L’une de ses dernières créations s’appelle Rhizo (photo 2). Un pot de fleur transparent qui maintient la terre à humidité constante, l’eau nourrissant la plante en passant par un matériau poreux. Un joli design associé à l’utile puisque le réservoir évite d’avoir à arroser fréquemment. Une idée
«inspirée des plantes tropicales aux racines aériennes plongeant dans les eaux troubles de la mangrove».
Plus que de courants ou d’autres artistes, Mélitine Courvoisier puise son inspiration autour d’elle :
«j’ai le nez en l’air, j’observe, dans la rue comme sur internet. J’aime bien les vieux objets, voir comme ils étaient fabriqués avant». Une curiosité qui lui a valu de gagner un concours de design packaging verre organisé par Verallia en 2012, alors qu’elle était étudiante à l’école Boulle. Son projet de bouteille avec un socle en forme de rose a été choisi parmi 200 autres, avant d’être commercialisé. L’idée lui était venue sur le site de l’entreprise, en découvrant le procédé de fabrication du verre.
Avoir son propre univers
Originaire du Russey, Mélitine a découvert les arts appliqués au lycée Pasteur, à Besançon.
«Je suis allée aux portes ouvertes, ça m’a plu et je n’ai plus voulu faire autre chose. Les filières générales ne me disaient rien. Je pensais au stylisme puis aux arts d’intérieur et finalement c’est le design que j’ai découvert». Elle a passé le bac "arts appliqués" à Besançon. A l’école Boulle, elle a appris
«à être méthodique et réactive» et obtenu un BTS design de produit. Quatre années à l’école supérieure d’art et de design de Saint-Etienne lui ont
«donné le temps de tester des matériaux et de développer un univers personnel dans l’environnement d’une ancienne manufacture d’armes».
Elle cite quand même des peintres comme Matisse, les textiles de Louise Bourgeois et, dans son domaine, le courant Memphis, né au début des années 80 en Italie ou la créatrice hollandaise Hella Jongerius. Mais elle fabrique son propre univers. Elle se définit designer produit,
«spécialisée dans la valorisation des savoir-faire et des matériaux». Elle s’adresse d’abord aux entreprises à qui elle propose la conception et le développement de produits innovants selon leurs spécificités, en leur apportant un œil extérieur et neuf.
«Je crée des objets de décoration en m’adaptant à leur savoir-faire, en leur proposant d’étoffer leur gamme. Je m’adresse aux entreprises car il est plus facile pour elles de les fabriquer ensuite en série que pour moi de faire des objets uniques».
On peut voir ses créations
sur son site. Parmi elles, les dernières,des bougeoirs pour le collectif jurassien "Y a pas le feu au lac" ou des coquetiers pour l’entreprise bretonne Lib.
«Ce qui m'intéresse, c’est surtout se demander comment rendre viable une idée. C’est intéressant de contourner les obstacles pour arriver à quelque chose qui est parfois éloigné de l’idée de départ».
Un collectif de 17 créateurs
Elle s'est installée à Besançon, mais elle a aussi un atelier céramique au Russey, où elle réalise quand même des pièces uniques pour particuliers : bols, tasses, vases à l’image de Rhizo...
«J’interroge le matériau, je joue avec ses propriétés, j’expérimente. Quand on expérimente, ce sont la matière et la main qui guident plus que le cerveau… Prochainement, je pense essayer d’associer céramique et bois».
Comme il n’est pas évident d’être salariée dans son domaine et que de toute façon elle préfère être free lance, elle a lancé son autoentreprise en 2016, à 25 ans.
«L’aspect administratif n’a pas été évident. On est un peu livré à soi-même. En ce qui concerne le métier, l’école m’a très bien appris à faire des projets, mais pas à aborder le relationnel, la prospection, la négociation, le commercial. Ca manque car il faut savoir vendre ses prestations. De ce point de vue, cela a été l’école de la vie ! Je me suis dit je me lance et je me suis débrouillée toute seule».
Aujourd’hui intervenante au lycée Pasteur (
«c’est intéressant de voir le regard et l’expérimentation des élèves»), elle a rejoint le collectif
"Made in France en transparence" : 17 créateurs qui ont une galerie à Paris.
«On vient de toute la France. Cela permet beaucoup d’échanges et ça booste le relationnel et la créativité». Outre l'émulation et le réseau qui en résultent, ce collectif l’aide à maintenir les qualités qu’elle estime essentielles à l’exercice : persévérance et confiance en soi.
«Dans notre domaine, il n’y a pas d’horaires. Quand je suis sur un objet, j’y pense constamment».
Stéphane Paris
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