Au collège, Alice Cunchon songeait à devenir architecte d’intérieur. Et finalement, non, elle est revenue à l’agriculture, le métier de son père. «Pourtant je n’avais jamais été trop trop à la ferme ! Mais en réfléchissant, je ne me voyais pas dans un bureau, faire de la déco tous les jours. Je dessine toujours et je décorerai quand j’aurai ma maison, mais plus les années passent et plus je me rends compte que travailler avec la nature me plaît énormément».
Une décision d’orientation confortée par son parcours depuis la 3e : première de sa classe en bac pro gestion d’exploitation à la MFR d’Amange, mention bien à son BTS analyse et conduite de systèmes d'exploitation à Levier, poursuite d’études en licence pro responsable d’atelier de productions fromagères de terroir à l’Enil. «Dès que j’ai entamé ce cursus, ça m’a plu. J’ai vraiment appris plein de choses». Elle a également eu le temps de penser à son projet professionnel : «reprendre une exploitation, pas forcément familiale, faire de la vente directe à la ferme, plutôt en petite exploitation. J’imagine plutôt un élevage de chèvres laitières pour développer des choses qu’on ne voit pas souvent comme les yoghourts à boire. J’aime bien la vallée de la Loue mais si c’est ailleurs, ça ne me dérange pas. En tout cas, je veux avoir une ferme telle que je la conçois. J’aime être indépendante dans mes choix, faire les choses à mon idée. Mais je ne suis pas pressée. Peut-être que je commencerai par travailler en tant que salariée. Je n’ai pas envie de me précipiter, je préfère prendre le temps de réfléchir à ce que je vais faire et comment parce que le plus difficile sera de trouver une clientèle et la garder».
Au fil du temps, la confiance de son père et de ses oncles sur leur exploitation (culture et vaches laitières AOP comté) l’ont confortée, «alors qu’au début je pensais que ce serait trop dur de se lancer seule». Les études l’ont sécurisée sur les notions de gestion, comptabilité, administration. «On est également très sensibilisé à l’agriculture durable et l’agroécologie» souligne-t-elle.
"Pour une fille, pas évident
d'être prise au sérieux"
Elle reconnaît que le métier est parfois physique. Sur la ferme de son père, il y a des tâches qu’elle ne fait pas. Etre une jeune femme n’est pas toujours évident, mais elle en a fait un atout. «En bac pro, j’étais la seule fille et ça m’a forgée. J’ai conscience qu’en tant que femme on doit prouver deux fois plus. Un garçon, on trouve normal de le voir sur un tracteur. Nous, moins. Il faut faire abstraction des réflexions comme «les filles c’est à la cuisine et pas ailleurs» comme j’ai pu l’entendre en stage. Cela peut être décourageant. Quand on est une fille, être écoutée et prise au sérieux n’est pas évident. Il faut être déterminée à toujours prouver qu’on est capable. Au bout d’un moment, ça paye».
Le métier est prenant, «mais il y a des solutions comme le service de remplacement. Je sais qu’il faudra du temps pour moi, pour me poser, pour des vacances». Ces notions lui apparaissent moins préoccupantes que l’image de l’agriculture, très critiquée par rapport au bien-être animal et à la pollution. Raison qui l’a poussée à s’impliquer dans le syndicat des Jeunes agriculteurs. Un côté militant pour essayer de donner une autre image. «Certains exagèrent, mais ce n’est pas la majorité. Les gens voient surtout le négatif alors je pense qu’il est important de parler, de dire que nous aussi avons envie de protéger la planète. En tout cas, moi je n’ai rien à cacher, j’ai envie de rester ouverte à la discussion. Avec les gens du courant vegan ce n’est pas évident, mais je préfère quand même parler que s’insulter».
Stéphane Paris
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