Gliz fait du rock sans guitare, ni basse. Peu importe, ça sonne ! Le propos reste celui du rock entre rage, énergie et sensibilité. Le deuxième album,
Mass, qui sort le 18 novembre, ne pâtit pas de l’absence de ces instruments emblématiques. Au contraire, le son de basse tenu par le tuba se marie parfaitement à l’ambiance sombre de
Mass (la chanson), assure la course ventre à terre de
Totem ou le martèlement angoissant de
Behind the trees, en leur donnant des allures parfois "cinématographiques". Le son caractéristique du banjo permet d’ajouter ses accords mélancoliques, ceux de
Not the end ou
All is fine, à des sonorités plus typiquement rock comme sur
Totem.
Pour l’anecdote, malgré ce line-up original, les membres du groupe ont entendu à leur propos une liste de références très éclectiques. Preuve qu’ils ne ressemblent à personne, tout en s’inscrivant dans un univers connu.
« On écoute et on fait du rock au sens large » résume Florent Tissot (chant, banjo).
« Moi c’est plutôt l’école Beatles et lui Led Zep » complète Thomas Sabarly (tuba, orgue Farfisa, chœurs). Ils ont lancé le groupe en 2004 avec le batteur Julien Michel, remplacé récemment par Julien Huet, qui vient plutôt du jazz. «
Gliz, c’est vraiment un univers rock et j’ai dû m’y adapter, au début avec des antisèches relate ce dernier.
On se dit, c’est plus simple que le jazz, mais en fait c’est faussement simple ! Mais j’aime beaucoup, c’est un autre délire ».
Power trio
D’où vient le délire ?
« J’étais guitariste dans un groupe de rock raconte Florent
et à un moment j’en ai eu marre de la sempiternelle gratte. Un jour, j’ai cassé une corde, puis deux, j’ai continué à 4 cordes et ça sonnait. Alors j’ai poursuivi avec un banjo trouvé dans une brocante et ça m’a ouvert plus de trucs. » Pour former le groupe, le Jurassien tenait à se recentrer sur une formule power trio.
« Le power trio, ça dit plein de trucs, c’est la liberté et l’énergie. Mais le postulat de base, c’était : faire du rock autrement ! » Thomas, qui jouait plutôt dans le domaine de la fanfare balkanique, ajoute :
« Avec ce format et ces instruments, on peut se permettre beaucoup de choses qui autrement passeraient moins bien, on peut faire des choses pop sans trop aller dans le sucré ». Autre postulat de départ : l’anglais.
« C’est naturel, la pop et le rock, c’est en anglais et je pense que mon type de voix ne colle pas au français » indique Florent
« Cela dit, on a essayé, ça ne va pas. Je n’aime pas ce que ça donne. Trop "variétés" ».
Sur ces bases, les débuts ont été prometteurs avec l’appui de dispositifs d’aides locaux, de nombreux concerts dans la région, un 1er EP, avant un long moment de galères, une relance avec un 1er album en 2019 (
Cydalima) et une tournée avortée par la Covid. Entretemps, ils ont intégré le abel mâconnais
Youz, dont ils se félicitent de l'appui et de l'accompagnement précieux.
Mass
La période du confinement fut finalement un moment à profit :
« J’en suis sorti avec une soixantaine d’idées de chansons dit Florent.
On en a choisi une trentaine, d’où sont issues les 10 de l’album ». Ce matériel leur a permis de peaufiner l’unité de
Mass et même de lui donner une ligne directrice à travers l’animal-totem éponyme, sorte de bête à fourrure mystérieuse, symbolique d’une nature à l’opposé du monde moderne.
L’album et même l’idée du groupe sont tendus sur une corde entre modernité et racines (le banjo vient de loin), mélancolie et bonheur, technologie et nature, introspection et univers…
« On est sur une crête assure Florent,
un équilibre, y compris entre la mélancolie de certaines chansons et ce qu’on veut faire sur scène, plus joyeux ».
Cette ambivalence se retrouve dès le premier titre de l’album.
Not the end débute par les accords mélancoliques du banjo, suivi d’un cri du cœur plaintif :
« Everybody tells me this is the end / Everybody wants me to hear the call ». Au bout de 56 secondes, la batterie lance le refrain :
« This is not the end ». Paradoxalement, c’est donc la négation "not" qui rend le texte positif. Car il est ici question d’écologie, de crise climatique mais aussi de son corollaire, la surenchère médiatique anxiogène. Le texte veut espérer, dire "mais non, ce n’est pas la fin". Ou peut-être, ne vaut-il pas mieux, de temps en temps, écouter les oiseaux qui chantent plutôt que les corbeaux ?
Evidemment, il s’agit aussi d’introspection comme sur le poignant
Shadow qui conclut l’album sur des questions métaphysiques. Pour accompagner le disque, cet automne, le groupe prépare une série de clips qui racontent une expédition à la recherche de Mass. Une quête de l’animal-totem, à la fois quête de sens et quête de soi.
S.P.
Commentaires
Afin de poster un commentaire, identifiez-vous.