Au Creps d'Île de France, à Châtenay-Malabry (Hauts-de-Seine), le calme détonne avec les rues alentours. Dans un parc de 18 hectares, de jeunes athlètes en tenue de sport se croisent. Parmi eux, Alizée Agier, 24 ans, survêtement Adidas noir et doré, se dirige vers le gymnase pour suivre l’un de ses deux entraînements quotidiens. Elle enfile son kimono, sa ceinture noire, et salue de deux tapes dans la main les jeunes de l'entraînement.
Alizée Agier foule les tatamis depuis dix-neuf ans. «Petite, j’assistais aux entraînements de karaté de mon grand-frère, se souvient-elle. C’était un exemple, je voulais faire comme lui» Elle commence à partir en compétition à l’étranger à l’âge de 11-12 ans et obtient sa ceinture noire à 14 ans. Elle quitte Semur-en-Auxois un an après, pour intégrer le pôle espoir de Talence (Aquitaine), puis celui de Montpellier, à 19 ans.
Athlète et diabétique
En parallèle à sa carrière sportive, la jeune femme pense à son avenir professionnel. «On ne peut pas vivre seulement du karaté, explique la Semuroise. Il me faut un métier, avec des horaires aménageables, pour continuer mes entraînements et les compétitions. Je voulais intégrer la police nationale, pour servir les gens, me sentir utile, ne pas avoir de routine. Et idéalement, intégrer un jour la Bac»
Elle passe sans difficulté les concours écrits et physiques, mais la visite médicale ne se déroule pas comme prévu. Car Alizée Agier a été diagnostiquée à 19 ans avec un diabète de type 1 (elle ne produit plus d’insuline). Elle se fait quotidiennement 4 à 5 injections d’insuline, dans le ventre, les cuisses ou les bras et vérifie régulièrement son taux de sucre. «Ce sont des gestes tellement naturels pour moi. Au quotidien, cela ne m'handicape pas du tout.» Le verdict du médecin tombe : elle est recalée car déclarée inapte physiquement à l’emploi de gardien de la paix de la police nationale. «Ca a été très dur. Je ne pensais pas que ça me ferait du tort car je gère bien mon diabète. C’est injuste et discriminatoire.» Depuis, elle travaille main dans la main avec la fédération française des diabétiques pour faire entendre sa voix et celle des autres diabétiques.
La jeune femme a donc revu ses plans de carrière et passé un BTS tourisme. D’ailleurs, elle a une idée dans un coin de la tête : partir, avec un sac à dos, faire le tour du monde. «Peut-être après ma carrière sportive. Je voyage souvent, j’ai beaucoup d’aperçus, mais j’aimerais prendre le temps de découvrir.»
Les JO en ligne de mire
Un an après son diagnostic de diabète, la karatéka a été sacrée championne du monde en 2014, dans la catégorie des seniors kumite -68 kg. Puis, championne du monde par équipe en 2016, et vice-championne d'Europe en 2017. Le titre dont elle est la plus fière ? «Celui de championne du monde, sourit-elle. A l’époque, c’était vraiment le Graal, car il n’y avait pas de karaté aux Jeux olympiques.»
Le karaté fera son entrée aux JO de Tokyo, en 2020. «On était soulagés, heureux de savoir qu'on pourrait peut-être un jour décrocher une médaille olympique, raconte-t-elle. C’est symbolique parce que le Japon est une terre de karaté. Et 2024 à Paris, ça le sera aussi !» Les qualifications pour 2020 ont commencé et chaque compétition compte. Prochaine échéance : l’Open de Paris en janvier, où l’athlète s’est déjà imposée ces deux dernières années.
Chloé Marriault
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