C’est le premier week-end où quelques flocons tombent sur Besançon et pas question pour Hélène Hadjiyiassemis (nom d’origine chypriote) de prendre des photos à l’extérieur. Du moins pas avec son violon, probablement sa plus précieuse propriété. Âgée de 22 ans, elle a consacré sa vie à cet instrument, quatre cordes dans lesquelles elle se plonge une moyenne de 6 heures par jour. Toujours avec plaisir.
Elle avait 6 ans quand ses parents lui ont posé la question : “Est-ce que tu voudrais jouer d’un instrument ?”. Si simple comme cela. Une petite hésitation entre la clarinette, le piano et le violon et voilà une décision qui a fini par marquer toute sa jeunesse.
On pourrait dire que cela a été de la faute de Sergueï Prokofiev. A 13 ans, Hélène est allée au studio de Radio France à Paris pour écouter en direct l’orchestre de la radio jouer le “Roméo et Juliette” du compositeur soviétique. “C’était la première fois que j’écoutais un grand orchestre symphonique comme celui-là et ça m’a vraiment impressionné”, se souvient-elle. Du travail, du dévouement et de la persévérance ont fait le reste. Au début ce n’était qu’une demi-heure de répétition par jour. Ses classes à horaires aménagés lui permettaient d’aller au cours deux après-midi par semaine et à la maison c’était sa mère, qui avait joué du piano, qui l’aidait. “Je n’ai pas le souvenir que cela ait été trop difficile”, raconte-t-elle tranquille. Même pas à mesure que l’exigence augmentait, jusqu’aux 6 heures actuelles de répétition quotidienne.
Hélène a eu son bac en même temps que son prix de violon et a suivi un an de perfectionnement avant de partir à Paris continuer ses études. C’est à cette époque-là qu’elle a commencé à jouer avec l’Orchestre de Besançon comme suppléante. Ce n’est pas une ambiance trop sérieuse pour une adolescente ? “A l’orchestre, il y a des personnes de tous âges et en plus la majorité de mes professeurs y jouent. Il y a une bonne ambiance. On ne s’enferme pas quand l’on joue un instrument, surtout s’il s’agit d’un instrument comme le violon, qu’on peut jouer ensemble”, assure-t-elle.
A Paris, elle finira cette année ses études au Conservatoire national de Région. Et après ? “Il faut faire le choix entre faire de l’orchestre et enseigner. Ou être intermittent, en jouant dans plusieurs orchestres. Moi, je veux être titulaire, mais il faut passer un concours où il n’y a pas beaucoup de places et beaucoup de postulants”, explique-t-elle. Son avenir n’est pas tout à fait clair, surtout dans une société où, d’après Hélène, la télé, internet et les moyens audiovisuels ont laissé la musique et la lecture au deuxième plan : “moi, qui souhaite gagner ma vie en faisant cela, je me demande si les générations futures vont remplir les salles”. Un des problèmes, pense-t-elle, est qu’il existe le préjudice que la musique classique est chère. Un argument qu’Hélène détruit en arborant les tarifs des concerts de l’Orchestre de Besançon : 8,10 euros le billet étudiant, 5,60 sur présentation de la carte Avantages jeunes. L’autre raison, d’après elle, a plus du mal à trouver solution : “la culture n’est pas forcément mise en valeur quand on va à l’école. La musique classique est un art, un savoir, et la société devrait encourager le savoir et la curiosité”.
Hélène parle sereine, écoute attentive. L’attitude qu’on attend de quelqu’un habitué à la discipline, à l’auto exigence. Mais même si son beau visage ne se trouble à aucun moment de la conversation, on voit qu’elle est une vraie passionnée de ce qu’elle fait. De cette capacité à “s’exprimer” que donne la musique. De Beethoven, du jazz et de l’art en général. Et de cette phrase de Victor Hugo : “la musique, c’est du bruit qui pense”.
Júlia Bestard
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