La saison qui commence s'annonce sans répit pour Jean Lambert-wild : metteur en scène associé au Granit, il créé deux spectacles, "le Terrier" de Kafka proposé en appartement à partir du 18 octobre et "Orgia" de Pasolini pour le mois de février. Il élabore le livret et la scénographie de "Spaghetti's club", une pièce musicale de son collaborateur régulier, Jean-Luc Therminarias, qui sera jouée en plusieurs étapes à travers le monde avec des artistes bulgares, américains, allemands et anglais. Depuis 3 ans, il est également directeur artistique du 326, une coopérative d'artistes internationaux de divers disciplines qu'il a lui-même initiée. Parmi les projets liés, un label d'éditions CD va fêter prochainement ses premières sor-ties. Et sans les détailler, plusieurs lectures dont une randonnée poétique dans les Vosges, des productions diverses, l'animation d'un atelier amateur avec le 35e RI de Belfort sont également programmées. Entre ces activités, il trouve encore le temps d'écrire, annonçant la première partie d'une trilogie qui sera son sixième texte...
Tout juste s'émeut-il de cet agenda chargé, tellement heureux, à l'entendre, d'être immergé dans le monde du théâtre. Ses journées commencent à 5 h du matin, mais il «s'épanouit dans le travail». «Pasolini disait qu'il avait une vitalité désespérée, moi c'est une vitalité inespérée. Mais le jour où la lassitude advient, j'arrête».
Il a découvert le théâtre tard, à 23 ans, après une licence de philosophie. «J'y suis venu de façon étonnante. J'écrivais par «compulsion maladive», des gens se sont intéressés à mes textes et quelqu'un m'a demandé de monter l'un d'eux. Mais le véritable détonateur a été ma rencontre avec Matthias Langhoff. Sa mise en scène de "Trois soeurs" de Tchekhov a été un choc immédiat, qui m'a fait découvrir que le théâtre n'était pas un espace clos et bourgeois comme je le croyais mais un véritable espace de liberté».
«Un exilé perpétuellement désarmé»
En 5 ans, il a tracé un chemin remarquable, mettant notamment en scène à Belfort son texte "Splendeur et lassitude du capitaine Marion Déperrier". Il réfute le mot autodidacte, préférant parler de compagnonnage auprès de «grands maîtres» pour qui il a été assistant : Matthias Langhoff et sa collaboratrice Martine Colcomb, Michel Dubois, Jean-Yves Lazennec lui ont tous appris énormément.
« L'apprentissage avec Langhoff a été très important. Il m'a par exemple mis sur le plateau pour me faire comprendre ce qu'est un comédien. J'ai surtout compris que je ne l'étais pas ! Je fais des lectures, des performances, mais ce sont plutôt des amusements sérieux loin du travail d'un comédien. Je me définis plutôt comme poète, au sens étymologique, parce que je suis écrivain et metteur en scène». Autre rencontre qui a compté, celle de Henri Taquet, le directeur du Granit : «C'est le soutien sans réserves qu'il m'accordé qui me permet de continuer à travailler. Il laisse sa chance à de jeunes metteurs en scène, avec des vrais moyens, et ce n'est pas fréquent en France. En général, on n'aide que ceux qui sont déjà aidés. Avant de m'accueillir, Henri Taquet avait juste lu un texte et vu un spectacle monté dans la cave d'un bar PMU !».
Ce soutien explique la présence fortuite de Jean Lambert-wild à Belfort. «Je mène des travaux pour le Granit mais je suis indépendant et j'y tiens. Je suis né à la Réunion, ma terre est très loin, je suis en exil volontaire. Je tiens à rester un exilé perpétuellement désarmé ; ce qui permet de garder un esprit de migration possible». Mais si Belfort l'a adopté, la réciproque est vraie : «J'aime Belfort pour beaucoup de raison. C'est une ville agréable où les politiques font un effort culturel énorme pour une commune de 50000 habitants. Il me semble que les gens s'entraident, font attention les uns aux autres. Ce n'est pas le cas à Paris et pour ça je ne peux y vivre. Et puis Belfort est un Territoire, je viens d'une île, il y a une certaine ressemblance».
Stéphane Paris
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