Discuter avec le DJ Martin Solveig dans une loge d’artistes d’un festival. Se produire devant des fêtards en France, en Allemagne, en Autriche, ou en Espagne. Monter sur la même scène que W&W, KSHMR ou Timmy Trumpet, ses « idoles ». Voilà à quoi a ressemblé l’été 2022 de Pascal Letoublon.
Cette vie-là, il n’osait pas l’imaginer il y a dix ans. Car si l’adolescent qui jouait de la guitare électrique rêvait de faire de la musique son métier, il était « lucide » et savait « que ce n’était pas gagné ». Mais son titre Friendships a été un tournant.
Ce morceau, il l’a composé durant un week-end en 2017, dans sa chambre au domicile familial à Vercel-Villedieu-le-Camp, près de Valdahon. A l’époque, le jeune homme travaille avec son frère, entrepreneur qui a installé des distributeurs de pizza aux alentours. Avant cela, il enchaînait les petits boulots. « Je n’ai pas fait d’études après mon bac S. Je préférais travailler et être indépendant financièrement », explique-t-il.

Un succès qui commence en Chine

De ses 18 à 22 ans, le Franc-Comtois fait « une croix sur sa vie sociale » et consacre son temps libre à faire de la musique. « Je regardais des tutos pour essayer de comprendre comment fonctionnaient les logiciels de production, recréais des chansons, composais mes propres sons… » Il contacte une palanquée de labels pour proposer ses productions deep house, et notamment son titre Friendships. En 2017, un jeune bulgare, qui tient une chaîne YouTube assez suivie et qui a monté son label, accepte de diffuser sa musique.Un an plus tard, des internautes chinois contactent Pascal sur les réseaux sociaux. Tous lui disent la même chose : ils sont fans de Friendships. « Je ne comprenais pas trop d’où venait cet engouement soudain », rembobine-t-il. Avant de réaliser que le titre était devenu viral sur l’équivalent de TikTok en Chine, où des internautes se filmaient en exécutant les mêmes pas de danse.
Quelques semaines plus tard, une agence d'événementiel chinoise l’appelle. Elle lui propose de lui payer des billets d’avion pour venir en Chine jouer deux soirs dans des boîtes de nuit. Pascal accepte sans hésiter. « C’est surréaliste ! Sur place, je découvrais des affiches de moi dans la rue. Et sur scène, je faisais face à un public qui connaissait ma musique alors que celle-ci était inconnue chez moi. »

Vivre de la musique

Son morceau gagne en popularité en Asie, puis en Europe de l’Est. Jusqu’à arriver aux oreilles de producteurs d’Universal Music en France, qui convainquent Pascal de signer chez eux à l’été 2019. « C’est le début des choses sérieuses. Dans ma tête, je me disais que la vie de star allait commencer mais pas du tout », rit-il. Dans les faits, Pascal continue à créer des morceaux seul, sur son ordinateur, chez lui. Mais il y a tout de même un changement majeur : grâce aux auditeurs qui écoutent ses titres sur des plateformes de streaming, il commence cette année-là à dégager au moins l’équivalent d’un smic grâce à la musique. « J’ai donc décidé de quitter mon emploi dans l’entreprise de mon frère pour me concentrer sur ma passion. » Les demandes de maisons de disques affluent avec la même proposition : reprendre son titre phare, jusqu’alors purement instrumental, et poser une voix dessus. Pascal finit par signer avec Virgin Records en Allemagne, et à refaire son titre avec la chanteuse allemande Leony. Un succès. Le morceau cumule depuis plus de 92 millions d’écoutes rien que sur Spotify. Si bien que le Franc-Comtois a été sollicité pour jouer cet été dans des festivals et boîtes de nuit en Europe. « Les premières grandes scènes où t’es devant 6 ou 7000 personnes, où tu dis à tout le monde de mettre les mains en l’air et que les gens suivent, c’est assez incroyable », s’enthousiasme-t-il.
Aujourd’hui, le producteur réside à Valdahon, à quelques kilomètres du village où il a grandi. Et il ne compte pas partir de sitôt. « J’aime le fait d’avoir ma famille et mes amis à proximité, et j’apprécie la tranquillité de vie et la simplicité des gens chez nous », relate celui qui entend bien « garder les pieds sur terre ».
Ce qu’il espère pour l’avenir ? Son « rêve ultime » serait de jouer au festival belge de musique électronique Tomorrowland. « J’y suis allé en tant que touriste cette année, et c’était une expérience incroyable. C’est peut-être le plus beau festival du monde. » L’autre ? « Sortir un morceau qui connaîtrait un succès aussi gros que Friendships ».