Faire un aller-retour en Pologne, avec des lycéens et deux camions chargés de dons pour l’Ukraine, le tout en moins d’une semaine ; c’est le défi qu’ont relevé deux lycées de Haute-Saône le mois dernier. Du 7 au 12 mai, six
lycéens et six professeurs ont tracé la route entre Gray et Opole.
Cette idée est partie d’un jumelage de longue date entre le lycée Cournot, à Gray, et celui d’Opole, en Pologne. Faute de pouvoir organiser des échanges traditionnels depuis trois ans, en raison de la crise sanitaire, le projet d’un convoi humanitaire pour les réfugiés ukrainiens a germé dans la tête de Béatrice Thevenon, professeure de physique-chimie. La proximité avec le lycée Fertet, qui forme des conducteurs de poids lourds, a facilité l’aspect logistique : « Nous avons sollicité quatre lycéens en âge de conduire », explique l’un des formateurs, Thierry Billier.
140 m3, 2 camions
Avant de partir, les lycéens de Cournot ont organisé une collecte. « Nous nous en occupions dès que nous avions une heure de libre », racontent Daphné et Maya, qui voulaient simplement « aider », « à [leur] échelle ».
Les deux élèves de seconde, aidées par quelques camarades, ont trié, emballé, mis sur palettes des centaines de denrées alimentaires, articles de puériculture, médicaments, produits d’hygiène… « Nous avons même récupéré un fauteuil roulant, des béquilles et une poussette », détaille Maya. Au total, ce sont plus de 140 mètres cubes de dons qui ont été
récoltés. De quoi remplir deux camions entiers.
Un mois et demi après le début de la collecte, le jour du grand départ a sonné. Pour Daphné et Maya, le stress de l’aventure a rapidement laissé place à l’excitation. « Je ne savais pas ce qui nous attendait », confie la première. Un
très long voyage, pour commencer : l’équipe grayloise a passé pas loin de 48 heures sur la route, avec une escale en Allemagne le premier soir, et une seconde en Pologne le lendemain. Les quatre jeunes chauffeurs de Cournot se sont relayés jusqu’à la frontière, avant de passer le volant à leurs professeurs.
« Ce que nous avions déchargé la veille était déjà prêt à être distribué »
« L’objectif n’était pas uniquement de les faire conduire, c’était surtout de leur donner l’occasion de s’imprégner d’une autre culture », relate Thierry Billier. À leur arrivée à Opole, des bénévoles ont aidé les Français à décharger leurs fournitures « dans un hangar mis à disposition par la ville, où arrivent tous les dons internationaux », décrit Maya. Les élèves de Gray ont ensuite pu échanger avec des lycéens locaux, visiter leur lycée, ainsi que leur ville. « C’était magnifique et très dépaysant », assure Daphné. Une dernière visite, moins touristique, les a également marqués : celle
de l’entrepôt de distribution des dons aux réfugiés ukrainiens. « Là-bas, je me suis vraiment rendu compte de l’importance de notre action : ce que nous avions déchargé la veille était déjà prêt à être distribué, s’étonne encore Daphné, mais tout avait été rationné : un paquet de farine avait par exemple été divisé en trois, pour qu’un maximum de personnes en profitent », détaille-t-elle. « Ils n’ont pas suffisamment de dons donc ils sont obligés de procéder ainsi », complète son amie, qui ajoute : « Au final, il n’y avait pas grand-chose, car tout ce qui arrive repart immédiatement. » Des biens aussi courants en France que du papier toilette ou du sucre deviennent, là-bas, des denrées rares : « Ces personnes n’ont plus rien, alors que nous, nous utilisons ces produits tous les jours », s’indignent les deux lycéennes. Un mois après leur retour, Maya et Daphné gardent de bons comme de plus amers souvenirs de leur voyage. Comme leurs camarades du lycée Fertet, elles ont pu voir de près les conséquences d’une guerre encore lointaine. « C’était une aventure très humaine », conclut Thierry Billier.
Camille Jourdan
Commentaires
Afin de poster un commentaire, identifiez-vous.