Banlieue nord (1989)
Entre chanson et rock, Manset est difficile à situer tant son univers est particulier. Mais le curseur penche beaucoup plus vers le deuxième terme, à l’image de ce titre. Comme souvent, Manset sort des sons rock de ses guitares et, même s’il n’a jamais chanté en anglais, montre qu’il est l’un des rares à avoir su adapter la langue française à ces sonorités. Instruments et voix ont la même importance et les guitares ponctuent et relancent l’un des meilleurs textes de l’auteur. On note sur le refrain des intonations typiques de la manière Manset. On note aussi une association guitares et claviers qui rappelle le Bob Seger de 1980, artiste que l’on cite simplement parce qu’il est apprécié de Manset. Il en avait déjà fait usage réussi en 1981 avec
« Le Train du soir ».
Que deviens-tu ? (1984)
Sans être lugubre, le répertoire Manset n’est pas le plus joyeux qui soit. Les tonalités dominantes vont vers la nostalgie et la mélancolie. Cela étant, en 1984, l’album
Lumières n’était pas loin d’être un chef d’œuvre. Peut-être aurait-il suffi de remplacer la boîte à rythmes par un batteur.
Il voyage en solitaire (1975)
Si Manset s’est approché au plus près d’un tube, c’est avec ce titre voix-piano dont la fragilité (jusque dans les fausses notes conservées) évoque le Neil Young de « After the gold rush » ou le Lennon de « Imagine ». Associées à une pochette le montrant de dos marcher sur un quai de gare, les paroles paraissent fortement autobiographiques, d'autant qu'il est question d'un chanteur. Les voyages, la solitude font partie des fondamentaux de l’univers Manset.
Matrice (1989)
De l’(in)utilité de vivre ?
« Matrice qui m’a fait / mal, le mal est fait ». La guitare résolument incandescente fait écho à des paroles peu enchantées par la condition humaine (
« l’éternelle douleur de la vallée des pleurs »). Le falsetto au bord de la rupture (une marque de fabrique) de
« plus tu vas vers l’infini, plus tu sais que c’est fini » en dit également assez. Le titre donne son nom à ce qui est peut-être son plus bel album et somme toute l’un des plus réussis de la scène française. Avec cette conception, «
Revivre » (1991), chanson qui donne son nom à la pièce de Léopoldine Hummel et Maxime Kerzanet, prend tout son sens : on voudrait revivre mais cela vaut-il la peine ?
Tristes tropiques (1991)
Les lointains exotiques font partie des thématiques favorites du chanteur. L’Amazonie en particulier est lieu de l’état de nature fantasmé, opposé au monde occidental moderne.
« Comme il faut finir un jour quelque part, nous irons nous tapir dans un de ces lagons épargnés de l’histoire, où le sable est maison et le vent musique » - écho aux
« murs, de sable, murs de vent » de « Que deviens-tu ? ». Ce thème plutôt banal l’inspire cependant avec réussite à plusieurs reprises : «
Ô Amazonie » (2008), «
Territoire de l’Inini » (1991).
Finir pêcheur (1984)
En cohérence avec ce qui précède, l’idéal ascétique fait partie des récurrences de Manset. Il place sur ce titre un petit repère autobiographique :
« le matin me lever, pas connu, pas guetté, parce que ça fait mal à l’homme, la célébrité ». C’est un manifeste de conduite : vivre de peu, apprendre à se taire grandissent l’homme. Sur le même album, le chanteur insistait avec «
Un jour être pauvre ». Auaparavant, dans «
Le masque sur le mur » (1981), il avait chanté
« il a tout vendu, tout donné » sur un air de reggae guilleret.
Prisonnier de l’inutile (1985)
Le titre pourrait être celui de nombreuses chansons de Manset. La condition de l'homme est l’un de ses thèmes favoris, chanté ici sur un ton relativement serein, tandis qu’un gimmick au clavier atténue ponctuellement le message des guitare, basse, batterie indiquant que la vie est un fleuve monotone. Sur l’album de 1985, le titre est suivi d’une autre mélopée immobile, «
Et l’or de leurs corps ». Musicalement, il est assez coutumier de ce genre de titre, indiquant par exemple à propos des 14 minutes de «
2870 » :
« j’ai voulu faire un truc qui ne bouge pas » (1). Comme la permanence de la condition d’exister, sur laquelle il est encore revenu avec "bonheur" (musical) en 2008 et «
Genre humain ». Dans cette veine, il y a surtout «
Lumières » (1985). Titre singulier où une phrase de clavier est accompagnée pendant 11 minutes d’une boîte à rythme et d’une guitare qui avance de manière répétitive et inexorable, avant un solo carrément floydien.
