Il ne s'agit pas d'une homonyme mais bien de la vraie Aretha Franklin, celle que l'on surnomme la Diva de la soul, l'interprète de "Respect" ou "I never loved a man (the way I love you)". Plus qu'une star, une légende dont la carrière a débuté à la fin des années cinquante. Julien Compagne a fait partie de ses musiciens sur scène cet été, au cours du prestigieux festival de jazz de Montréal. Difficile pour lui d'évoquer ce moment avec des mots. Il le qualifie d'incroyable et d'exceptionnel, mais on sent bien ces qualificatifs trop faible à son esprit de jeune musicien. "Je me suis retrouvé avec des instrumentistes qui sont la crème de la crème. J'ai eu des contacts restreints avec Aretha Franklin car elle est plutôt inaccessible. Elle est tellement sollicitée qu'elle doit se protéger. Mais elle est très sympa, notamment sur scène. Par contre j'ai pu échanger beaucoup plus avec ses musiciens, des gens accessibles et ouverts. Sans en faire une généralité, j'ai d'ailleurs souvent constaté que plus les musiciens sont d'un haut calibre et plus ils sont sympas, humains, prêts à la discussion".
Depuis qu'il est arrivé au Canada en 2004, le jeune bisontin ne cesse d'emmagasiner de l'expérience. Il a par exemple été retenu pour participer à "A & C", la dernière comédie musicale de Lewis Furey. La tournée, internationale, a duré un an. "Professionnellement, ça a explosé, j'ai eu beaucoup de sollicitations et cela fait 3 - 4 ans que je fais des concerts". Pourtant, c'est en tant qu'étudiant, dans le cadre du programme d'échanges Crepuq, qu'il s'est rendu à Montréal. Il a d'ailleurs passé l'audition pour le spectacle de Lewis Furey juste avant la fin de son contrat d'échange.
"J'ai commencé la musique dès l'âge de 7 - 8 ans au conservatoire de Besançon et en classe musicale à partir de la 6e. J'ai fait un bac en spécialité musique puis je suis allé en musicologie à l'Université de Franche-Comté. Mais pour poursuivre, il fallait que je parte à Paris ou à Lyon, idée qui ne m'enchantait pas vraiment. Comme depuis très longtemps j'avais envie d'une expérience à l'étranger, j'ai commencé par me renseigner sur les possibilités aux Etats-Unis. Dans l'idée qu'il y a là-bas une autre manière d'aborder la musique, un enseignement et une culture beaucoup plus influencés par le jazz et le rock alors qu'en Europe on l'enseigne de la même manière depuis 400 ans. Mais les Etats-Unis, c'était cher, les frais de scolarité élevés. Quand on m'a parlé du Canada, cela s'est avéré plus facile d'accès".
Une solution vraiment confortée a posteriori. "Pour un étudiant, c'est plus facile de vivre à Montréal qu'à Paris. En colocation, on peut trouver des loyers à 200 euros alors qu'il faut compter dans les 500 pour une chambre de bonne à Paris. On peut assez facilement trouver des petits jobs pour gagner un peu d'argent. Et puis c'est une ville jeune, avec 55000 étudiants dont 7000 étrangers. Cela donne un côté multiculturel, effervescent, excitant. En tous cas je conseille vivement à ceux qui en ont envie de tenter une expérience à l'étranger. C'est le genre d'expérience qui fait grandir. Il n'y a rien de mieux que le voyage, le fait de s'établir dans une autre ville, de s'intégrer à une autre culture pour s'ouvrir les yeux. Personnellement, je pense que je n'en serais pas là où j'en suis si je n'avais pas eu cette ouverture d'esprit liée à tous ces voyages que j'ai faits. Cela permet de voir les choses avec d'autres yeux". Sa vie d'étudiant doit se terminer en décembre prochain avec l'obtention d'une maîtrise en percussion, mais sa présence aux côté d'Aretha Franklin montre qu'il est déjà dans le bain professionnel. Outre les concerts, il a écrit quelques musiques pour des courts métrages de jeunes réalisateurs.
"Pour l'instant, ça va bien pour moi. En musique plus que dans d'autres domaines professionnels, ce qui compte c'est les réseaux. Ici j'ai des bons contacts. C'est comme ça que j'ai été pris pour jouer avec Aretha Franklin, par l'intermédiaire d'un musicien qui m'avait vu jouer à ses côtés dans un big band. Alors je risque de rester ici pendant encore quelques années". De toute façon, il ne trouve aucune raison pour rentrer en France. "En tant que musicien, c'est trop difficile d'être en France. D'après ce que j'entends, le régime des intermittents est de plus en plus compliqué. Sur le plan de l'emploi, cela me paraît un peu bouché, les projets nouveaux sont occupés par des gens en place et il y a une mentalité où l'on est très étiqueté, donc cela me paraît un peu difficile. Et plus généralement je préfère l'ambiance au Canada. Je reviens régulièrement en France et à chaque fois, j'ai vraiment l'impression de voir des gens plus tristes, plus cyniques, plus désabusés".
Stéphane Paris
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