Ses études l'ont mené jusqu'à un BTS technico-commercial. Mais finalement c'est dans la ferronnerie d'art que Benoît Vuillemin a orienté sa vie active. Plus qu'un changement d'orientation, un retour aux sources puisqu'il a créé son entreprise en reprenant l'atelier de son père, une ancienne taillanderie (fabrique d'outils de coupe) à Grand'Combe Chateleu, près de Morteau. Connaissant la forge depuis l'enfance, les techniques de travail des métaux à chaud ont peu de secrets pour lui. « Ma famille exerçait cette profession depuis 7 générations. Devenu vraiment artisanal en 1860, l'atelier a duré jusqu'en 1998 lorsque mon père a pris sa retraite. C'était la dernière forge-taillanderie du Doubs. Mais il y avait de moins en moins de commandes et si mon père a tenu, c'est parce qu'il fabriquait aussi des manches d'outils ». Le métier de taillandier désormais classé au patrimoine, Benoît Vuillemin a donc préféré se tourner vers la ferronnerie d'art. C'est-à-dire la création et la production d'objets en fer forgé « dans un esprit de tradition allié à une recherche esthétique et contemporaine » : grilles, portails, rampes d'escaliers, objets décoratifs tels que lampes, appliques, lustres, tringles à rideaux voire tables, chaises et étagères...
A une époque où les projets de jeunes sont multimédias, le sien peut paraître obsolète. Mais il sait ce qu'il veut. Parmi ses motivations, celle de « faire revivre l'atelier familial et perpétuer les gestes immuables du métier de forgeron ». Il a longuement pensé à son projet, élaboré au contact de plusieurs professionnels. « En fait, relate-t-il, ce domaine m'a toujours plu mais je n'ambitionnais pas d'y travailler car c'est dur. Et puis après mon BTS je me suis aperçu que j'avais quand même envie. Un stage chez un serrurier bisontin m'a vraiment décidé ». Une formation AFPA à Toulon, des expériences chez plusieurs professionnels en Lorraine et en Alsace lui ont donné le temps de mûrir l'idée. Celle-ci a convaincu le jury Défi jeunes qui lui a octroyé 35000 F pour se lancer. Son atelier a ouvert en octobre.
« La forge, c'est vraiment physique »
« Je me suis décidé à m'installer il y a 10 mois et j'ai pris le temps de bien faire. Mais c'est la croix et la bannière de se lancer. Il y a beaucoup d'organismes d'aides et conseils dans le Doubs mais on ne sait pas vraiment à qui s'adresser au départ. Pour moi, la principale difficulté était de faire des prévisionnels car dans mon activité, il y a trop peu de repères ; évaluer le marché est très aléatoire ». D'autant que la région, plutôt dévolue au bois, n'a pas une culture du fer forgé très développée comme c'est le cas en Alsace ou en Lorraine. Mais les affaires ont plutôt bien commencé. « Je travaille surtout pour des particuliers. Ils représentent pour le moment 70 % de ma clientèle, le reste étant des prescripteurs comme des architectes, des décorateurs. L'intérêt est qu'à chaque fois la demande est différente, il y a un côté conception pour imaginer ce qui va plaire au client. Quoi qu'on fasse, une grille, un portail, un lit, il y a cette étape de création et donc le train-train n'existe pas. Et il y a aussi la satisfaction de voir la pièce finie et posée. C'est la raison pour laquelle je voulais m'installer et ne pas travailler pour quelqu'un d'autre. Chacun à son style, son coup de patte ». Le travail d'une pièce comporte lui-même plusieurs étapes : dessin, tracé des épures, forge, assemblage des pièces, puis finition. « Cela permet de varier les choses dans une journée et d'estomper la difficulté physique. Quand on fait 4 heures de forge, on les sent. Cogner sur l'enclume, c'est vraiment physique. Pouvoir enchaîner sur quelquechose de moins difficile permet de diversifier : dans une journée, je peux forger, souder, aller voir un client, m'occuper des facturations. Et j'essaie de me préserver, de ne pas travailler 15 h par jour».
Stéphane Paris
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