Jean-Louis Couturet se souvient de ce jour où sa fille adoptive lui a dit, «on part». «Je n’ai pas compris tout de suite qu’il s’agissait d’aller en Ethiopie. J’ai dit oui sans réfléchir. C’était un voyage de cœur. Si on avait réfléchi, peut-être qu’on n’y serait pas allé». Sa fille, Clara, venait de retrouver ses parents grâce aux réseaux sociaux (et au prénom Abey, celui d’un frère dont elle se souvenait), alors qu’ils avaient été certifiés décédés par des documents officiels français et éthiopiens au moment de l’adoption, il y a 13 ans. «Au fond d’elle, elle savait qu’il n’en était rien» pense son père.
«Pour moi, cela a toujours été faux confirme Clara, 19 ans aujourd’hui. Donc je n’ai pas été choquée quand j’ai appris la vérité, d’autant que l’on m’a dit que ce genre de situation n’était pas rare. Sur les papiers, il était écrit qu’on était 2 enfants alors que j’ai 9 frères et soeurs. On m’a dit que j’avais vécu avec mes grands-parents. On a travesti mes souvenirs».
Elle était arrivée en France en ne connaissant qu’un mot, «Zidane». Retrouver sa famille d’origine a bouleversé sa vie. Elle est partie en Ethiopie avec son père juste avant de passer son bac STMG à Belfort. «On est resté quelques jours. C’était très intense, mais sur place, je n’ai pas vraiment réalisé. C’est en partant que j’ai eu un choc». Dû aux retrouvailles mais surtout à la grande pauvreté dans laquelle vit sa famille à Dessié, contrastant avec sa vie en France. «C’était contrasté à la fois dur physiquement et psychologiquement, mais riche en émotions confirme son père. On a découvert une société faite de gens très riches ou très pauvres, une grande générosité. On s’est vraiment rendu compte qu’en France, on est très privilégié. Eux n’ont pas l’eau, pas de sanitaires, peu d’effets personnels».
"Tout arrêter
pour mener ce projet"
En rentrant, Clara a quand même entamé son projet de devenir actrice en suivant les cours d’une école à Paris, avant d’y renoncer. «J’y suis allée 6 mois mais c’était un poids trop lourd et comme j’envoyais de l’argent tous les mois en Ethiopie, ce n’était pas évident de continuer à vivre à Paris. J’ai décidé de tout arrêter et de recentrer mes priorités». Son idée : faire construire une maison pour sa famille éthiopienne. A cette fin, elle et son père ont créé l’association «Quatre murs, un toit, ma joie», pour récolter des fonds. «Ici mes parents sont d’un grand soutien. J’ai la chance qu’ils soient exceptionnels : ils sont là pour m’aider dans mes démarches, mon père m’a accompagnée en Ethiopie en se décidant en très peu de temps». La récolte des fonds et ses économies devraient aboutir à la réalisation du projet prochainement. Elle sait qu’en Ethiopie, elle n’est «qu’une enfant parmi d’autres» et que sa famille est contente qu’elle les aide. «Cette aide ne s’arrêtera pas à la construction de la maison. Quand je suis allée là-bas, j’ai vu une grande générosité, un sens du partage et de l’hospitalité. Je suppose qu’ils vont en faire profiter leurs voisins».
En mettant entre parenthèse ses études, elle s’est mise à travailler comme vendeuse. Mais elle n’a pas pour autant abandonné son idée initiale d'être actrice. «J’ai adoré le peu que j’ai vu. J’ai arrêté parce que je voulais mener le projet avec l’association mais je pense que je reprendrai ces études. Et j’ai aussi envie de faire de la psychologie car je me rends compte que cela me convient». Son père adoptif se dit «fier d’elle, heureux d’avoir pu l’accompagner sur les traces de son histoire personnelle. Elle s’est posée beaucoup de questions sur son adoption. Cette maison est aussi pour elle un moyen de se construire».
S.P.
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