Rosalie Piras revient de Milan où elle a participé à la Design Week entre le 15 et le 21 avril. Une destination de prestige et l’aboutissement de son projet « Rendez-vous autour du brasero », mené avec l’aide du Clap (1). Designer et artiste plasticienne, diplômée de l’École nationale supérieure d’art de Dijon, Rosalie a exposé à Milan un récipient en terre cuite réalisé en 2023.
« Tout s’est très bien passé se réjouit-elle.
L’objet a été exposé toute la semaine, même s’il n’a pu être activé pour faire du pain qu’une seule journée, pour des raisons de sécurité. Mais il y a eu pas mal de monde, j’ai pu aussi rencontrer d’autres jeunes designers, c’est donc une belle expérience ».
L’intitulé de son projet associe rencontre et art. Le brasero, objet de chauffage qui peut servir à la cuisson d’aliments, est à la fois oeuvre en soi et prétexte, comme Rosalie l’expliquait au préalable :
« À travers cet objet et l'hospitalité du feu, les passants sont conviés à se rencontrer, à venir manger du pain, une soupe ou encore boire un thé, à partager un moment, une discussion et à prendre le temps ». C’est un sujet qui lui tient à cœur. Elle s’intéresse
« aux notions de design social, à l’espace urbain, aux espaces délaissés, aux jardins inexploités » et souhaite mettre sa pratique artistique au service d’expériences collectives.
« Je veux créer des espaces communs, des modules éphémères, propices à la rencontre, aux interactions sociales liées au territoire et à ses habitants. Je conçois des interventions frugales, prétextes à l’hospitalité et au regroupement en montrant aux usagers la possibilité de s’approprier leur environnement ».
Céramique et arts de la table
Lors de sa semaine en Italie, elle était à
BASE Milano, lieu de production culturelle et d’échanges d’idées, qui exposait cette année des projets autour de la convivialité, la coopération, l’attention mutuelle et la solidarité. En juillet, elle a prévu de réitérer l’expérience milanaise à
la Maison Maladière, maison de quartier dijonnaise où elle s’investit depuis qu’elle y a fait un service civique. Le brasero mobile y sera installé pour un autre moment de partage.
« D’habitude, je travaille plus des matières comme le bois ou le tissu. Cette idée est la première en céramique. Elle est née à Longchamp au cours d’une résidence de création au lycée de la céramique en 2022-2023 » explique la jeune femme originaire de Basse-Normandie. En rencontrant les membres de l’association
Longchamp d’antan, elle a appris qu’entre 1868 et 2009, la faïencerie était le centre névralgique du village.
« Malheureusement, depuis que le lieu est fermé, la vie sociale n’est plus aussi importante. Je me suis questionnée sur la façon dont la céramique pouvait être vecteur de moments conviviaux et être utilisée dans l’espace public. J’ai pu constater que la majeure partie de leurs faïences étaient des objets liés à la table. J'ai alors pensé à la fabrication d’un brasero en terre cuite. » Elle avait fait un constat semblable lors d’un premier séjour en résidence artistique à Milan, où la céramique a une place importante dans l'architecture.
« J'ai notamment découvert l'existence de l’Opera Pia Cucine Economiche, ancien lieu philanthropique de la ville où se trouvait un four à pain et où tous les jours, au centre de la ville, les habitants se retrouvaient pour manger. Ce lieu aussi a disparu. » A Lonchampt, elle a mené un projet avec les étudiants de licence. Il portait sur le lien et la convivialité à travers la céramique et s’est terminé par un banquet.
Espace public et relations sociales
Regrettant l’importance accordée aux logiques de rentabilité et de compétitivité plus qu’aux relations sociales, elle axe son travail sur la vie de l’espace public.
« Je ne sais pas comment c’est venu. Peut-être qu’en venant de la campagne normande, en arrivant à Paris, j’ai trouvé qu’il n’y avait pas vraiment de vie de quartier, de sociabilité, de proximité. Et puis il y a eu le confinement, pendant lequel j’étais dans une barre d’immeuble. J’ai écrit aux voisins pour demander ce qu’on pouvait faire ensemble. On était 200, j’ai eu 10 réponses ! » A Paris, elle était en prépa artistique, avec un projet d’architecture.
« Mais j’ai eu envie de quelque chose de plus libre, c’est pour ça que je me suis orientée aux Beaux-Arts de Dijon, option design d’espaces. » Après son DNSEP, elle a réalisé un postdiplôme à l’Opéra de Dijon, s’est installée dans la capitale régionale où elle a créé son réseau et entend persister dans sa démarche.
« A Milan, j’avais créé une carte touristique avec 3 dés permettant de tirer un lieu, une ambiance, une activité. C’était un moyen de débattre de l’utilité de l’espace public, de le remettre en question pour qu’il ne soit pas seulement un lieu de passage. Mes projets incluent et impliquent les habitants. C’est surtout du participatif ».
S.P.
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