Deux voiles blanches (1985)
Le thème musical fait écho à celui de « Que deviens-tu ? », décidément chanson clé de l’œuvre de Gérard Manset. L’écriture pose l’ambiance :
« et l’aube amène la pluie, la brume / dans l’eau du port brille la lune / un sac posé sur une dune / et dans les tasses le café fume ».
Le chant du cygne (1991)
Là encore, l’écriture plante le décor en deux phrases.
« Monte dans l’air du soir comme une mélodie / Un parfum d’encensoir, un paradis ». Chanson en vol suspendu à rapprocher de la veine des
« trucs qui ne bougent pas » (1).
Royaume de Siam (1979)
La quête du bonheur passe par l’Asie :
« celui qui voit le monde par tes yeux, celui-là peut-être il peut être heureux ». Dans ses entretiens, Manset raconte ses besoins réguliers de tout quitter pour aller
« là-bas où l’on meurt plus jeune mais où l’on vit son temps normalement » (1), c’est-à-dire sans les obligations et profusions de la société de consommation. En musique comme dans la vie, il est revenu plusieurs fois vers ces «
Ailleurs » (1976). Fasciné par l’exotisme parfois romantisé de l’Amazonie, des îles, des Proche et Extrême Orients, mais aussi par les aventuriers explorateurs de ces mondes à l’exemple de Henry de Monfreid dont il est question dans «
La Mer Rouge » (1982) ou de ses albums de 2016 et 2018 (
Opération Aphrodite, A bord du Blossom), ses moins réussis. On peut leur préférer «
Vahiné ma sœur » (1998), «
Les Îles de la Sonde » (1981), «
Capitaine courageux » (1991).
Paradis (1994)
Un titre qui aurait gagné à être mieux produit, mais ce défaut ne suffit pas à édulcorer sa force. Manset mêle douleur et rage et signe un autre texte dont il a le secret sur la condition humaine. Comme sur « Matrice », la guitare appuie de stridences et d’accords tordus là où ça fait mal.
C’est un parc (1975)
L’inverse positif du titre précédent. S’agit-il d’un paradis perdu ou de la terre qui court à sa perte ? La voix est sereine, l’ambiance pastorale. Chevaux sauvages, loup, chien, rat : l’animal est l’un des thèmes récurrents de son écriture, dont il se sert régulièrement comme élément de réalité ou de métaphore.
Filles des jardins (1989)
L’album
Matrice a décidément tout d’un trésor oublié. Pour une fois, ces filles des jardins ravivent des souvenirs plus joyeux que regrettables – du moins ce que suggèrent mélodie et chant plutôt heureux.
Est-ce ainsi que les hommes meurent ? (1985)
Manset a peu souvent avoué son admiration pour un chanteur français. Léo Ferré en fait partie, plus par sa posture artistique que pour son style. Il y fait néanmoins référence explicite avec ce titre.
Demain il fera nuit (2004)
Un texte habité, des images sombres de l’avenir, emportés par une musique qui évoque l’inexorabilité de ce qui s’annonce.
Rimbaud plus ne sera (2015)
L’une de ses dernières grandes chansons au style typique. Un aveu d’impuissance aquoiboniste renforcé par l'élision bizarre du [ j' ] (
« pourquoi veux-tu que moi aille changer le monde ? »), un falsetto désabusé : le monde n’est plus à la poésie, l’amour se résume à une fuite poignante dans la nuit.
Rien à raconter (1976)
A propos de ce titre, Manset racontait lui-même un jour où il se situe, dans un entre-deux entre chanson française et rock anglo-saxon, évoquant
« l’intro très british » et la mélodie un peu facile (1).
Et aussi :
Attends que le temps te vide (1975)
Amis (1978)
Le jour où tu voudras partir (1979)
L’enfant qui vole (1982)
La route de terre (1982)
La terre endormie (1994)
Le pays de la liberté (2008)
Le fils du roi (2018)
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