Pourquoi consacrer un livre à Paul Weller ?
A titre personnel, c’est un artiste que je suis depuis une trentaine d’années. C’est l’un des rares de sa génération qui continue à sortir des albums sans capitaliser sur ses acquis. Il y a également une énorme différence de perception de son œuvre entre l’Angleterre et la France. Là-bas, il est considéré comme une légende vivante. Ici, il est assez méconnu ou alors seulement comme leader des Jam, son premier groupe. Avec ce livre, j’ai voulu montrer la place qu’il occupe dans l’histoire et l’évolution de la musique britannique. Si les Jam ont débuté dans la mouvance punk, Paul Weller s’en est rapidement démarqué pour aborder, au fil de sa carrière, de nombreux autres genres. Suivre son parcours permet d’avoir une lecture des quatre dernières décennies de la musique pop. Et même au-delà tant les ramifications sont nombreuses. Ce n’est pas une biographie : c’est plus l’œuvre que l’homme qui m’intéresse et je n’évoque sa vie que lorsqu’elle a une incidence sur sa musique.
Saurais-tu dire quand et où tu as entendu parler de lui la première fois ?
Oui, en 1989 chez des amis à Aix-en-Provence. Ils avaient un groupe dont l’inspiration était un mélange Who, Jam, Buzzcocks, une musique qui me parlait. C’est comme ça que je l’ai découvert et par la suite il m’a servi de fil conducteur. Il me fait penser, dans un autre domaine, à François Truffaut : c’est un passeur qui a toujours cité ses sources. Je serais moins allé vers certains domaines sans ce fil conducteur.
Cet aspect peut le rendre comparable à David Bowie ?
Chez Bowie, ce côté passeur est plus contracté dans le temps. Il y aurait plus de correspondances avec quelqu’un comme Damon Albarn qui a abordé différents aspects musicaux avec Blur, Gorillaz, the Good, the Bad & the Queen, qui a travaillé avec des musiciens africains.
Et pourquoi en livre ? Le support n’est pas si évident actuellement.
C’est sûr que les livres sur la musique ne représentent pas le secteur le plus vendeur ! Néanmoins, j’ai toujours trouvé étrange qu’il n’y ait pas de livre en français sur lui. Comme j’écris sur la musique depuis longtemps, pour moi, cela m’a paru évident. L’idée m’a toujours trotté dans un coin de la tête et quand j’ai décidé de m’y mettre, la rédaction m’a pris moins d’un an. Je l’ai proposé au Camion blanc ; ils ont été partants pour le publier après avoir lu deux chapitres.
La volonté de retracer son parcours dans l’ordre chronologique a été immédiate ?
Oui, je voulais vraiment que ça raconte une histoire, une évolution. Et je voulais surtout qu’il ne soit pas uniquement question de Weller pour que même quelqu’un qui n’est pas fan puisse suivre les évolutions de la musique à travers lui.
Tu accordes de l’importance aux paroles, auxquelles ne sont pas toujours attentifs les amateurs de musiques actuelles.
Le texte est parfois fondamental et c’est le cas chez Paul Weller. Dès ses débuts, il parle de Thatcher, de la grève des mineurs. C’est un vrai parolier, une sorte de chroniqueur de la société anglaise, connecté socialement. Un peu ce qu’est Ken Loach dans le cinéma.
Peut-il intéresser le public français et en particulier les jeunes ?
Cela peut parler à tous ceux qui s’intéressent à la musique, justement en raison de son parcours qui permet une approche documentaire. Je n’ai pas écrit en tant que fan. Paul Weller, comme tout artiste, a des failles, fait des essais et des erreurs. Certains aspects passent difficilement l’épreuve du temps comme ça peut être le cas pour Style Council, au son typique des années 80. Mais cela reste intéressant parce que certains choix tels que l’utilisation des synthés collaient à ce qui se passait à l’époque et annonçaient une évolution vers l’electropop. En ce qui concerne les jeunes, il y a des notions comme la période punk qui leur parlent peut-être peu, mais d’autres sont encore d’actualité : les influences de la musique afro-américaine, Damon Albarn, Noel Gallagher… Paul Weller a aussi un parcours de création qui peut intéresser les musiciens, avec des aspects parlants, même s’il a débuté à une autre époque : son immersion totale très jeune dans la musique, sa volonté de devenir musicien et d’y aller à fond.
Quel album de Paul Weller conseillerais-tu à ceux qui ne connaissent pas ?
Peut-être Wake up the nation, qui date de 2010. C’est une bonne porte d’entrée.
Recueili par S.P.
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