Ils ont attendu le plus longtemps possible avant de se résoudre, comme tant d’autres, à annuler leur grande fête annuelle initialement prévue les 19 et 20 juin. Les habitants de Mesnay, près d’Arbois, ne sont sans doute pas les derniers à la regretter. « On a fait 7 éditions avec des animations, des démonstrations, un chapiteau et du monde. C’était sympa, très convivial » relate Jean-Charles Thuault, chargé de diffusion du Projet D. Ce collectif de marionnettistes créé et diffuse des spectacles à vocation nationale. Mais cela ne l’empêche d’animer local, avec bonheur. « Une fois par mois, on propose des soirées au coin du feu aux habitants de la commune ».
La présence d’une compagnie de marionnettiste dans ce village du Jura de 500 habitants crée une dynamique. Elle redonne vie à une ancienne cartonnerie où sont venus s’agréger au fil du temps d’autres artistes et artisans. A proximité du musée du carton et du musée de l’abeille, on y trouve entre autres des compagnies de danse et de théâtre de rue. Les 8 membres (7 marionnetistes et Jean-Charles Thuault) du collectif Projet D sont arrivés en 2011, de manière fortuite. « On s’est tous connus à l’Institut international de Charleville-Mézières. On venait de différentes régions et même de Belgique et d’Afrique du sud. Parmi nous, Chloé Ratte est originaire d’Arbois. Elle connaissait cette usine de carton vide et désaffectée où personne ne voulait s’installer. Elle nous en a parlé et voilà comment la moitié de la 8e promo de Charleville-Mézières se retrouve dans le Jura. Il a fallu tout aménager, installer l’eau, l’électricité. On a tout fait, le lieu n’est pas chauffé mais le loyer est modique ».
Echanges et système D
Derrière un espace de réunion et d’accueil, se découvrent 2 ateliers (l’un bois et métal, l’autre peinture, tissus, vernis) et un plateau de répétition, ce qui leur permet d’accueillir d’autres marionnettistes en résidence. Ils ont tout élaboré eux-mêmes, inventant également certaines de leurs machines pour fabriquer leurs comédiens, à savoir les marionnettes. Ces dernières sont donc faites sur place, avec beaucoup de matériel de récupération. « On s’appuie aussi sur les voisins. Il y a par exemple un vigneron qui a un appareil à découpe laser. Il y a des échanges, de l’entraide avec les autres artistes qui gravitent autour de nous ».
Le D est celui de système D. Il s’applique à la fois aux aspects artisanal et artistique de leur pratique. « On fait tout nous-mêmes de la fabrication des marionnettes à la représentation en passant par la création et la mise en scène ». Leur catalogue comprend une douzaine de spectacles, à géométrie variable, du solo à la création commune comme la dernière, L’Appel sauvage. Stylistiquement, ils utilisent tout type de marionnettes, en fonction du spectacle : à gaine, à fils, portée ou d’ombre, abordant également le théâtre d’objets. Etre ouvert aux possibilités explique qu’ils aient préféré s’organiser en collectif plutôt qu’en compagnie. « Nous n’avons pas seulement en commun la même formation. Nous partageons les mêmes idées sur le fonctionnement souple et sans hiérarchie du collectif, sur la mutualisation des connaissances et compétences. On se retrouve également des points de vue politique et artistique ». Ensemble, ils développent une certaine idée de la marionnette. « On ne fait pas que du divertissement, le propos est important. De manière générale, on fait de la manipulation à vue. On met en scène le fait que l’on met en scène. » Ils ont une prédilection pour le spectacle de rue qui propose un rapport plus direct au public. Alors que les arts de la marionnette se pratiquent partout dans le monde et depuis la nuit des temps, ils espèrent participer à mieux « faire reconnaître et rendre visible leur discipline ».
S.P.
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