Un entraînement de fin avril à Besançon. Les athlètes du SNB (1) sont accueillis par la pluie, un peu de vent et une température avoisinant 10°. Un peu frisquet ? «C’est le temps idéal» sourit Andrei Frusinoiu, entraîneur principal du club. Il complète : «quand il faut s’entraîner en hiver, c’est autre chose !». Lilou Ségura, espoir haut-saônoise de la discipline, donne deux conditions essentielles à ceux qui veulent se lancer : «ne pas avoir peur de l’eau, ne pas avoir peur du froid». Quelle que soit la saison, les canoéistes – ou céistes – sont sur l’eau.
La discipline est exigeante, nécessite un entraînement constant. L’abnégation et la motivation sont primordiales. Pour débuter l"entraînement, ceux du SNB commencent par des efforts en salle. Maxime Boccon, le dernier athlète du club à avoir participé aux JO, est loin d’être le dernier à se donner du mal. Le quadragénaire montre l’exemple aux jeunes, donne des conseils, avec le sourire. «La présence de sportifs comme lui ou Catherine Mathevon qui avait obtenu une 6e place aux Jeux de Los Angeles est très importante pour le club indique Patrick Suranyi, le président. D’abord parce que le club ne peut fonctionner qu’avec l’appui de bénévoles. Ensuite parce qu’ils apportent leur expérience aux jeunes».
A Auxerre, le président Pascal Gouard ne dit pas autre chose en évoquant Cyrille Carré : «Il a 3 olympiades à son actif mais il n’a pas la grosse tête ! Au contraire, il est très sympa, très accessible». Quand il raconte l’histoire de l’Olympic canoë-kayak auxerrois (2) lancé en 1965 par François Lecler, on comprend que le mot transmission est important dans ce sport, plus que dans d’autres pratiques plus médiatisées. «C’est vrai qu’on y vient souvent par les parents, qu’il y a souvent des fratries». Côté athlètes, l’entraîneur Mikaël Ortu apprécie la présence de canoéistes confirmés tels que Cyrille Carré ou Francis Mouget : «les jeunes voient leur façon de faire, s’entraînent avec eux. Ce sont des moteurs».
  Culture régionale
L’idée de transmission est la première qui vient dans l’explication des réussites locales. Derrière l’incontestable St-Laurent-en-Blangy dans le Nord, l’OCKA et le SNB sont 2e et 3e clubs français, en alternance ces derniers temps. Ils accueillent respectivement autour de 200 et 500 licenciés. En Bourgogne-Franche-Comté, le comité régional en recense environ 3000 dans 46 clubs, avec quelques autres d’excellent niveau à Dijon, Nevers ou Decize. La discipline ne figure pas dans le top 20 des sports les plus pratiqués. Pourtant, elle est numéro 1 en termes de médailles olympiques d’été (9 sur 41), seulement dépassée par le biathlon si l’on inclut les sports d’hiver. «C’est une histoire de culture, de clubs qui sont dans une dynamique de compétition depuis longtemps» pense-t-on au comité régional. La dynamique actuelle paraît exceptionnelle : derrière Eugénie Dorange, 20 ans, actuelle meilleure française, le comité compte une vingtaine de jeunes de moins de 23 ans capables d’aborder l’équipe de France. Des jeunes qui ont les qualités mentales et physiques nécessaires, mais pour qui le principal point d’interrogation concerne le passage aux études supérieures, souvent incompatibles avec les exigences du canoë-kayak. «A Auxerre, on a peu de possibilités postbac explique Mikaël Ortu. Les meilleurs partent en pôle France dans des villes universitaires comme Nancy ou alors doivent se débrouiller un peu par eux-mêmes pour continuer la pratique. Mais dans ce cas, il faut pouvoir se motiver, pouvoir suivre ses études en même temps. Pour se maintenir à niveau, c'est 15 h par semaine. Ceux qui sont en équipe de France ont droit à des aménagements. Pour les autres, le passage aux études supérieures est compliqué et certains font le choix d'arrêter malgré leur niveau».
Malgré tout, les clubs locaux ont une certaine attractivité. Beaucoup d'espoirs actuels sont originaires de Bourgogne-Franche-Comté, mais certains sont venus pour la réputation des clubs et de leurs entraîneurs, à l’image de Laszlo Casseron désormais bisontin. Andrei Frusinoiu, lui, est roumain. Il est arrivé au SNB «un peu par hasard» après qu’un Bisontin parti en Erasmus en Roumanie l’a contacté lorsque le club cherchait un entraîneur. Sollicité depuis par la fédération française, il préfère pour l'instant rester à Besançon où il se sent bien. «Ici, j’ai découvert un savoir-faire, une ambiance, une envie de former des athlètes».
Stéphane Paris
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