Mars 2021. Lucas Baudot déjeune chez lui avec une amie et imite, pour rire, une serveuse. Hilare, son amie lui propose de rejouer la scène, de le filmer et de diffuser le tout sur TikTok, la plateforme chinoise de partage de vidéos. « Je n’utilisais pas cette application que je trouvais sans intérêt, mais j’ai accepté », rembobine le jeune homme. Quelques heures plus tard, le contenu cumule déjà des milliers de vues. « Un truc de dingue ! » Lucas se dit qu’il y a un coup à jouer. Il publie alors d’autres vidéos dans le même goût, dans lesquelles il caricature tour à tour différents corps de métiers : une caissière, une vendeuse, une professeure…
Deux ans et demi plus tard, il vit de l’humour sur TikTok. « Je n’avais rien prévu de tout ça », souligne celui qui s’est fait connaître sous le nom de Lucas Humoriste. Un succès qui a un goût de revanche. Car faire de l’humour son métier, il en rêvait depuis l’enfance.
Du théâtre pendant l’adolescence
Enfant, celui qui grandit dans un village près de Chalon-sur-Saône, s’amuse à faire des mini-spectacles devant sa famille, perruques sur la tête et maquillage sur le visage. Au collège, il fait ses gammes au club théâtre. « Je me sentais à l’aise, c’était un peu mon exutoire », glisse-t-il. En parallèle, il se nourrit de vidéos de sketches de Muriel Robin, des Bodin’s, de Mado la Niçoise… « J’adorais les personnages hauts en couleur, le burlesque. » Pendant ses années lycée, c’est au club d’improvisation théâtrale qu’il s’épanouit.
Quand vient le moment de choisir son orientation en terminale, l’adolescent opte pour une licence en sociologie, dans l’optique de devenir professeur des écoles. Mais au fond de lui, il caresse une autre ambition : devenir humoriste. « J’en ai très vite été dissuadé, parce que quand je disais que je voulais faire cela, on me répondait que ce n’était pas un vrai métier. »
Direction donc la fac de Dijon, où Lucas déchante. « Je trouvais l'atmosphère très individualiste. Le contenu des cours était intéressant, mais je ne voyais pas le rapport avec le métier de professeur des écoles. » Il abandonne au cours du second semestre. C’est dans le même temps que son compte TikTok décolle. Très vite, il signe un contrat avec une agence d’influence et commence à faire des partenariats rémunérés avec des marques.
Incarner plus de 150 personnages
Malgré ce succès fulgurant, le jeune homme garde la tête froide. « Je me suis dit que tout pouvait s’arrêter en un claquement de doigt et qu’il fallait que j’assure mes arrières », résume-t-il. Alors, il entreprend une formation de sophrologie, technique psychocorporelle qui vise à favoriser le bien-être des personnes qui consultent. Pas question de faire une croix sur TikTok pour autant. En parallèle à ses études, le Bourguignon continue à sortir des vidéos.
Sa formation terminée en novembre 2022, Lucas ouvre quelques mois plus tard son cabinet de sophrologie à Chalon-sur-Saône. Aujourd’hui, il jongle entre ses consultations sur place et en visio et ses tournages depuis son domicile. L’humour reste l’activité qui occupe la majeure partie de son temps, et sa plus grosse source de revenus. Des revenus qui lui sont versés pour partie par TikTok grâce aux vues qu’il cumule, mais surtout par les marques avec lesquelles il noue des partenariats. « Je me limite à deux partenariats par mois pour que ce ne soit pas envahissant, précise-t-il. Je préfère renoncer à des rentrées d’argent plutôt que de perdre ma crédibilité. »
A l’écran, il incarne plus de 150 personnages « du quotidien », inspirés des gens qu’il croise. Durée de travail pour chaque pastille vidéo : moins d’une heure et demie, tournage et montages compris. « Je me filme de manière spontanée, sans avoir écrit ou appris un texte, juste en ayant couché sur papier quelques idées. » En moyenne, il publie trois vidéos d’une minute par semaine, autour d’un même personnage. Une sorte de feuilleton, pensé pour tenir en haleine son audience. Du contenu qu’il veut « familial ».
« Ado, j’ai dû faire face à du harcèlement »
Au vu de son succès en ligne, ne veut-il pas se produire sur scène ? Ce n’est pas une fin en soi, assure-t-il. Jusqu’alors, le jeune homme a donné deux spectacles en ligne, pour lesquels « plus de 2500 tickets ont été vendus au total, entre 15 et 20 euros l’unité ». Il en prépare un troisième, « avec cette fois-ci un gros investissement financier », dans lequel il caricaturera les mamans. Sortie prévue le 13 janvier.
Dans un coin de sa tête aussi, l’idée de faire du cinéma. N’aurait-il pas plus d’opportunités à Paris ? Qu’importe, c’est sur ses terres natales qu’il se projette, près de ses amis et de sa famille. « J’aime tellement ma campagne », sourit-il. En attendant, Lucas savoure sa chance de « travailler sans en avoir l’impression » en vivant de sa passion. Et d’ajouter : « Ado, j’ai dû faire face à du harcèlement, notamment parce que j’étais sensible et maniéré. Aujourd’hui, même ceux qui se moquaient de moi me regardent. »
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