Un vélo, 2 sacoches contenant des vêtements et une tente, voilà tout ce qu’il faut pour rallier l’Argentine à l’Equateur au terme d’un périple de 5000 km. C’est ce qu’a accompli Matteo Soueï, entre février et août 2024. Sur son chemin, entre autres difficultés, le rude désert de l’Atacama et le volcan Uturuncu qui l’a amené à 5800 m d’altitude.
« A plus de 5000 m, chaque coup de pédale était une victoire. J’étais dans le froid, le manque d’oxygène, les émanations de soufre sur un terrain extrêmement accidenté ». En mode survivaliste, il emmène un minimum de matériel (environ 42 kg, variable selon les quantités d’eau et de nourriture qu’il doit prévoir) sur un vélo monté pièce par pièce à partir d’un cadre élaboré avec l’aide d’un designer et de Besançon services cycles, afin d’aller sur tous types de terrains. Pour son expédition, l’étudiant ingénieur de mécatronique à Supmicrotech à Besançon a pris un semestre de césure. La Fondation Sumicrotech l’a d’ailleurs soutenu dans ce projet.
« J’adore la nature. Je suis allé en Amérique latine pour la montagne et le désert. Je recherche des endroits reculés, me permettant de rencontrer des cultures différentes. Mon père et ma mère voyageaient beaucoup, donc je suis né dans un environnement propice. J’ai toujours été curieux de voir ce qui se passe à côté. Cela permet de prendre du recul par rapport à notre vie ici. J’ai quand même vu une yourte se faire pulvériser dans une tempête. Au Kirghizistan, j’ai côtoyé la pauvreté extrême et en rentrant je n’entendais parler que des punaises de lit. En France on ne se pose plus la question de savoir où trouver de l’eau. Pour moi, le choc est plus violent au retour ! »
A 23 ans, Matteo n’en est pas à son coup d’essai. Il est déjà parti 2 semaines dans le sud, 2 semaines en Ecosse avant de traverser la chaîne du Tian Shan au Kirghizistan en 2023. A chaque fois, il acquière un peu plus d’expérience.
« On apprend de ses erreurs. En Ecosse, suite à une crevaison, je n’en pouvais plus, j’étais à deux doigts de reprendre l’avion ! Mais je n’avais qu’un gravel, pas assez de connaissances pratiques, une mauvaise appréhension du terrain. Après ça on s’améliore, on accumule de l’expérience en se confrontant aux problèmes. C’est la même chose sur le plan psychologique. Au Kirghizistan aussi j’ai eu un coup de moins bien, je ne mangeais que des amandes séchés, je me sentais faible et j’étais dans une succession d’intempéries. Il n’y avait plus de plaisir et j’ai vraiment eu peur de ne pas me réveiller ! Mais après une baisse de motivation, à un moment, on retrouve de l’énergie ou alors il y a des rencontres qui reboostent. Et au fur et à mesure, la robustesse évolue ».
Expérimenter le très grand froid
Loin de l’arrêter, ces premières difficultés l’ont aidé à en surmonter d’autres.
« En Argentine, j’ai eu des vents à plus de 100 km/h et parfois je pédalais la nuit avant qu’il arrive. Une journée, j’ai pédalé sous une douche continue, je n’avais jamais vu autant d’eau de ma vie ! J’ai eu aussi un air hyper sec avec un vent qui te brûle la gorge ».
Ses prochains projets : le Pakistan, où il veut rejoindre l’un des villages les plus élevés du pays et plus tard, la Sibérie pour expérimenter le milieu polaire.
« Le voyage de cette année m’a ouvert l’appétit pour des trucs plus durs ! La Sibérie demande beaucoup de techniques de survie à apprendre. Le grand froid, c’est peut-être le pire sur terre, le plus dangereux. Il faut faire attention à beaucoup de choses. »
A côté de l’envie d’aventure, les rencontres humaines sont une autre source de motivation
« Dans mes voyages précédents, j’ai rencontré des gens super accueillants. Le vélo aide, il instaure une proximité ou un étonnement et les gens viennent spontanément parler, c’est cool. Ils savent que c’est difficile et ont un certain respect pour ça. Certains m’invitent même chez eux. D’ailleurs pour dormir, je ne prévois pas trop : c’est parfois en tente, parfois chez l’habitant, voire à l’hôtel quand je sens que j’ai besoin de vraiment me reposer ». Le reste est soigneusement planifié.
« Je prépare quasiment au km près notamment avec backpacking.com, en cherchant des itinéraires un peu perdus, en regardant les points de ressource en eau et les endroits où je peux me poser et j’emmène un téléphone satellite. Je me prépare également physiquement, en allant à la salle, et psychologiquement. Une préparation minutieuse est nécessaire, surtout quand on est seul. C’est parfois limite alors il faut bien connaître ses capacités. En Amérique du sud, j’ai quasiment fait tout ce que j’avais prévu. Il y a juste une tempête de neige qui m’a obligé à modifier mon plan ». Pour aller au Pakistan, il commence même à apprendre l’ourdou.
« Je ne me suis jamais senti en insécurité par rapport aux populations locales précise-t-il
; j’ai rencontré beaucoup plus de problèmes avec la nature ! Mais là encore, je me renseigne bien et le Canada fait d’ailleurs beaucoup de choses pour prévenir. Sur place, c’est une question de bon sens, il y a des réflexes de voyage à prendre ».
Egalement amateur d’audiovisuel, Matteo ramène photos et
vidéos de ces voyages
« pour les faire vivre et casser les stéréotypes sur des pays qu’on ne connaît pas ». Dans la balance, les aspects positifs l’emportent largement.
« Quand je me réveille, ma vie tourne autour du voyage à vélo ! C’est ce qui me rend heureux et j’ai même en tête d’essayer de me professionnaliser. De toute façon, j’aime aussi beaucoup mes études de robotique et de ce point de vue, la formation d’ingénieur est une sécurité ».
S.P.
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