Aller voir ce qui se fait ailleurs pour agir autrement. Cette idée a lancé le périple d’Odeline Largier, sa sœur Maéva et leur amie Audrey Tamburini. Une éducatrice spécialisée, une psychologue, une psychomotricienne mues par le même constat : le travail social ne peut se satisfaire de pratiques soucieuses de rentabilité ; il est trop souvent bloqué par la lourdeur institutionnelle. «A force de discussion, on s’est rendu compte que l’on partageait les mêmes constats et préoccupations, avec l’envie d’agir autrement. Toutes trois connaissions des lieux qui correspondaient à ce que l’on cherchait. Plutôt que de réinventer l’eau chaude, on a décidé d’allersur place se rendre compte de ce qui est possible à partir de ce qui existe». Leurs déclics : voir l’indifférence, y compris de la part de travailleurs sociaux, à l’égard des mineurs réfugiés ou le manque de préoccupation écologique de l’institution. L’idéal de privilégier la qualité et l’humain ne semble pas si exigeant, mais la réalité rend presque utopique leur question principale : «continuer à tenir les murs d’un monde qui s’effondre ou mettre l’énergie pour construire demain ?» Voir comment certains franchissent ce cap les a donc poussées à tout arrêter pour partir pendant 6 mois à travers la France.
Un projet tourné
vers les mineurs en difficulté
Les 3 amies sont originaires de Carpentras, mais Odeline est arrivée à Besançon en 2010. Après ses études à l’IRTS, elle a travaillé dans le domaine de la protection de l’enfance en Haute-Saône et dans le Jura, participé à la mission habitat de l’association Julienne Javel, œuvré pour les enfants handicapés. A 26 ans, c’est ici qu’elle compte mener à bien un projet, tourné vers les mineurs en difficulté. «Le périple est né aussi du besoin de voir des pédagogies et structures fonctionnant à une échelle plus petite, plus adaptée à un public de jeunes en difficulté. Et plus ouvertes aussi, car je trouve nos institutions trop fermées, dans le sens où elles n’abordent pas assez des questions d’alimentation, d’écologie, d’énergie alors que tout est lié».
Des projets participatifs tenant compte des problématiques environnementales existent, elle et ses amies en ont rencontrés. «Nous avons commencé par aller voir Longo Mai près de Forcalquier. C’est une coopérative agricole autogérée depuis 40 ans. Là, on nous a parlé du village des jeunes de Vaunière, près de Gap, un hameau en constante reconstruction depuis plus de 30 ans. Il accueille à la fois des jeunes en séjour scolaire, en insertion, en séjour de rupture, en placement longue durée ainsi que des volontaires européens, des touristes de passages, des bénévoles».
Démarche encouragée
En 6 mois de camping-car, elles ont visité une dizaine de sites et notamment découvert l’agrément Lieu de vie et d’accueil. «On a vu que certaines de nos hypothèses n’étaient pas réalisables, mais certains lieux nous ont montré ce qui pouvait l’être. J’ai vu des endroits où des jeunes s’impliquent sans avoir l’étiquette problèmes sociaux. Dans l’ensemble, on nous a encouragées».
Aujourd’hui, elles sont passées à l’étape de construire leurs projets, l’un dans le sud, l’autre à Besançon. Pas la plus facile. «Il y a un besoin d’accueil de jeunes en rupture ou en décrochage, mais pas dans l’institution scolaire ou dans un lieu qui la rappelle. J’aimerais créer un lieu avec un réseau de professionnels, par exemple des maraîchers ou des artisans, pour que les jeunes puissent commencer par retrouver un rythme, des liens, une confiance en eux et esaient de trouver du sens à un projet professionnel mais sans la pression, le stress et l’angoisse qui peuvent être liés à l’école. Cela passe par un travail sur le relationnel, l’expérimentation d’activité sans jugement et avec la possibilité de se tromper. Mais pour l’instant, j’en suis à rencontrer les acteurs institutionnels pour expliquer ma démarche, trouver le lieu et les financements».
S.P.
Commentaires
Afin de poster un commentaire, identifiez-vous.