister. Petit à petit, en me documentant sur la musique, les films, la culture, j’ai trouvé évident de raconter tout ça, de le faire vivre. C’est un projet de 2 ans de recherches et de documentation, de rencontres avec des artistes, de voyages. Une période riche. J’ai pu parler de démarches artistique qui m’on touché, j’ai rencontré des idoles de mon adolescence.
D’où vient cet intérêt pour la musique électronique ?
C’est une passion d’ado. A 14 ans, j’ai vu Justice à Strasbourg. Leur musique m’a parlé. Ce mélange de rock, voire hard rock et d’electro discoïsante me paraissait nouveau. Le côté revendicatif, punk, associé à l’electro plus festif me paraissait être la musique des ados en rébellion, celle que les parents n’écoutaient pas. A partir de Justice, j’ai découvert Daft Punk puis j’ai tiré la pelote et je suis remonté aux sources, Detroit, Chicago.
Dirais-tu que la scène electro française possède une spécificité ?
A la fin des années 90, il y avait le son french touch. Au-delà de ça, il y a peut-être une approche un peu romantique de la musique. Un côté un peu naïf. Globalement, l’electro française est un peu moins froide que dans d’autres pays. Elle est plus fraîche. Elle n’est pas non plus la plus intello par rapport à certaines autres scènes.
Si on dit plus mélodique et moins robotique, cela te convient ?
Il y a un peu de ça. En tout cas par rapport à la musique de Detroit ou à la techno allemande. C’est un peu plus festif. Mais les artistes ont vécu des choses moins graves que ceux de Detroit ou Berlin.
Y a-t-il des gens que tu aimerais citer dans les artistes que tu écoutes en ce moment ?
Un ami de longue date, Jacques, parce que je suis content qu’il prenne son envol. Il m’a beaucoup aidé au début du projet et il a sorti son premier EP pendant la production du film. Sa spécificité est de proposer de la musique à partir de bruits d’objets. Sur scène, il improvise à partir des sons d’objets apportés par le public. C’est à la fois bien vu et nouveau. Il y a un autre artiste que j’aime beaucoup et qui n’est pas assez reconnu à mon goût : Canblaster du groupe Club Cheval. C’est un DJ producteur brillant qui prend énormément de risques artistiques. Il a une culture monumentale et une approche incroyable. En tout cas, il m’embarque dans son univers.
Pour finir, le projet French waves inclut des masterclasses. A qui sont-elles ouvertes ?
A tout le monde. Il s’agit d’un mélange d’écoute de musique et de discussion avec des artistes. Le but est de créer un lien avec le public, démystifier l’acte de création, donner l’envie de créer en montrant que c’est accessible. Beaucoup de DJs ne sont pas musiciens. Cela n’empêche pas d’être bon.
Recueilli par S.P.
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