« Que reste-t-il d’un événement quand les témoins ne sont plus là ? » C’est à partir de cette question que Solenne Lévêque, professeure d’histoire-géographie au collège dijonnais Clos de Pouilly, a construit le « Projet K ». Au début de l’année scolaire, une trentaine d’élèves de 3e volontaires ont ainsi commencé à suivre les traces de Bernard K., déporté vers Auschwitz-Birkenau en juillet 1942, parce qu’il était Juif. La découverte de son parcours les a menés d’abord à la gare d’Angers, d’où était parti le convoi de Bernard. Direction ensuite la gare de Pithiviers, transformée aujourd’hui en lieu de mémoire, puis le site parisien du Mémorial de la Shoah, avant de s’envoler vers Auschwitz-Birkenau, dans les anciens camps. « Il est parfois difficile de se rendre compte de ce qu’il s’est passé seulement avec des chiffres, remarque Léo, là, on était vraiment dedans... » Tous en ressortent chamboulés, marqués par « cette salle où il y avait deux tonnes de cheveux, des chaussures, des valises », détaille encore Léo, ou encore par les « dessins d’enfants déportés », se souvient Rose.
Ils documentent leur périple avec leurs propres textes, photos, dessins, et enregistrements sonores. « Cela nous a permis de garder une trace concrète de cette expérience, avec nos mots à nous », explique Mathilde, qui avait choisi l’écriture. Ilan estime que « les photos peuvent bien traduire les lieux, et les émotions ». Et avec le dessin, « on se réapproprie ce qu’on voit, en y ajoutant éventuellement des éléments fictifs », décrit Camille. Certaines de leurs productions ont été intégrées à l’exposition de Pithiviers, qui reprend différentes thématiques : qui était Bernard K. ? que reste-t-il des lieux de déportation ? Quel a été le rôle des médecins dans les camps ?
Corriger une erreur sur le Mur des déportés
Mais le premier volet du projet était bel et bien de retracer l’histoire de Bernard K., né Kielmanowitz. Les élèves ont pu retrouver certaines informations aux archives départementales de Maine-et-Loire. Et sur le Mur des déportés de la Shoah, au Mémorial de Paris, ils ont pu constater que le nom de Bernard avait été mal orthographié, transformé en Kidmanowitz. Sur l’idée de leur professeure, ils ont alors engagé une démarche pour réparer cette erreur. « Nous avons rempli un document, que nous avons envoyé à son petit-fils, Marc, qui doit le compléter avec ses frères », explique Léo. « Marc nous a dit que le fait que des personnes extérieures fassent cette demande les avaient aidés », rapporte Lily. Même si la correction ne sera certainement pas effective avant plusieurs années, la démarche est avant tout symbolique. « Quand il n’y a plus les témoins pour parler d’un événement, il reste quoi ? Les lieux, et les noms, constate Solenne Lévêque, mais aussi la mémoire vivante, incarnée autrement. » Dans l’exposition élaborée par les élèves de Clos de Pouilly, par exemple, qui restera à Pithiviers jusqu’en septembre, avant probablement de rentrer à Dijon, dans un endroit qui reste à définir.
Camille Jourdan
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