Voray-sur-l’Ognon, 19 septembre. Sur les eaux plutôt calmes de la rivière, Marlène Devillez se prête volontiers à une démonstration de kayak freestyle. Sans l’aide de vague ou de rouleau, elle enchaîne les saltos avec le sourire. «D’habitude, il y a des remous, c’est plus facile». Il n'empêche : ses figures sont d'autant plus impressionantes qu'elle les mutliplie sans problème apparent.
Pour elle, le kayak est d’abord une passion dont elle parle plus volontiers que de ses victoires même si elle est la meilleure d’Europe depuis 2010. Son 3e titre de championne d’Europe d’affilée acquis juste avant son 26e anniversaire est encore tout neuf (1), mais elle ne s’en émeut pas plus que ça. Ses trois médailles d’or sont restées à Paris, où elle travaille.
«Ce qui compte, c’est surtout le moment de la compétition. Une fois que c’est gagné, c’est du passé». Côté médailles, elle cumule, restant par exemple sur 7 titres de championne de France.
Voilà 20 ans que la jeune haut-saônoise s’est lancée dans le kayak au Voray CK où ses deux parents entraînaient. A ses débuts, le freestyle n’existait pas. «Mais je préférais déjà me retourner, aller dans l’eau dit-elle en riant. J’ai fait du slalom jusqu’à 15 ans, j’avais un bon niveau. Quand le freestyle est arrivé,avec les bateaux courts de 2 m 10, des gens qui faisaient des figures et se retournaient exprès, j’ai tout de suite essayé».
"Dans mon élément"
Cette nouvelle discipline semblait inventée pour elle : dès sa première compétition, elle a terminé à la deuxième place. «Au début, on prend des boîtes ! J’ai progressé très vite car je me sens dans mon élément. Je pense que j’ai une bonne lecture de la rivière et des mouvements d’eau».
Sa progression rapide n’est pas passée inaperçue : elle a été aidée par la Région de Franche-Comté, le Conseil général de Haute-Saône, Sport ambition 70. Bienvenu dans un sport totalement amateur en France, où il faut payer ses déplacements. Idem pour son matériel acquis grâce à ses sponsors : Level 6, des Canadiens spécialisés dans les habits de kayak, Guigui-prod, Wonderland shop, Werner pagaie ou encore Staccato, une agence de pub bisontine.
"Etre un peu cramé"
Ils lui permettent de vivre sa passion à fond. Outre ses propres entraînements (1 à 2 fois par jour selon les périodes), elle encadre à Paris et le week-end à Voray, où elle a monté une section freestyle. Elle fait partie de la commission nationale, est responsable freestyle en Franche-Comté.«Dans la région, il y a des belles vagues : à Clerval, à Deluz, à la Malate (Besançon) qui, en crue, donne une des plus grosses vagues d’Europe».
Elle organise également des stages, en espérant développer la pratique du côté des filles. «C’est un sport encore très masculin. Je pense qu’il faut être un peu "cramé" pour faire ça».
En incluant son métier d’ingénieur hydrobiologiste, tout cela lui laisse peu de temps libre. «Pendant mes études, ça allait, mais c’est vrai que maintenant, avec les horaires de travail, c’est un peu plus compliqué. Mais c’est important de partager, dit-elle. Personnellement, le sport m’a vraiment aidée et je me suis épanouie grâce au kayak. J’ai envie de transmettre ce que j’ai appris et certaines valeurs liées à la pratique».
Elle-même est venue à la discipline en accompagnant Amélie Bruet (vice-championne du monde junior). Elle est aussi fière des résultats des filles du club (3 sont championnes ou vice-championnes de France ; Guénolé Bourgoin est, en juniors, 5e de la coupe du monde et 6e du championnat d’Europe) que des siens.
Quant aux valeurs, c’est «une ambiance, de l’amitié, on se connaît tous alors qu’en slalom, on ne se parlait pas entre concurrentes. Pour moi, la base du sport est le partage et la complicité. Mais c’est vrai que le freestyle est un petit milieu. C'est un sport jeune, avec des valeurs jeunes».
Stéphane Paris
(1) Les championnats d’Europe ont lieu tous les 2 ans. L’édition 2014 s’est déroulée fin août en Slovaquie.
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