novembre 2020

« Le biathlon, aujourd’hui, c’est toute ma vie ! »

Vice-champion du monde juniors à 20 ans, champion du monde de relais mixte à 24, vainqueur en Coupe du monde à 26, 3e mondial à 27, Quentin Fillon Maillet a coché énormément de cases, mais cela ne lui suffit pas. Un champion regarde toujours devant et plus haut. Devenu figure de proue de l’équipe de France suite au départ en retraite de l’immense Martin Fourcade, le Champagnolais, serein et motivé, nous parle de son parcours, son environnement quotidien et ses espoirs, à la fin de cette année 2020 extraordinaire, au premier sens du terme.
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La situation sanitaire actuelle
Quasiment tous les sports professionnels ont pu repartir, mais on n’a pas de certitudes. On n’a pas d’informations particulières donc pas de nouvelles, bonnes nouvelles... On est beaucoup testés donc j’espère qu’on pourra tous courir. La saison pourrait être hachée, il faudra être fort mentalement.

Le parcours pour en arriver là
Je suis né et je vis toujours dans le Jura. Je suis issu d’une famille sportive, qui m’a poussé à pratiquer des activités extérieures. Le territoire s’y prête. J’ai chaussé les skis à 4 ans et je me suis découvert une passion pour les sports d’endurance. Je me suis vite pris au jeu dès les premières compétitions et avec quelques résultats, dans un premier temps en ski de fond, puis par la suite en biathlon. J’ai eu une vraie envie de faire carrière vers 15-16 ans.

La préparation
En préparation, on ne fait pas que du ski-roue ou du ski avec du tir. On pratique beaucoup d’autres sports (course à pied, kayak, vélo…) qui viennent, en plus de la musculation, compléter notre entrainement. Je pratique aussi quelques sports collectifs et de raquette. De toute façon, le sport tiendra toujours un rôle majeur toute ma vie.

Les modèles
J’essaie de m’inspirer d’autres sportifs comme par exemple de Teddy Riner, qui est impressionnant : il a déjà tout gagné et à chaque fois, il continue à gagner ! Je regarde comment il aborde les compétitions. Martin Fourcade m’a inspiré aussi. Je le dis souvent, c’est le plus grand mauvais perdant que j’ai vu et cela l’a beaucoup aidé à gagner. J’essaie de copier certaines attitudes qui m’aideront à accrocher des victoires.

L’image
Les excès ne sont pas toujours bien vus dans le sport. Ceci dit, on a le droit de crier une fois la ligne d’arrivée franchie, de pleurer de joie sur un podium, mais pourquoi ne pourrait-on pas montrer sa colère ? A propos des deux événements inhabituels filmés par les caméras de télé la saison dernière (NDLR : la petite brouille avec Marin Fourcade à Hochfilzen, en Autriche, et les soucis de fartage à Nove Mesto, en République tchèque), je n’ai pas de regret : ces jours-là, j’étais énervé, c’est comme ça, personne ne m’en veut. Je souhaite continuer à montrer mes émotions, bonnes ou mauvaises, cela fait partie du sport. Je ne changerai pas forcément d’attitude.

La com
J’ai lancé ma web-série (1). L’idée, c’est d’aller un peu plus loin dans mon métier de sportif 2.0 ! Je ne cherche pas la notoriété à tout prix mais je veux en montrer plus. C’était une demande de pas mal de fans. Le public voit ce qui se passe sur les courses et sur nos réseaux sociaux, mais cela ne constitue pas une vie de sportif, ce n’est qu’une petite partie. Il y a des moments essentiels qu’on ne voit pas à la télé : ce qui se passe dans mon entraînement, la démarche mentale et physique, une partie de ma vie privée, qui je côtoie, qui m’aide à arriver à ce niveau… Le biathlon aujourd’hui, c’est toute ma vie, c’est très difficile de dissocier vie privée et biathlon.

La retraite de Martin Fourcade et le nouveau leadership
Martin a beaucoup apporté mais on a trouvé notre fonctionnement sans lui. On garde une équipe très forte, différente bien sûr. Les choses se font assez naturellement, chacun a trouvé sa place. Le groupe reste studieux. Tout le monde me voit maintenant comme le leader, mais je n’ai pas le tempérament de Martin qui peut parfois être dur à vivre. Etre leader, ce n’est pas forcément être chef, c’est aider les autres pour que les autres vous aident aussi. Je souhaite donner aux plus jeunes des raccourcis pour progresser. De toute manière, le vrai statut de leader, il sera décerné cet hiver en fonction des résultats.

L’équipe
La retraite de Martin Fourcade ouvre une place dans le relais, déjà. Mais on ne part pas dans l’inconnu. Cinq hommes ont fait leurs preuves, le 6e devra passer par des très bonnes courses individuelles pour intégrer le relais. L’équipe semble forte mais on verra. Globalement, on n’a pas à rougir face aux Norvégiens. Pour ma part, je n’ai pas prévu de faire des impasses, j’ai besoin de courir pour être en forme et l’enchaînement des compétitions ne me fait pas peur. Je ne veux pas dénigrer les courses par équipes, elles sont aussi importantes que les individuelles. Une médaille individuelle brille plus dans un palmarès, mais pour moi, faire une course par équipe, c’est partager beaucoup d’émotions, et j’ai envie de vivre ces moment-là.

Les espoirs pour la saison
Je me suis entraîné un peu plus, j’ai un nouveau canon, j’ai essayé de nouvelles choses car c’est le bon moment, un an avant les Jeux olympiques (NDLR : 4 au 20 février 2022 à Pékin), même s’il y a de vrais objectifs cette saison. J’ai travaillé mon point faible, la carabine, pour pouvoir me bagarrer à chaque fois pour la victoire. Le travail mental est aussi très important, pendant les courses mais aussi en dehors. L’approche mentale prend une part très importante dans le résultat.

Courir en France
L’épreuve du Grand-Bornand (Haute-Savoie) a été retirée du calendrier. On avait entendu des échos, c’est confirmé. Il y a beaucoup de tristesse car je m’étais régalé l’année dernière là-bas, c’est un beau site qui est apprécié de tous, avec énormément de ferveur. C’était une fierté de courir en France, même s’il y a des contraintes, plus d’attente et de plus sollicitations. Une course en Bourgogne-Franche-Comté ? J’aimerais bien… Mais ce n’est pas qu’une question d’envie, c’est une question d’infrastructures. Plein de choses peuvent être imaginées, je pense au site de Prémanon qui pourrait accueillir une Coupe du monde. Mais aujourd’hui je ne sais pas si c’est d’actualité.

Des conseils pour les jeunes
Il faut se rapprocher des sites d’entraînement, car on ne peut pas tirer à la carabine partout. Il y a une petite contrainte géographique. Il faut avoir une bonne condition physique, rentrer dans un club et apprendre à manier une carabine, ce n’est pas quelque chose d’anodin.

Recueilli par Christophe Bidal
 
En savoir plus
quentinfillonmaillet.com

(1) Regarder la série En ligne de mire

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