Entre Pont-de-Roide et la Suisse, la commune de Liebvillers se trouve dans une zone vallonnée qui se prête aux randos et balades en pleine nature. Une zone qui serait idéale si l’un des sports locaux ne consistait pas à jeter les déchets dans la forêt pour contribuer à faire perdurer les décharges sauvages alentour. Il y a quelques mois, Manon Silvant, une jeune femme de la commune, a décidé d’agir. Avec quelques bénévoles aussi attristés qu’elle par la présence des déchets dans la nature, elle a commencé par se lancer dans le recensement des sites. «On en a trouvé une trentaine dans le coin, entre Froidevaux et Bressaucourt, indique Sybille Dayer-Beligat, l’une des premières à avoir suivi Manon. De toutes sortes, des anciennes plus utilisées comme des sites fonctionnant encore. C’est pratique de balancer, c’est quasiment impuni alors si on n’a pas de conscience écologique, pourquoi faire autrement ?» Elle en veut moins aux particuliers qu’aux élus. «Tout dépend de leur volonté. Si un maire ne veut rien faire, il ne se passe rien. Quelque part, laisser les décharges accessibles, sans barrières, c’est un service aux habitants !»
Nettoyer, récupérer, recycler
Raisonnement à courte vue selon Manon Silvant : «les gens balancent ce dont ils n’ont plus besoin dans les ravins et cela finit à la rivière. Ils ne se rendent pas compte que ce qui finit par être pollué, c’est l’eau. L’eau c’est la vie, donc nous, et voilà ce qu’on en fait. On se pollue nous-mêmes en agissant de la sorte».
Avec une soixantaine de personnes, elle a créé Revis en 2016. Une recyclerie, pour ne pas utiliser le nom déposé ressourcerie qui suppose de répondre à un certain nombre de critères administratifs. Mais les fonctions sont semblables : récupérer, recycler, revendre. Le public peut y déposer ou y acheter vêtements, livres, jouets, CD, vaisselle, petit électroménager… «Un objet réemployé est un déchet évité» met en exergue l’association sur son dépliant. Un objet déposé est un objet qui ne finit pas en décharge peut-on ajouter – aucune déchetterie n’étant suffisamment proche pour inciter au déplacement sans une forte motivation.
Esthétiser les déchets
Les bénévoles ont entrepris de nettoyer les décharges alentour. Ce souci de l’environnement est à l’origine de l’association. Adhérente au réseau France nature environnement et à SOS Loue et rivières comtoises, elle peut intervenir à la demande sur un site. Mais pour que ce travail ne soit pas trop inutile, la sensibilisation est au cœur du projet. Elle reste compliquée quand «certains ne comprennent pas pourquoi on ne brûlerait pas des matelas en pleine forêt».
Cet automne, Revis se lance dans un projet ambitieux : une expo à partir d’objets trouvés en décharges sauvages (1). «Cela permet à la fois de nettoyer la nature et de redonner une valeur aux objets à travers l’art. Nous voulons sensibiliser, en rendant compte d’une certaine réalité de la société de consommation. Amener tout le monde à comprendre les enjeux liés aux déchets, tout particulièrement ceux qui finissent leur vie dans la nature». Manon Silvant et ses associés ont fait appel à divers artistes (plasticiens, photographes, light painters ) pour créer des installations composées d'éléments hétéroclites retrouvés dans les forêts. «Sous forme de parcours, cette exposition amène à comprendre, tout en s'amusant, les enjeux liés aux déchets et nous pousse à nous questionner sur nos pratiques».
Parmi les participants, Romain Bresson de Niotte prod, Nico San de San Art Picture, Simone Découpe, Cécile Baziret et l 'association Tri'pour'terre, Alain Lecomtois, entre autres. «Nous voulons rester positifs précise Manon Silvant. En général, les campagnes sur ce thème nous font flipper alors on a décidé de prendre le contrepied».
Esthétiser les déchets est une idée. Mettre en place des ateliers de sensibilisation sur des thèmes tels que zéro déchet, le détournement d’objets, le relooking des meubles en est une autre. Intervenir dans les écoles une troisième. «On ne peut pas passer à côté des décharges avec des enfants et leur dire qu’on ne fait rien. Alors on essaie, avec nos moyens».
Stéphane Paris
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