Le visiteur est accueilli par un chiffre qui augmente à toute vitesse, celui du nombre de photographies prises dans le monde depuis le début de l’année. Fin octobre, on était à 1500 milliards ! C’est juste une évaluation, mais elle montre à quel point la photo est entrée dans la vie de tout le monde. Un chiffre vertigineux si l’on songe que le tout premier est apparu comme un miracle en 1827. Il s’agit du « Point de vue du Gras » que Nicéphore Niépce a réalisé chez lui à côté de Chalon-sur-Saône.
L’idée de reproduire la réalité est tellement intégrée que la salle d’accueil du musée Nicéphore Niépce interroge : « Tous photographes ? » Et tous sujets puisque « le principal sujet de la photographie, c’est nous » rappelle Laurent Vallon responsable adjoint du service des publics des musées municipaux à Chalon-sur-Saône. Une réalité encore accentuée avec les smartphones. En 2024, l’immense majorité de ces clichés sont réalisés par ce biais. « Désormais, les jeunes ont tous une pratique plus ou moins intuitive, même très petits, sans trop se poser de question sur le regard ou la perception de l’image. Ça fait partie de leur univers, mais la plupart n’a jamais manipulé d’appareil photo ».
Le site internet du musée rappelle cette notion conjointe : photographier est devenu tellement normal, facile et universel que « la photographie souffre d’un principe d’évidence ». « La banalité tend à dissimuler la complexité. La photographie est un phénomène opaque qui ne peut s’aborder que dans ses multiples enjeux : technique, sociologique, industriel, anthropologique, historique et artistique ». Pour rendre compte le musée entend aborder tous ces points de vue. Au fil de la déambulation dans une dizaine de salles d’expo dans les 1300 m² de l’ancien Hôtel des messageries royales, on voyage des origines au numérique, on découvre les étapes de l’invention et les pionniers du XIXe siècle (Daguerre, Talbot, Eastman...), les apports successifs comme ceux de la couleur ou des effets, l’évolution du matériel (le plus ancien de Niépce est au musée, de même que l’équivalent de celui qui a servi sur la Lune en 1969) et des supports.
Des dispositifs immersifs permettent d’expliquer comment fonctionne « ce principe d’évidence ». Le musée propose un important volet pédagogique, la photo se prêtant naturellement à la manipulation. Elle permet de comprendre plus facilement comment fonctionne une prise de vue ou comment les couleurs sont décomposées et recomposées « car une photo est toujours en noir et blanc » ! Ou encore d'où vient la fameuse teinte sépia...
Dans une salle qu’il est possible d’occulter entièrement, on est même à l’intérieur de l’appareil photo pour vivre la formation de l’image par la lumière et son enregistrement. « Une animation très demandée, car très parlante » note Laurent Vallon. Si 70 % des 30000 visiteurs annuels sont des particuliers, le musée a mis en place de nombreuses propositions d’animations, d’ateliers à la journée voire de stages s’adressant à tous les niveaux, de la maternelle au postbac. « Beaucoup d’ateliers se font avec des exercices en extérieur et sont toujours basés sur la découverte d’images de la collection. On a par exemple des exercices de photoreportage, de photos du point de vue d’un animal, de prises de vue basées sur les formes, les lignes et la géométrie, de table lumineuse… On fait de l’argentique et du laboratoire pour mieux faire comprendre comment ça marche ». Les particuliers peuvent eux aussi avoir accès à ces explications pédagogiques, via des visites commentées globales ou thématiques. L’ensemble de ces animations varie chaque année mais sont toujours orientées vers l’analyse et la compréhension des images. « Depuis 2011, on a mis en place un parcours photo pour les élèves du CP à la 3e avec l’école Jean Lurçat et le collège Doisneau et c’est unique en France. On travaille également avec le CFA et l’école d’art de Chalon ».
Au coeur du musée et de ses activités, les photos. La collection du musée en compte 4 millions – ainsi que 20 000 objets et appareils photo et 30 000 livres. Un aperçu si l’on considère qu’il y en a autant de prises toutes les 1,5 mn. Mais cet aperçu fait le tour de l’utilisation des images. Elles sont de toutes sortes : venant de pros ou d’amateurs, artistiques ou de reportage, de famille ou scientifique…. Evidemment, une très petite partie est visible dans les présentations permanentes - le musée propose également 6 expos temporaires chaque année (1), mais au milieu de la salle principale, une table tactile et un écran géant permet de circuler à travers un choix de 25 000 images accompagnées d’explications.
S.P.
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